Imaginez un élevage paisible dans les Alpes, où les vaches paissent tranquillement sous le soleil d’été. Soudain, des lésions cutanées apparaissent sur plusieurs animaux. C’est le début d’une crise sanitaire qui va toucher plusieurs régions de France et bouleverser la vie de nombreux éleveurs. Cette maladie, venue d’ailleurs, s’est installée chez nous plus vite qu’on ne l’imaginait.
La dermatose nodulaire contagieuse, une pathologie grave pour les bovins mais sans danger pour l’homme, a fait son entrée en France au cœur de l’été 2025. Depuis, elle a progressé par vagues successives, passant des montagnes alpines aux plaines du Sud-Ouest. Les autorités suivent sa trace avec attention, tout en menant une bataille acharnée pour l’endiguer.
Une Épizootie Qui A Changé Le Paysage Sanitaire Français
En quelques mois seulement, cette maladie virale a conduit à l’identification de plus de cent foyers à travers le pays. Les mesures prises ont été radicales : vaccinations à grande échelle, abattages systématiques des troupeaux infectés et restrictions strictes sur les déplacements d’animaux. Derrière ces chiffres, il y a des réalités humaines difficiles, des éleveurs confrontés à des décisions douloureuses.
Ce qui frappe dans cette crise, c’est sa progression géographique marquée. Elle a commencé dans une région précise, s’est étendue progressivement, puis a connu des sauts inattendus vers d’autres zones. Les enquêtes cherchent encore à comprendre pleinement comment le virus a pu franchir ces distances.
Les Premiers Signes En Savoie : L’Épicentre De L’Été
Tout a commencé fin juin, dans le département de la Savoie. Le premier cas confirmé date précisément du 29 juin. À cette époque, la maladie était déjà présente en Italie depuis quelques jours seulement, avec des cas en Sardaigne et en Lombardie. Les analyses ont rapidement montré que les souches françaises et italiennes étaient très proches.
Cette pathologie, bien connue en Afrique subsaharienne et en Asie depuis longtemps, avait déjà touché l’Afrique du Nord en 2023. En Europe, elle avait fait une première incursion notable entre 2015 et 2018 dans les Balkans. Mais son arrivée en France et en Italie marquait un nouveau cap inquiétant.
La transmission se fait principalement par des insectes vecteurs, comme les mouches et les taons. Ces insectes piquent un animal infecté, puis un autre, propageant ainsi le virus. Cette particularité a même conduit à modifier le parcours d’un grand événement sportif estival pour éviter que les véhicules ne transportent involontairement ces insectes vers d’autres zones.
Entre fin juin et mi-août, la situation s’est rapidement dégradée dans les Alpes. Pas moins de 76 foyers ont été recensés dans une quarantaine d’élevages, principalement en Savoie et Haute-Savoie. Les autorités ont réagi vite en lançant, dès le 18 juillet, une vaste campagne de vaccination couvrant également l’Ain et l’Isère.
Pendant l’été, plus de 220 000 bovins ont reçu le vaccin. Mais la stratégie incluait aussi l’abattage intégral de chaque foyer détecté. Plus de 1 700 animaux ont ainsi été euthanasiés. Certains syndicats agricoles ont vivement contesté cette approche, allant jusqu’à tenter de bloquer physiquement des opérations d’abattage.
Progressivement, à partir du début octobre, les restrictions de mouvement ont pu être allégées dans les régions alpines. La situation semblait se stabiliser, mais le virus avait déjà commencé à migrer ailleurs.
L’Extension Progressive : De L’Ain Au Jura
Fin août, un premier foyer est apparu dans l’Ain, à proximité relative des zones alpines initiales. Puis, dans les semaines suivantes, un second cas dans le même département a alerté les autorités. Elles ont pointé du doigt des déplacements d’animaux non déclarés, potentiellement en provenance des Alpes, ainsi que des manquements à l’obligation vaccinale chez certains éleveurs.
Mi-septembre, un cas isolé a été détecté dans le Rhône. Ces apparitions sporadiques montraient que le virus circulait encore, malgré les efforts déployés.
Le 4 octobre, la nouvelle est tombée comme un coup de tonnerre : un cas confirmé en Espagne, un pays important pour les exportations françaises de bovins. La crainte immédiate a été que des veaux contaminés aient été exportés depuis la France. Les enquêtes épidémiologiques se poursuivent toujours pour établir ou infirmer un lien direct entre les souches des deux pays.
En Espagne, une vingtaine de foyers ont été rapidement identifiés et abattus, principalement près de la frontière française, dans la région des Pyrénées-Orientales côté espagnol. Cela a conduit à la mise en place immédiate d’une zone de surveillance renforcée et à l’interdiction des mouvements d’animaux.
