Samedi après-midi, les rues du centre de Barcelone ont vibré au rythme des slogans et des revendications de milliers de manifestants rassemblés pour dénoncer la crise du logement qui frappe durement la capitale catalane. Venus de tous les quartiers, soutenus par les syndicats et les partis de gauche, les protestataires exigent des mesures radicales pour enrayer la flambée des loyers et garantir l’accès au logement pour tous.
Derrière la banderole “Un logement digne pour tous”, le cortège a envahi le Passeig de Gràcia, artère emblématique de Barcelone, pour clamer son ras-le-bol face à une situation jugée intenable. “Il n’est pas possible que les investisseurs viennent dans nos villes et jouent avec les appartements comme au Monopoly”, s’insurge Carme Arcarazo, porte-parole du Syndicat des locataires catalan, principal organisateur de la manifestation.
Une mobilisation sans précédent contre les “rentiers” de l’immobilier
L’ampleur de ce rassemblement témoigne de l’exaspération grandissante des Barcelonais face à l’envolée des prix de l’immobilier. Selon le portail Idealista, le loyer moyen au mètre carré a bondi de 82% au cours des dix dernières années dans la ville, soit cinq fois plus vite que les salaires. Une hausse vertigineuse qui met en péril le droit au logement pour de nombreux habitants.
Aujourd’hui, nous sommes venus pour dire que c’est fini, notamment aux rentiers qui nous volent la moitié de nos salaires.
Carme Arcarazo, porte-parole du Syndicat des locataires catalan
Les manifestants pointent du doigt les grands propriétaires et les fonds d’investissement, accusés de spéculer sur l’immobilier au détriment des résidents. Ils réclament une baisse immédiate des loyers de l’ordre de 50%, ainsi que l’instauration de contrats de location à durée indéterminée et l’interdiction des ventes de logements à caractère spéculatif.
La mairie de Barcelone s’attaque aux locations touristiques
Face à cette fronde populaire, les autorités tentent de réagir. La mairie de Barcelone, dirigée par la gauche, a lancé une offensive contre les meublés touristiques type Airbnb, jugés en partie responsables de la pénurie et de la cherté des logements. D’ici 2024, la ville prévoit de retirer les licences des 10 000 appartements loués aux visiteurs afin de les remettre sur le marché locatif classique.
Il y a un problème d’accès au logement. Nous devons agir sur tous les leviers, y compris celui des locations saisonnières.
Janet Sanz, adjointe à l’urbanisme de Barcelone
Mais pour beaucoup, ces mesures arrivent trop tard et sont insuffisantes face à l’ampleur de la crise. Les manifestants menacent de lancer une “grève des loyers” si leurs revendications ne sont pas entendues rapidement.
L’Espagne face au défi du logement abordable
Au-delà de Barcelone, c’est toute l’Espagne qui est confrontée au casse-tête du logement accessible. Malgré l’adoption en 2022 d’une loi encadrant les loyers dans les zones tendues, la flambée des prix de l’immobilier se poursuit dans la plupart des grandes villes du pays. À Madrid, une manifestation similaire avait réuni plus de 20 000 personnes le 13 octobre dernier.
Le gouvernement central, qui mise sur la construction de logements sociaux, peine à enrayer la spirale inflationniste. Certaines mesures phares de la loi Logement, comme le plafonnement des loyers, tardent à être mises en œuvre, faute d’accord avec les régions.
Dans ce contexte explosif, la mobilisation historique des Barcelonais fait figure d’électrochoc. Elle illustre l’urgence d’apporter des réponses concrètes et ambitieuses à une crise du logement qui menace la cohésion sociale et le droit à la ville pour des pans entiers de la population. Les pouvoirs publics sauront-ils relever ce défi majeur ? L’avenir du modèle urbain espagnol en dépend.