C’est un spectacle à la fois fascinant et étonnant qui se déroule chaque année dans les rues bondées de Manille, la capitale des Philippines. Des centaines de milliers de fervents catholiques, pieds nus, se pressent pour approcher une statue en bois noir de Jésus-Christ vieille de plusieurs siècles. Connue sous le nom de « Nazaréen noir », cette représentation est considérée comme miraculeuse par les fidèles.
Une procession attendue et préparée
Les festivités autour du Nazaréen noir s’achèvent par une grande procession annuelle vers l’église Quiapo. Celle-ci démarre avant l’aube, après une messe en plein air, et les autorités religieuses s’attendent cette année encore à une immense affluence, de l’ordre de 2 millions de personnes venues de tout l’archipel. Il faut dire que cette manifestation de la dévotion catholique est l’une des plus importantes au monde.
Pour l’occasion, les participants revêtent des chemises marron, rappelant la couleur de la robe de la statue. Les plus fervents n’hésitent pas à se déplacer pieds nus, bravant la foule et la chaleur. Un important dispositif de sécurité est déployé par les autorités, avec environ 14 500 policiers et membres des forces de l’ordre positionnés le long des 6 kilomètres du parcours.
Le pouvoir des prières et des miracles
Pour beaucoup de fidèles, approcher et si possible toucher la statue est primordial. Certains tentent même, au péril de leur vie, d’escalader le char sur lequel elle est installée, bien que cela soit interdit. Chacun espère ainsi obtenir des grâces ou voir ses prières exaucées, en particulier pour des problèmes de santé.
J’avais prié pour que ma mère se remette de sa crise cardiaque
confie Dong Lapira, 54 ans, qui avait réussi à toucher la statue une année précédente malgré les bousculades.
Cette année, il souhaite que son épouse soit guérie de ses calculs biliaires. « Le Nazaréen est très sacré. Il a exaucé de nombreuses prières« , assure-t-il avec conviction. Cette foi inébranlable, on la retrouve chez Ester Espiritu, 76 ans, qui a parcouru 35 km pour assister à la procession. Pour elle, même un simple regard posé sur la statue lui procure un sentiment de joie et de bonne santé.
Une statue entourée de mystère
La statue grandeur nature du Nazaréen noir a une histoire singulière. Sculptée dans du bois, elle aurait été apportée du Mexique aux Philippines au début du XVIIe siècle, peu après le début de la conquête coloniale espagnole. Sa couleur noire, d’où son nom, serait due à un incendie survenu à bord du galion espagnol qui la transportait.
Aujourd’hui, elle est devenue un véritable symbole pour les catholiques philippins. Perchée sur son char, protégée par une vitrine, elle est entourée de gardiens qui récupèrent les serviettes lancées par les fidèles. Après avoir essuyé la vitrine avec les tissus, ils les relancent dans la foule. Un geste chargé de sens qui relie chaque croyant à sa foi et au Nazaréen.
Un événement sous haute surveillance
Si la procession est un moment de ferveur et de communion, elle représente aussi un défi logistique et sécuritaire pour les autorités. En plus du large déploiement policier, plusieurs mesures sont prises :
- Le réseau de téléphonie mobile est bloqué sur le parcours pour éviter le déclenchement à distance d’engins explosifs
- Des équipes d’intervention d’urgence sont mobilisées
- La Croix-Rouge philippine a prodigué des soins à plus de 300 participants, dont 14 ont dû être hospitalisés
Pour le président philippin Ferdinand Marcos, cette célébration est le reflet de « l’immense pouvoir et de la compassion de Dieu qui marche avec nous et entend nos prières, en particulier dans les moments difficiles« . Des mots qui résonnent dans le cœur des fidèles, prêts à braver la foule et la fatigue pour vivre ce moment unique de dévotion et d’espérance.
Chaque année, la procession du Nazaréen noir rassemble les catholiques philippins dans une impressionnante démonstration de ferveur et de foi. Entre recherche de miracles, traditions séculaires et immense fête populaire, cet événement reste un rendez-vous incontournable qui en dit long sur la place centrale qu’occupe la religion dans la société philippine. Une célébration aussi fascinante que spectaculaire.
