Un vent de justice vient de souffler en Irak. Ce pays, depuis longtemps miné par la corruption endémique, vient de vivre un jugement sans précédent. Des peines de prison ont été prononcées lundi à l’encontre d’anciens hauts responsables, de fonctionnaires et d’un homme d’affaires pour leur implication dans le détournement de 2,5 milliards de dollars du Trésor public. Une affaire médiatisée, surnommée « le vol du siècle ».
Les verdicts rendus par le tribunal pénal de Bagdad spécialisé dans les affaires de corruption concernent au total 13 personnes, dont 10 fonctionnaires de l’Administration générale des impôts. Parmi eux, l’ancien directeur et son adjoint. Selon une source judiciaire, certains fonctionnaires seraient actuellement en détention.
Un système rodé de détournement de fonds publics
D’après les explications fournies par le fisc fin 2022, ce vol colossal de 2,5 milliards de dollars s’est déroulé entre septembre 2021 et août 2022, à travers l’encaissement de 247 chèques par cinq entreprises. L’argent était ensuite retiré en liquide des comptes de ces sociétés.
Des condamnations par contumace
Les trois personnalités les plus médiatisées dans cette affaire ont été condamnées lundi par contumace :
- L’homme d’affaires Nour Zouhair, principal accusé, a écopé de 10 ans de prison. Il avait été remis en liberté en novembre 2022 après avoir restitué une partie des sommes, soit un peu plus de 125 millions de dollars, et s’être engagé à rembourser le reste. D’après certains médias, il aurait été victime d’un accident de la route au Liban en août.
- Haitham al-Joubouri, ancien conseiller gouvernemental et ex-parlementaire, a été condamné à 3 ans de détention. Il avait fait l’objet d’un mandat d’arrêt cet été, mais les autorités avaient perdu sa trace malgré la restitution de 2,6 millions de dollars.
- Raëd Jouhi, ancien directeur de cabinet d’un ex-Premier ministre actuellement hors d’Irak, a lui écopé de 6 ans de prison aux côtés « d’un certain nombre de fonctionnaires impliqués ».
Une corruption endémique qui gangrène les institutions
Ce jugement marque une étape importante dans un pays où la corruption gangrène toutes les institutions publiques. Cependant, les condamnations visent souvent des échelons intermédiaires de l’État ou de simples exécutants, plus rarement les hautes sphères du pouvoir.
Cette affaire du « vol du siècle », par son ampleur et son retentissement médiatique, pourrait marquer un tournant. La population irakienne, lassée par des décennies de corruption à tous les niveaux, attend des autorités une lutte plus ferme et exemplaire contre ce fléau qui sape le développement du pays.
Le jugement rendu lundi envoie un signal fort. Mais beaucoup restent sceptiques quant à la volonté réelle des dirigeants de s’attaquer aux racines du mal. L’avenir dira si ce procès historique est le début d’un assainissement en profondeur des institutions ou un simple coup d’épée dans l’eau face à un système de corruption profondément enraciné. Les Irakiens, eux, ne désespèrent pas de voir un jour leur pays libéré de ce lourd fardeau.