Nos fidèles compagnons à quatre pattes et à plumes sont de plus en plus nombreux à avaler des gélules d’antidépresseurs ou d’anxiolytiques, prescrits par les vétérinaires pour soigner leurs troubles du comportement. Un phénomène inquiétant qui soulève des questions sur notre façon de vivre avec eux et les conséquences de la domestication sur leur bien-être mental.
L’intervention humaine, source de déséquilibres comportementaux
D’après le Dr Patrick Pageat, pionnier dans le domaine du comportement animal, nos animaux de compagnie développent de plus en plus de troubles psychologiques à cause de nos interventions et de notre mode de vie. Nous les avons façonnés génétiquement, éloignés de leurs instincts naturels, et nous leur imposons des contraintes qui les perturbent profondément.
On a longtemps cru que le comportement des animaux était uniquement conditionné par la génétique, ce qu’on appelle l’instinct. Aujourd’hui, on accepte de plus en plus l’idée que l’animal est le résultat d’interactions entre son patrimoine génétique et son environnement.
Dr Patrick Pageat, vétérinaire comportementaliste
Confinement, solitude, manque d’activité, d’interactions sociales, alimentation industrielle… Autant de facteurs liés au mode de vie humain qui génèrent du stress, de la frustration, de l’anxiété chez les animaux de compagnie. Des émotions négatives qui se traduisent par des troubles du comportement comme l’agressivité, la destruction, les aboiements intempestifs, la malpropreté, etc.
Des traitements médicamenteux en hausse
Face à ces troubles comportementaux de plus en plus fréquents, les vétérinaires ont de plus en plus recours aux psychotropes pour aider les animaux et leurs maîtres. Antidépresseurs, anxiolytiques, régulateurs d’humeur… Ces molécules agissent sur les neurotransmetteurs pour apaiser l’animal et atténuer les symptômes.
Aux États-Unis, plus de 2,8 millions d’ordonnances pour des psychotropes destinés aux animaux de compagnie ont été délivrées en 2019, selon une étude. Un chiffre en hausse de 40% par rapport à 2015. En France, bien qu’aucune statistique précise ne soit disponible, les vétérinaires confirment cette tendance à la hausse des prescriptions.
On leur prescrit de plus en plus souvent des psychotropes. Pour certains, c’est indispensable et ça leur change la vie. Mais dans d’autres cas, on pourrait s’en passer si on modifiait leur environnement et nos relations avec eux.
Un vétérinaire français souhaitant rester anonyme
Vers des alternatives plus naturelles ?
Si les psychotropes peuvent aider ponctuellement des animaux en grande détresse, ils ne règlent pas les causes profondes du mal-être. Beaucoup de vétérinaires et de comportementalistes préconisent donc des approches plus globales et naturelles pour restaurer l’équilibre émotionnel des compagnons à poils et à plumes :
- Enrichissement du milieu de vie
- Activités physiques et mentales
- Phéromones apaisantes
- Massages et relaxation
- Thérapies cognitivo-comportementales
- Alimentation saine et adaptée
Le Dr Patrick Pageat et son équipe misent notamment sur les phéromones, ces substances naturellement émises par les animaux pour communiquer. Diffusées dans l’environnement, certaines phéromones auraient des vertus apaisantes et sécurisantes qui permettraient de diminuer le stress et l’anxiété sans passer par des molécules de synthèse.
Il faut repenser notre relation à l’animal, lui offrir des conditions de vie qui respectent ses besoins, plutôt que de l’assommer de médicaments. C’est un être sensible, doué d’émotions, qui a besoin d’interactions positives, de communiquer. Trop souvent, on l’infantilise ou on le considère comme un objet.
Marie, comportementaliste canin
Un constat qui pousse à s’interroger : les animaux de compagnie sont-ils les seuls à avoir besoin de psychotropes ? Ou sont-ils le reflet d’une société humaine elle-même en souffrance, qui peine à répondre à ses besoins fondamentaux ? Quoi qu’il en soit, il est urgent de repenser notre façon de cohabiter avec ces êtres vivants qui partagent nos vies, pour leur bien-être et le nôtre.