Dans une démarche inédite, la ville de Marseille propose aux fraudeurs des transports en commun une alternative originale aux traditionnelles amendes. Depuis le début de la semaine, les passagers contrôlés sans titre de transport valide ont la possibilité de convertir leur sanction en un abonnement annuel à tarif préférentiel. Une approche pédagogique qui vise à encourager l’usage régulier des transports publics tout en réduisant la fraude.
Une seconde chance pour les fraudeurs
Jusqu’en avril 2025, les usagers marseillais pris en flagrant délit de fraude lors d’un contrôle pourront échapper à l’amende de 100€ en souscrivant un abonnement annuel au tarif de 20€ par mois. Pour bénéficier de cette offre, il leur suffira de se manifester dans les 7 jours suivant l’infraction auprès des services de la régie des transports métropolitains (RTM).
Marc Labouz, directeur de la sûreté de la RTM, explique qu’il s’agit d’une initiative portée par le conseil métropolitain des jeunes dans le but d’inciter les fraudeurs à changer leurs habitudes. L’idée est de donner une seconde chance à ceux qui auraient fraudé de façon occasionnelle, tout en les fidélisant comme utilisateurs réguliers des transports en commun.
C’est une opportunité pour les fraudeurs de se racheter une conduite en devenant des usagers responsables des transports publics.
Marc Labouz, directeur de la sûreté de la RTM
Un dispositif qui cible la « fraude dure »
Si cette mesure peut paraître clémente, elle ne s’adresse pas aux fraudeurs récidivistes. Comme le souligne M. Labouz, les usagers n’auront droit qu’à une seule chance de convertir leur amende. L’objectif est avant tout de lutter contre ce que les professionnels appellent la « fraude dure », c’est-à-dire le fait de voyager régulièrement sans s’acquitter du prix du billet.
En 2023, plus de 101 000 procès-verbaux pour fraude ont été dressés par les 270 agents de contrôle de la RTM. Un chiffre conséquent qui témoigne de l’ampleur du phénomène et de son impact sur les finances de la régie des transports. En proposant aux contrevenants de régulariser leur situation, la ville espère réduire significativement le manque à gagner lié à la fraude.
Une approche pédagogique saluée
Si le dispositif est encore trop récent pour en mesurer les effets, il suscite d’ores et déjà l’adhésion du public. De nombreux usagers saluent le caractère pédagogique de la démarche, qui responsabilise les fraudeurs sans pour autant les stigmatiser. Certains y voient même un moyen de faciliter l’accès aux transports pour les personnes en situation de précarité.
Je trouve que c’est une excellente initiative. Cela permet de donner un nouveau départ à ceux qui ont fraudé sans pour autant les enfermer dans une spirale de sanctions.
Témoignage d’une usagère des transports marseillais
La régie des transports se montre en tout cas confiante quant aux retombées positives de cette expérimentation. Si les résultats sont concluants, le dispositif pourrait être pérennisé et même étendu à d’autres villes françaises confrontées à d’importants taux de fraude dans leurs transports publics.
Une tendance à la prévention plutôt qu’à la répression
Cette initiative marseillaise s’inscrit dans une tendance de fond qui tend à privilégier la prévention et la pédagogie dans la lutte contre la fraude. Plutôt que de miser uniquement sur un renforcement des contrôles et des sanctions, de plus en plus de villes misent sur des actions de sensibilisation pour faire évoluer les comportements.
On peut citer l’exemple de Grenoble qui a lancé une campagne de communication décalée sur le thème « Frauder, c’est pas beau » ou encore celui de Nantes qui a instauré des médiateurs dans ses tramways pour aller à la rencontre des usagers et les informer sur la validation des titres de transport. Autant d’approches innovantes qui visent à responsabiliser les voyageurs plutôt qu’à les stigmatiser.
Vers une meilleure acceptation des transports publics ?
Au-delà de son impact sur les taux de fraude, la conversion des amendes en abonnements pourrait aussi avoir des répercussions plus larges sur la perception des transports en commun. En incitant les fraudeurs occasionnels à devenir des usagers réguliers, elle pourrait contribuer à améliorer l’image parfois dégradée des réseaux de transports publics.
Il faut en effet rappeler que la fraude est souvent le symptôme d’un malaise plus profond, lié notamment aux tarifs jugés trop élevés, à la qualité de service ou encore au sentiment d’insécurité. En proposant une alternative à la sanction, la RTM fait un geste d’ouverture qui pourrait amorcer un cercle vertueux : plus d’usagers satisfaits du service rendu, donc moins enclins à frauder et plus prompts à valoriser les transports dans leur entourage.
Quel avenir pour ce dispositif innovant ?
Même s’il est encore tôt pour tirer des conclusions, l’initiative marseillaise sera scrutée avec attention par les autres métropoles françaises. Si elle prouve son efficacité, elle pourrait faire des émules et contribuer à faire évoluer les approches en matière de lutte contre la fraude.
Certains spécialistes appellent cependant à la vigilance, en soulignant qu’une telle mesure ne peut se substituer complètement aux contrôles et aux sanctions. Pour être réellement efficace, elle doit s’inscrire dans une stratégie globale alliant pédagogie, prévention et répression ciblée des fraudeurs récidivistes.
Il sera donc intéressant de suivre dans la durée les effets de cette expérimentation marseillaise pour voir si elle tient ses promesses en matière de réduction de la fraude et d’amélioration durable des comportements des usagers. Une chose est sûre : dans la lutte contre les resquilleurs, la créativité et l’innovation sont plus que jamais de mise !