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Des Intouchables Chargés Du Nettoyage Des Toilettes À La Kumbh Mela

Des millions se pressent à la Kumbh Mela en Inde pour se laver de leurs péchés. Pourtant, seuls les dalits, anciens "intouchables", sont chargés de nettoyer les 150.000 toilettes. Un contraste saisissant qui...

Ils sont les grands oubliés de la Kumbh Mela, ce gigantesque pèlerinage hindou se déroulant actuellement dans le nord de l’Inde. Pendant que des millions de fidèles se pressent pour se baigner dans les eaux sacrées du Gange et de la Yamuna, les dalits, autrefois nommés « intouchables », s’affairent à nettoyer inlassablement les 150.000 toilettes installées pour l’occasion. Un contraste saisissant qui reflète la persistance des inégalités de caste dans la société indienne.

L’envers du décor de la plus grande rencontre spirituelle au monde

Avec 400 millions de participants attendus sur six semaines, la Kumbh Mela 2025 de Prayagraj s’annonce comme le plus grand rassemblement religieux de tous les temps. Un défi logistique et sanitaire titanesque pour les organisateurs, qui ont recruté 5000 nettoyeurs issus de la communauté dalit pour maintenir un semblant d’hygiène.

« Je ne cesse de nettoyer, mais les gens font des dégâts en à peine dix minutes » témoigne Suresh Valmiki, l’un de ces travailleurs de l’ombre. Armés de jets d’eau à faible pression et de seaux, ces hommes et ces femmes luttent à longueur de journée contre les débordements d’excréments, les odeurs nauséabondes et les bouteilles en plastique jetées dans les cuvettes par des pèlerins peu regardants.

Des conditions de travail éprouvantes pour une poignée d’euros

Geeta Valmiki, une autre nettoyeuse, résume amèrement leur sort : « Les gens disent que c’est notre travail de nettoyer les toilettes, pourquoi se donneraient-ils la peine de le faire ? ». Pour un salaire équivalent à 4 euros par jour, ces laissés-pour-compte de la société indienne trimment jusqu’à 12 heures quotidiennement, le nez couvert d’un simple foulard pour se protéger de la puanteur.

Et ce, malgré les efforts affichés par les organisateurs pour assurer un minimum de salubrité, comme le déploiement de 250 véhicules de vidange des fosses septiques ou l’installation de trois stations d’épuration temporaires. Sur le terrain, le constat est implacable : sans eau courante ni équipements adaptés, le travail des nettoyeurs dalits relève de la mission impossible.

La technologie impuissante face aux préjugés de caste

Même les innovations technologiques mises en place peinent à pallier cette gestion chaotique. Un système d’inspection des toilettes par code QR, censé être réalisé toutes les trois heures par 1500 bénévoles, semble tourner à vide. « Il viennent, chient, et nous devons nettoyer pour pouvoir manger » résume crûment Sangeeta Devi, 30 ans, avant d’ajouter fataliste : « C’est la vie ».

Au-delà de l’aspect sanitaire, cette situation met en lumière la persistance des discriminations liées au système des castes en Inde. Malgré son abolition officielle en 1950, cette hiérarchie sociale millénaire continue d’assigner aux dalits les tâches les plus dégradantes et de les maintenir dans une misère endémique. Selon les statistiques, 9 égoutiers ou vidangeurs sur 10 appartiennent à cette communauté ostracisée.

La Kumbh Mela, miroir d’une société indienne encore profondément inégalitaire

Ainsi, même lors d’un événement aussi fédérateur et spirituel que la Kumbh Mela, censé transcender les différences sociales, les dalits restent cantonnés aux besognes les plus ingrates. Pendant que les pèlerins des castes supérieures se purifient dans les eaux sacrées, persuadés de se laver de leurs péchés, leurs frères intouchables expient une faute originelle immuable en nettoyant leurs immondices.

Un paradoxe d’autant plus cruel qu’il se déroule lors d’une célébration de la foi et de l’unité du peuple hindou. La Kumbh Mela, plus grand rassemblement religieux de la planète, se révèle finalement le miroir grossissant d’une Inde encore profondément divisée et inégalitaire, où le poids des traditions séculaires l’emporte sur les timides avancées sociales. Un constat amer qui interroge sur la réalité de l’harmonie et de la fraternité prônées par l’hindouisme lors de ces moments de communion.

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