Ce samedi, les rues de Luanda, la capitale angolaise, ont résonné des cris de milliers de manifestants rassemblés à l’appel de l’opposition. Leur revendication principale : dénoncer l’inaction du gouvernement face à la faim qui ravage le pays. Dans une ambiance tendue mais pacifique, environ 4000 personnes selon un journaliste de l’AFP ont défilé, étroitement encadrées par les forces de l’ordre.
L’opposition monte au créneau contre le gouvernement
Cette manifestation, la première de cette ampleur depuis les élections controversées de 2022, était organisée par l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita). Ce parti d’opposition, dont la popularité ne cesse de croître, conteste toujours les résultats du scrutin qui a reconduit le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) et le président Joao Lourenço au pouvoir.
Sur les banderoles brandies par les manifestants, on pouvait lire des slogans sans équivoque : “Lourenço dégage”, “MPLA dégage”, “Lourenço le peuple meurt de faim, dégage tu ne fais rien” ou encore “Rien ne va, nous ne voulons plus la dictature “. Vêtus aux couleurs rouge et vert de l’opposition, les protestataires n’ont pas mâché leurs mots pour exprimer leur ras-le-bol.
Le spectre de la famine et de la malnutrition
Pour Alvaro Chikwamanga, secrétaire général de l’Unita, cette manifestation vise à dénoncer “la mauvaise gouvernance de Joao Lourenço”. Il s’alarme : “Le peuple angolais meurt de faim, les enfants sont atteints de malnutrition et s’alimentent dans des poubelles alors que notre pays est riche en ressources”. Un constat partagé par de nombreux manifestants, à l’instar d’Elisabeth Ana Bela, étudiante de 24 ans, qui affirme avoir rejoint le mouvement car “la famine est énorme dans notre pays, il faut que les choses changent”.
La situation est en effet préoccupante. Selon les Nations unies, une sécheresse record cette année en Afrique australe a dévasté les récoltes, exposant des millions de personnes à la faim. Pour Jose Venancio, 19 ans, le parti au pouvoir porte une lourde responsabilité : “Notre pays ne vaut plus rien (…) La famine est devenue comme une seconde guerre et ce n’est pas sérieux avec la gouvernance de MPLA qui ne change rien à la vie de la population”.
Un front uni contre le pouvoir en place
Face à cette crise, l’Unita tente de fédérer les forces d’opposition. Le parti, ancien groupe rebelle devenu la deuxième force politique du pays, a invité la société civile et d’autres mouvements à se joindre à la manifestation. Un appel qui semble avoir été entendu au vu de l’ampleur du rassemblement.
Cette mobilisation intervient dans un contexte post-électoral tendu. Aux dernières élections, le MPLA avait été reconduit de justesse avec 51% des voix, talonné par l’Unita qui en avait recueilli 44%. Le parti d’opposition avait contesté les résultats en justice, en vain. Mais loin de se décourager, il entend bien continuer à faire entendre sa voix et à challenger le pouvoir en place sur son bilan, notamment en matière de lutte contre la pauvreté et la faim.
Le président Lourenço sous pression
Pour le président Joao Lourenço, au pouvoir depuis 2017, cette manifestation massive est un signal clair. Régulièrement accusé d’autoritarisme par ses opposants, il se retrouve aujourd’hui sous le feu des critiques pour sa gestion de la crise humanitaire qui frappe le pays. Selon une source proche de la présidence, il aurait convoqué en urgence une réunion de crise après la manifestation.
Le chef de l’Etat, auréolé à son arrivée au pouvoir d’une image de réformateur, doit maintenant composer avec une opposition revigorée et une rue qui gronde. D’autant que l’Angola, deuxième producteur de pétrole d’Afrique, à l’énorme potentiel économique, suscite de grandes attentes au sein de sa population.
Cette marche de protestation marque-t-elle un tournant ? Quoi qu’il en soit, elle met en lumière les défis majeurs auxquels le pays est confronté. Entre une pauvreté endémique, une corruption persistante malgré les promesses de la lutte, et maintenant le spectre de la famine, le gouvernement angolais se trouve plus que jamais sous pression. À lui de trouver rapidement des réponses pour apaiser une population à bout de patience et de souffrances.