C’est une exposition artistique pas comme les autres qui vient d’ouvrir ses portes au Palazzo Reale de Milan. Jusqu’au 26 janvier, les visiteurs pourront admirer plus de 80 peintures, dont certaines signées par de grands noms comme Salvador Dali, Andy Warhol, Christo et Giorgio de Chirico. Mais ce qui rend cette exposition si particulière, c’est l’origine de ces œuvres : elles ont toutes été confisquées à la mafia italienne.
Un travail de fourmis pour libérer l’art des griffes du crime
Derrière cette exposition se cache un travail de longue haleine mené par des enquêteurs spécialisés dans la traque de l’argent sale. Leur mission : identifier et saisir les biens acquis illégalement par les organisations criminelles. Parmi ces biens, on trouve régulièrement des œuvres d’art, utilisées par la mafia comme monnaie d’échange dans les trafics de drogue et d’armes.
Grâce à ce travail minutieux, de véritables trésors ont pu être sauvés et rendus au public. Comme l’explique Maria Rosaria Lagana, la préfète qui dirige l’agence en charge de l’administration des biens saisis au crime organisé :
Ce sont des biens qui, à l’évidence, auraient pu être vendus, mais le choix a été fait de les conserver dans les musées, car ils ont une valeur importante.
Maria Rosaria Lagana
Une renaissance artistique
En exposant ces œuvres au grand jour, c’est un peu comme si on les sortait de terre. Tel des archéologues, les organisateurs leur offrent une seconde vie loin de l’obscurité du milieu criminel. Un symbole fort, comme le souligne Mme Lagana :
Des œuvres destinées à rester enfouies dans les circuits du crime organisé sont finalement rendues à la communauté, assumant un rôle symbolique de résistance au crime.
Maria Rosaria Lagana
Parmi les pièces maîtresses présentées à Milan, on retrouve notamment :
- Une lithographie à l’encre de Chine de « Roméo et Juliette » de Salvador Dali
- « Piazza d’Italia », une huile sur toile de Giorgio de Chirico
- Une sérigraphie du pape du pop art Andy Warhol intitulée « Arts d’été dans les parcs »
- Une lithographie d’une « Vénus emballée » par Christo pour la Villa Borghèse à Rome
Une exposition itinérante pour sensibiliser le public
Après Milan, l’exposition « SalvArti, des confiscations aux collections publiques » se déplacera au Palais de la Culture de Reggio de Calabre, du 8 février au 27 avril. L’objectif est clair : en exposant ces œuvres récupérées, les organisateurs souhaitent promouvoir la culture tout en éveillant les consciences sur l’ampleur du phénomène mafieux.
Car si la mafia fait régulièrement la une avec des histoires de trafic de drogue et de règlements de compte, son emprise sur le marché de l’art est moins connue du grand public. Pourtant, le lien entre crime organisé et œuvres d’art ne date pas d’hier. L’un des vols les plus spectaculaires reste celui de la « Nativité avec saint François et saint Laurent » du Caravage, dérobée à l’oratoire San Lorenzo de Palerme en 1969. Un demi-siècle plus tard, le chef-d’œuvre reste introuvable.
En donnant à voir ces œuvres autrefois détenues par la mafia, l’exposition milanaise lève le voile sur cette facette méconnue mais bien réelle du crime organisé. Une manière de réaffirmer que l’art, expression sublime de la créativité humaine, n’a pas sa place entre les mains des criminels. Qu’il doit être accessible à tous, pour le plus grand bonheur des amateurs comme des néophytes. Une renaissance artistique porteuse d’espoir, symbole que même l’emprise tentaculaire des mafias a ses limites.
Alors si vous passez par Milan ou Reggio de Calabre ces prochains mois, ne manquez pas cette exposition pas comme les autres. Bien plus que de simples tableaux, c’est un véritable concentré d’histoire, d’émotions et d’engagement qui vous y attend. La preuve que l’art, quand il est libéré des chaînes du crime, peut brillé de son éclat le plus pur.