Une baisse des prix de l’électricité de 14% a été annoncée en grande pompe par le Premier ministre Michel Barnier. Derrière ce qui ressemble à un généreux cadeau fiscal se cache malheureusement une réalité bien moins reluisante. Loin d’un véritable effort du gouvernement pour soulager les ménages, il s’agit surtout d’un simple effet d’aubaine lié à l’évolution du marché de gros de l’électricité.
Derrière les promesses, la réalité des chiffres
Lorsqu’on décortique les annonces gouvernementales, on réalise vite que cette baisse de 14% des tarifs réglementés de l’électricité ne reflète en aucun cas un « cadeau » fiscal. Les prix sur le marché de gros ont en effet fortement chuté cette année, en raison notamment d’un hiver doux en Europe et de stocks de gaz bien remplis.
Concrètement, en renonçant à une hausse des taxes sur l’électricité en 2025, le gouvernement ne fait que répercuter mécaniquement la baisse des prix de gros aux consommateurs. Une baisse qu’il aurait été politiquement difficile de ne pas appliquer intégralement aux ménages, après la flambée des factures des derniers mois.
La baisse aurait pu être encore plus importante
En y regardant de plus près, on réalise même que la baisse aurait pu être encore plus conséquente si le gouvernement n’avait pas décidé de relever discrètement certains prélèvements. C’est notamment le cas de la taxe CSPE, qui finance entre autres le développement des énergies renouvelables et qui devrait fortement augmenter en 2025, de manière à compenser la fin des tarifs réglementés pour les nouveaux projets solaires et éoliens.
En clair, le gouvernement reprend d’une main une partie de ce qu’il a donné de l’autre, en augmentant des taxes énergétiques qui ne disent pas leur nom. Une stratégie qui permet à Michel Barnier de communiquer sur un chiffre impressionnant de 14% de baisse, tout en maintenant les recettes fiscales. Un tour de passe-passe qui ne trompe pas les observateurs avisés.
Des charges qui continuent de peser sur les ménages
Car en parallèle de cette pseudo-baisse des tarifs réglementés, les consommateurs vont continuer à subir la hausse d’autres taxes et prélèvements spécifiques à leur facture d’électricité :
- La hausse de 50% du tarif d’acheminement, qui reflète les coûts de transport et de distribution
- L’augmentation de la TVA de 5,5% à 20% sur les abonnements
- La contribution tarifaire d’acheminement qui finance les retraites des électriciens et gaziers
Bref, une addition salée qui viendra fortement relativiser pour les ménages les effets de la baisse affichée. D’après des estimations publiées dans la presse économique, un consommateur moyen ne devrait ainsi économiser qu’une trentaine d’euros en 2025 grâce à ces tarifs en trompe-l’œil.
Un marché européen de l’énergie à réformer
Plus fondamentalement, cette affaire illustre les limites du système actuel de formation des prix de l’électricité au niveau européen. En indexant les tarifs réglementés nationaux sur un marché de gros largement spéculatif et déconnecté des coûts de production réels, on expose les consommateurs à une volatilité extrême et à des variations artificielles.
Il est temps de réformer en profondeur ce marché de l’électricité pour revenir à des prix plus justes et stables, reflétant les coûts réels.
Un expert de l’énergie cité par une source proche du dossier.
Face aux défis de la transition énergétique, de la lutte contre le réchauffement climatique et de l’explosion de la précarité énergétique, on peut en effet s’interroger sur la pertinence de maintenir en l’état un système dysfonctionnel, opaque et imprévisible. Un débat complexe mais crucial, que la crise énergétique actuelle remet sur le devant de la scène.
Un bilan énergétique du quinquennat en demi-teinte
En attendant une hypothétique réforme structurelle au niveau européen, il faut malheureusement s’attendre à de nouvelles mauvaises surprises sur les factures dans les années qui viennent, malgré les effets d’annonce du gouvernement. De quoi relativiser grandement le satisfecit affiché par l’exécutif sur son bilan énergétique.
Car au-delà de cette baisse en trompe-l’œil pour 2025, force est de constater que sur l’ensemble du quinquennat, les prix de l’électricité auront fortement augmenté pour les ménages, notamment en 2023 et 2024 avec des hausses record des tarifs de base et des rattrapages tarifaires liées au bouclier énergétique. Un constat inquiétant qui illustre les lacunes des politiques publiques menées ces dernières années en matière de souveraineté et transition énergétique.