Mi-octobre, la maladie a fait son apparition dans le Jura, puis dans le Doubs. Huit foyers au total ont été recensés dans ces départements. Cette extension a entraîné une mesure forte : la suspension temporaire, pendant quinze jours, de toutes les exportations nationales de bovins.
Début décembre, l’abattage d’un troupeau pourtant vacciné dans le Doubs a ravivé les tensions. Les syndicats opposés à la politique d’abattage systématique ont exprimé leur colère avec force.
La Vague Dans Le Sud-Ouest : Une Progression Rapide Et Contestée
Le 15 octobre marque un tournant majeur : trois foyers sont détectés simultanément dans les Pyrénées-Orientales. Début novembre, ce département en compte déjà dix. À la mi-décembre, le chiffre atteint 22 foyers rien que dans ce département.
Mais la maladie ne s’arrête pas là. D’autres départements du Sud-Ouest sont touchés : l’Aude, l’Ariège, la Haute-Garonne et les Hautes-Pyrénées, chacun avec au moins un cas détecté ces dernières semaines. Au total, 25 foyers dans la région en un peu plus de deux mois.
Les autorités attribuent cette diffusion à des mouvements d’animaux, parmi lesquels certains seraient illégaux. À titre de comparaison, la Savoie avait connu 76 foyers sur une période similaire durant l’été.
Le Sud-Ouest présente une particularité : c’est une région où certains syndicats agricoles, farouchement opposés aux abattages systématiques, sont particulièrement implantés. Depuis une semaine, les manifestations et blocages ont repris de plus belle.
On a l’impression, à entendre certains, que l’épidémie flambe et qu’elle n’est pas contrôlée. En réalité elle l’est.
Annie Genevard, ministre de l’Agriculture
Cette déclaration récente de la ministre vise à rassurer, alors que plus de 3 000 bovins ont été abattus au total depuis le début de la crise. Parallèlement, un million d’animaux ont été vaccinés lors de la première vague, et 750 000 supplémentaires doivent l’être dans les prochaines semaines dans le Sud-Ouest.
Bilan Chiffres Et Mesures Sanitaires En Cours
À la mi-décembre, le bilan officiel fait état de 113 foyers recensés depuis fin juin. La grande majorité se concentre encore dans les Alpes, mais la dispersion vers d’autres régions montre que la vigilance reste de mise.
Le cheptel français compte environ 15,7 millions de têtes. Les campagnes de vaccination couvrent donc une part significative, mais pas la totalité. La stratégie combine prévention par vaccination et éradication par abattage des foyers.
Voici un récapitulatif des principales étapes :
- Juin : Premier cas en Savoie
- Juillet-août : Explosion dans les Alpes (76 foyers), lancement vaccination
- Fin août-septembre : Cas dans l’Ain et Rhône
- Octobre : Apparition en Espagne, puis Pyrénées-Orientales et Jura
- Novembre-décembre : Extension Sud-Ouest (25 foyers)
Les enquêtes épidémiologiques se poursuivent, notamment pour tracer les mouvements d’animaux responsables de ces sauts géographiques. La coopération internationale, notamment avec l’Italie et l’Espagne, est essentielle pour comprendre l’origine et limiter la propagation.
Les Enjeux Pour L’Élevage Français À Long Terme
Au-delà des chiffres, cette épizootie pose des questions profondes sur la biosécurité dans les élevages. Comment renforcer les contrôles sur les mouvements d’animaux ? Comment concilier santé publique vétérinaire et préservation du cheptel ?
Les éleveurs vivent une période difficile. Perdre un troupeau entier, même vacciné dans certains cas, représente un traumatisme économique et émotionnel. Les aides promises devront être à la hauteur des pertes subies.
La maladie, bien que maîtrisée selon les autorités, rappelle la fragilité des systèmes agricoles face aux pathogènes émergents. Le changement climatique, en modifiant les zones de présence des insectes vecteurs, pourrait favoriser ce type d’événements à l’avenir.
Pour l’instant, la priorité reste la vaccination massive dans les zones à risque et le respect strict des mesures de biosécurité. Chaque acteur de la filière, des éleveurs aux transporteurs, a un rôle à jouer pour éviter de nouvelles vagues.
Cette crise sanitaire bovine illustre une fois de plus l’interconnexion des territoires européens en matière de santé animale. Ce qui commence dans un département peut rapidement concerner plusieurs pays. La coordination reste la clé pour sortir renforcés de cette épreuve.
Alors que l’année touche à sa fin, l’espoir est que les efforts conjugués permettront de tourner la page en 2026. Mais pour cela, la vigilance collective devra rester intacte encore longtemps.









