La capitale portugaise a été le théâtre d’une importante manifestation ce samedi, rassemblant des milliers de personnes venues dénoncer les violences policières et le racisme dans le pays. Les manifestants ont défilé pacifiquement sur l’avenue principale du centre-ville, scandant des slogans tels que “Pas de paix sans justice” ou “Le racisme tue”.
Cette mobilisation intervient après une semaine de vives tensions dans plusieurs quartiers défavorisés de la région de Lisbonne, suite à la mort d’un homme noir de 43 ans, Odair Moniz, tué par un policier dans la nuit de dimanche à lundi. Selon une source proche de l’enquête, la victime, originaire du Cap-Vert, aurait tenté de fuir un contrôle puis de s’en prendre aux agents avec une arme blanche, avant d’être abattue de deux balles.
Le policier mis en cause, âgé d’une vingtaine d’années seulement, a depuis été mis en examen pour homicide. Une version des faits remise en question par plusieurs témoignages et informations parues dans la presse locale.
Colère et émotion au sein de la communauté cap-verdienne
Dans le cortège des manifestants, la colère et l’émotion étaient palpables, en particulier parmi les proches et les habitants du quartier où vivait Odair Moniz. Décrit comme “un bon père de famille, apprécié de tous”, sa mort brutale a profondément choqué.
“Ce n’est pas par la couleur de peau que l’on juge les gens. […] Personne n’a le droit de tuer personne”
Luis Gomes, 30 ans, habitant du quartier d’Odair Moniz
Pour beaucoup, ce drame ravive le souvenir douloureux d’autres jeunes issus de l’immigration, morts dans des circonstances similaires sans que justice ne soit rendue.
“Ce n’est pas la première fois qu’un de nos jeunes se fait tuer et il n’y a pas de justice”
José Rosa, 58 ans, Cap-verdien installé au Portugal depuis l’enfance
L’extrême droite apporte son soutien à la police
Le parti d’extrême droite Chega, qui a réalisé une percée aux dernières élections législatives, a lui aussi appelé à manifester samedi. Environ 200 de ses sympathisants se sont rassemblés pour afficher leur soutien aux forces de l’ordre.
Son dirigeant André Ventura a même déclaré que le policier auteur des tirs mortels devrait être “décoré” plutôt que “mis en examen”. Des propos qui ont suscité l’indignation et creusé un peu plus le fossé avec les communautés issues de l’immigration.
L’héritage douloureux du passé colonial
Pour de nombreux manifestants, les violences policières et le racisme dont sont victimes les populations noires ont des racines anciennes, qui remontent à l’époque où le Portugal possédait encore de vastes territoires en Afrique.
“Violences policières, héritage colonial”
Slogan scandé par les manifestants
Aujourd’hui, le pays compte d’importantes communautés issues de ces anciennes colonies, comme le Cap-Vert, l’Angola ou le Mozambique. Mais leur intégration reste un défi, sur fond de préjugés tenaces et de discriminations.
Face à ce constat, les appels à une meilleure formation des policiers et à une lutte plus déterminée contre le racisme institutionnel se multiplient. La mort tragique d’Odair Moniz a remis ces questions brûlantes au cœur du débat.
Les autorités, interpellées de toutes parts, vont devoir apporter des réponses concrètes pour apaiser les tensions et restaurer la confiance avec ces populations qui se sentent abandonnées et stigmatisées. Un défi majeur pour le Portugal, qui peine encore à assumer son passé colonial et ses conséquences.