Dans l’est de la France, à Nancy, des familles ukrainiennes ayant trouvé refuge loin des combats font face à un nouveau défi : quitter le logement transitoire qui leur avait été attribué. Une situation soudaine qui replonge ces réfugiés dans l’incertitude et l’angoisse, comme en témoignent plusieurs d’entre eux.
Des courriers qui sèment le trouble
Mi-septembre, plusieurs familles ukrainiennes hébergées à Nancy et dans les environs ont reçu un courrier de l’association en charge de leur logement. La teneur du message : une demande de quitter les lieux, au motif que les “démarches nécessaires d’insertion professionnelle et d’autonomisation” n’auraient pas été menées de manière suffisamment active.
Pour Iryna Baranovska et son fils de 6 ans, cette lettre est un véritable choc. Installés dans un trois pièces mis à leur disposition au printemps 2022, dans le cadre d’un contrat de sous-location créé spécifiquement pour l’accueil des réfugiés ukrainiens, ils peinaient déjà à trouver leurs marques. “Pourquoi cela nous arrive-t-il et pourquoi prétend-on que nous ne faisons rien ?”, se désole la jeune femme.
Une intégration professionnelle complexe
Si Iryna reconnaît avoir travaillé de manière ponctuelle depuis son arrivée, notamment pour des ménages et dans la restauration, concilier emploi et garde de son enfant s’avère un vrai casse-tête. Analyste des ventes dans son pays, elle peine à retrouver un poste équivalent et les horaires qu’on lui propose sont difficilement compatibles avec sa situation de mère isolée.
Un constat partagé par Serhii Kochetkov, chauffeur routier de métier, arrivé seul avec sa fille adolescente. Malgré une recherche active, l’homme n’a pas réussi à décrocher un contrat. “J’ai peur de me retrouver à la rue avec mon enfant”, confie-t-il, désemparé par la perspective de devoir quitter son logement de Jarville-la-Malagrange d’ici mi-novembre, comme stipulé dans le courrier reçu.
Un sentiment d’incompréhension
Au-delà des difficultés pratiques, c’est l’incompréhension qui domine chez les réfugiés concernés. Beaucoup ont le sentiment d’avoir fait leur maximum pour s’intégrer, malgré la barrière de la langue et le traumatisme de l’exil. Les enfants sont scolarisés, comme le fils d’Iryna qui “adore l’école”, ou Oleksandra, la fille de Serhii, qui souhaite poursuivre ses études en France.
Quant à un retour en Ukraine, il est inenvisageable pour la plupart, leurs villes d’origine étant situées dans des zones particulièrement touchées par le conflit comme Kharkiv ou Zaporijjia. Repartir serait trop dangereux et réduirait à néant les efforts déjà entrepris pour reconstruire une vie ailleurs.
Entre tensions et incertitudes
Du côté des autorités, on temporise en assurant qu’il n’y aura “aucune fin de prise en charge de ces familles au 31 octobre”. La préfecture évoque un “objectif de décélération des mesures d’intermédiation locative” et précise que moins de 600 personnes sont actuellement logées via ce dispositif dans le département, contre 1600 au plus fort de la crise.
Mais sur le terrain, les associations sont inquiètes. Roman Filiniouk, président des “Lumières d’Ukraine” estime qu’entre 60 et 70 familles ont reçu des courriers similaires ces derniers jours, faisant voler en éclats l’équilibre fragile qu’elles avaient réussi à instaurer en quelques mois. Si une baisse progressive des hébergements d’urgence était attendue, l’absence de calendrier précis et les injonctions soudaines à quitter les lieux créent un climat d’anxiété parmi les réfugiés.
La difficile question de l’après
Pour l’heure, les familles concernées sont dans le flou le plus total. Où aller ? Comment assurer la continuité de la scolarité des enfants ? Quelles solutions de relogement envisager avec peu de ressources et un avenir professionnel incertain ? Autant de questions qui taraudent Iryna, Serhii et les autres, désormais suspendus aux décisions des autorités et des associations.
Une chose est sûre, l’accueil et l’accompagnement des réfugiés, ukrainiens comme d’autres nationalités, restent un défi de longue haleine. Au-delà de l’urgence, c’est tout un processus d’intégration qu’il faut repenser et soutenir dans la durée, en conciliant impératifs administratifs et considérations humaines. Un équilibre complexe à trouver, pour que la solidarité des premiers jours ne cède pas place à la désillusion.