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Des logiciels espions utilisés contre les défenseurs des droits humains en Serbie

Amnesty International révèle l'utilisation de logiciels espions par les autorités serbes pour infiltrer les téléphones de journalistes, militants écologistes et défenseurs des droits humains. Un arsenal de surveillance qui sape la société civile...

Depuis plusieurs mois, les défenseurs des droits humains, les militants écologistes et les journalistes en Serbie sont la cible d’une vaste campagne de surveillance numérique orchestrée par les services de renseignement. C’est ce que révèle un nouveau rapport d’Amnesty International intitulé « +Une prison numérique+, Surveillance et répression de la société civile en Serbie », qui dénonce la « répression numérique » des autorités serbes.

Des logiciels espions pour infiltrer les téléphones

L’enquête d’Amnesty a permis de démontrer que les services secrets serbes (BIA) utilisent notamment deux outils pour s’introduire illégalement dans les smartphones de leurs cibles:

  • Cellebrite: un logiciel développé en Israël capable d’extraire les données d’un large éventail d’appareils mobiles, y compris les plus récents iPhone et smartphones Android, même sans disposer du code d’accès.
  • NoviSpy: un malware Android « moins perfectionné techniquement » mais qui « offre aux autorités serbes de vastes capacités de surveillance une fois installé », comme la récupération de données sensibles ou le contrôle à distance du micro et de la caméra.

Grâce à cet arsenal, les services serbes peuvent infiltrer les téléphones de leurs cibles pour les espionner et collecter des renseignements en toute discrétion.

Des activistes interpellés et forcés de déverrouiller leur téléphone

Plusieurs victimes de cette surveillance intrusive témoignent dans le rapport d’Amnesty. C’est le cas de Nikola Ristic, un organisateur de manifestations contre le gouvernement, qui a été interpellé par les services secrets en novembre dernier à cause d’un simple post Instagram appelant à protester.

Lors de sa détention, les agents du BIA ont pris son téléphone et insisté lourdement pour qu’il le déverrouille, sans doute pour y installer un logiciel espion à son insu. « Leur comportement ressemblait à une mascarade, une couverture pour autre chose », analyse le jeune homme.

Des militants convoqués au commissariat et surveillés

Amnesty a également découvert qu’au moins deux personnes ayant rendez-vous avec les services de renseignement ou la police en tant que victimes ont vu leur téléphone infecté par un spyware à cette occasion.

L’un d’eux, un militant associatif, s’est ainsi rendu de son plein gré dans les locaux du BIA pour discuter d’une attaque contre son association. En quittant le bâtiment, il a remarqué des choses suspectes sur son smartphone, notamment une notification suggérant que ses contacts avaient été exportés pendant l’entretien.

Un sentiment d’anxiété et d’insécurité permanent

Ces intrusions dans la vie privée via les téléphones ont un impact psychologique dévastateur sur les victimes. L’une d’elles, citée dans le rapport sous le pseudonyme d’Aleksandar, témoigne:

On a envahi ma vie privée et cela a complètement détruit mon sentiment de sécurité personnelle. Cela a provoqué une grande anxiété […] J’ai ressenti un sentiment de panique et je suis devenu assez isolé.

Pour Dinushika Dissanayake, directrice générale adjointe d’Amnesty pour l’Europe, tout ceci « met en évidence le fait que les outils de criminalistique mobile comme ceux de Cellebrite représentent un risque énorme pour celles et ceux qui défendent les droits humains, l’environnement et la liberté d’expression ».

Les autorités serbes nient en bloc

Face à ces révélations accablantes, le gouvernement serbe a choisi la politique de l’autruche. Dans deux communiqués distincts, le BIA et le ministère de l’Intérieur ont rejeté en bloc le rapport d’Amnesty, le qualifiant « d’allégations absurdes ». Ils affirment agir « dans le strict respect des lois ».

Mais pour l’ONG, il ne fait aucun doute que ce vaste système de surveillance étatique vise à museler toute voix critique et à intimider la société civile. Par le biais d’une « répression numérique » particulièrement insidieuse et intrusive, les autorités cherchent à faire taire ceux qui osent les défier.

Un contexte qui rend le travail des défenseurs des droits, des militants écologistes et des journalistes encore plus périlleux et crucial en Serbie. Face à un régime prêt à espionner ses propres citoyens, leur détermination à résister et à préserver leur droit à la vie privée force l’admiration et le respect.

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