En cette fin novembre, le froid mordant n’est pas le seul souci des familles sans-abri de Lyon. Depuis des mois, elles avaient trouvé refuge dans des tentes près de la gare de Perrache. Mais l’annonce d’un démantèlement imminent pour laisser place au traditionnel marché de Noël a précipité les choses. Sans solution de relogement, une vingtaine de familles, dont une soixantaine de personnes, a dû plier bagage.
Face à l’urgence, les militants du collectif Jamais sans Toit ont interpellé la mairie. Leur demande : ouvrir l’ancienne école Gillibert, un bâtiment voisin laissé vacant, pour héberger ces familles dans le besoin. Problème, l’établissement est promis à l’école des Beaux-Arts pour janvier 2025. Après un rassemblement et une réunion en préfecture jeudi soir, les familles et militants ont pris les choses en main. Ils ont investi les lieux, mettant la municipalité devant le fait accompli.
Une crise du sans-abrisme qui s’aggrave à Lyon
La ville de Lyon n’échappe pas à la dégradation de la situation des sans-abri. Sophia Popoff, adjointe au maire en charge du Logement, tire la sonnette d’alarme : «On voit bien que la situation du sans-abrisme se dégrade. On croise de plus en plus de campements dans Lyon, et ce n’est pas qu’une impression, on est passé de 63 campements l’an dernier à 80 aujourd’hui». Parmi ces campements de fortune, 141 enfants dorment dans la rue chaque nuit.
Les tentes ce n’est pas assez dans l’esprit de Noël.
Collectif Jamais sans Toit
Des solutions d’urgence insuffisantes
Si les municipalités n’ont pas la compétence de l’hébergement d’urgence, la ville de Lyon tente tout de même d’agir face à cette situation préoccupante. 72 places ont été ouvertes dans un ancien Ehpad et le patrimoine bâti vacant est mobilisé. Des écoles sont aussi mises à disposition le soir, en lien avec des associations, pour accueillir une cinquantaine d’enfants et leurs familles.
La mairie a également dégagé un budget de 2,5 millions d’euros pour payer des nuits d’hôtel aux familles pendant les vacances scolaires, quand les écoles ferment leurs portes. Mais pour Sophia Popoff, ces mesures restent insuffisantes face à l’ampleur de la crise : «On n’y arrivera pas seul».
Un bras de fer avec l’État
La plupart des familles qui occupent désormais l’école Gillibert seraient des réfugiés afghans avec un titre de séjour, d’autres sont albanais. Pour la municipalité écologiste, «ces publics doivent être pris en charge par l’État». Mais du côté de la préfecture, on assure que des diagnostics individualisés sont menés et on rappelle les 25 000 places d’hébergement d’urgence ouvertes ces dernières années dans le département du Rhône.
Dans un contexte budgétaire contraint, l’État ne prévoit pas de nouvelles créations de places cette année. Un statu quo intenable pour les associations et les élus locaux, qui réclament des moyens supplémentaires pour faire face à la crise. En attendant, ce sont les familles à la rue qui continuent de payer le prix fort de ce bras de fer entre l’État et les collectivités.
Une trêve hivernale sous haute tension
Pour les militants de Jamais sans Toit et les familles qui occupent l’ancienne école Gillibert, l’objectif est clair : tenir jusqu’au 15 décembre, date de début de la trêve hivernale des expulsions. Un accord oral a été trouvé avec la mairie pour libérer les lieux à cette échéance. D’ici là, chacun retient son souffle, espérant qu’une solution pérenne sera trouvée pour ces dizaines de personnes laissées sur le carreau.
Face à la saturation du parc d’hébergement d’urgence, les regards se tournent désormais vers l’État. Sera-t-il au rendez-vous pour assumer ses responsabilités et proposer un toit digne à toutes ces familles dans le besoin ? L’hiver risque d’être long pour les sans-abri de Lyon et d’ailleurs. Et la promesse écologiste du «zéro enfant à la rue» n’a jamais semblé aussi loin.