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Déploiement US Massif dans les Caraïbes : Ce que Cache l’Opération

Le plus grand porte-avions du monde croise déjà dans les Caraïbes. La République dominicaine ouvre ses bases aux Américains « pour une durée limitée ». Mais quand Pete Hegseth parle de faire « exploser les narco-terroristes », on sent que l’histoire ne s’arrêtera pas au trafic de drogue…

Imaginez un instant : le plus grand porte-avions jamais construit fend les eaux turquoise des Caraïbes, entouré d’une armada impressionnante. Des chasseurs décollent dans un grondement assourdissant tandis que, sur la terre ferme, un président annonce calmement l’ouverture de ses aéroports aux forces américaines. Nous ne sommes pas dans un film hollywoodien. C’est l’actualité brûlante de cette fin d’année 2025.

Une alliance stratégique qui ne passe pas inaperçue

Mercredi, le président dominicain Luis Abinader a franché un cap décisif. Debout aux côtés du secrétaire américain à la Défense Pete Hegseth, il a officiellement autorisé Washington à utiliser deux infrastructures clés du pays : l’aéroport international de Saint-Domingue et la base aérienne de San Isidro.

Cette décision, présentée comme « limitée dans le temps et dans l’espace », concerne uniquement des opérations logistiques : ravitaillement en carburant, transport de matériel et de personnel technique. Mais quand on connaît la puissance de feu actuellement déployée dans la région, ces mots sonnent comme une litote.

Quelles infrastructures exactement ?

La base aérienne de San Isidro, située à l’est de Saint-Domingue, est l’une des plus importantes de l’armée dominicaine. Quant à l’Aéroport international des Amériques, c’est la principale porte d’entrée du pays. Leur mise à disposition, même partielle, offre aux États-Unis une capacité de projection sans précédent à quelques centaines de kilomètres seulement du Venezuela.

Cette proximité géographique n’a évidemment rien d’anodin.

Le plus gros déploiement naval depuis des décennies

Le fleuron de cette opération : le porte-avions USS Gerald R. Ford, le plus grand et le plus moderne du monde. Accompagné d’une flotte complète – croiseurs, destroyers, sous-marins, avions de patrouille maritime – il sillonne actuellement les Caraïbes dans le cadre d’une mission officiellement antidrogue.

Des escadrilles de F-35 et F/A-18 Super Hornet sont prêtes à décoller à tout moment. Des hélicoptères anti-sous-marins patrouillent. Des drones de surveillance balayent l’horizon 24 heures sur 24. L’ensemble forme une bulle de domination totale sur une zone qui inclut les côtes vénézuéliennes.

« Je veux que ceux qui regardent et voient les bateaux de narco-terroristes exploser comprennent que nous prenons cette mission très au sérieux »

Pete Hegseth, secrétaire américain à la Défense

Cette phrase, prononcée avec le plus grand calme, a fait l’effet d’une bombe. Le mot « exploser » n’a pas été choisi au hasard. Il marque une rupture de ton radicale avec les opérations antidrogue classiques.

Du trafic de drogue au « narco-terrorisme » : le glissement sémantique

En qualifiant les trafiquants de « narco-terroristes », l’administration américaine franchit une étape juridique et politique majeure. Le terme « terrorisme » autorise, dans le droit américain post-11 Septembre, des réponses beaucoup plus musclées que le simple trafic de stupéfiants.

Des frappes préventives sur le sol d’un État souverain deviennent alors théoriquement possibles sans déclaration de guerre formelle. C’est précisément ce que redoutent Caracas et de nombreux experts en droit international.

Car si l’objectif affiché reste la lutte contre les cartels, la cible réelle semble désignée en filigrane : le Venezuela.

Le Venezuela dans le viseur sans jamais être nommé

Ni Luis Abinader ni Pete Hegseth n’ont prononcé le mot « Venezuela » lors de leur conférence de presse commune. Un silence assourdissant. Pourtant, tout pointe dans cette direction.

Les routes maritimes du trafic de cocaïne passent effectivement par les eaux vénézuéliennes. Des membres haut placés du régime Maduro sont sous sanctions américaines pour complicité présumée avec les cartels colombiens. Mais accuser publiquement un État souverain aurait immédiatement fait basculer la crise dans une dimension diplomatique explosive.

Washington a donc choisi la stratégie du non-dit. L’arsenal parle pour lui.

Les déclarations qui font trembler Caracas

« Nous sommes prêts à passer à l’offensive, à passer à l’offensive d’une manière qui change la dynamique pour toute la région », a martelé Pete Hegseth. Le message est limpide : il ne s’agit plus seulement d’intercepter des go-fast au large, mais de frapper à la source.

Et quand le secrétaire à la Défense ajoute que les États-Unis disposent des « meilleurs renseignements, des meilleurs avocats, du meilleur processus » pour identifier leurs cibles, il répond par avance aux critiques sur la légalité de futures opérations.

Traduction : les frappes pourraient être considérées comme conformes au droit américain, même sans mandat d’arrêt ni interpellation préalable des suspects.

Pourquoi la République dominicaine accepte-t-elle ?

Le président Abinader marche sur une corde raide. Son pays partage l’île d’Hispaniola avec Haïti, en pleine déliquescence. Les flux migratoires, la criminalité transfrontalière et le trafic d’armes sont des menaces quotidiennes.

En s’alignant sur Washington, Saint-Domingue sécurise une protection militaire implicite et des aides économiques substantielles. L’accord signé mercredi s’inscrit dans une longue tradition de coopération étroite entre les deux pays.

Mais le prix politique pourrait être élevé : se retrouver en première ligne en cas d’escalade avec le Venezuela.

Les précédents historiques qui inquiètent

L’histoire récente regorge d’exemples où des opérations antidrogue ont servi de couverture à des objectifs plus larges. Le Plan Colombie dans les années 2000, les interventions au Honduras ou au Guatemala… Le schéma est connu.

Au Venezuela même, les États-Unis ont déjà tenté par le passé des opérations clandestines. En 2020, l’opération Gideon – un raid raté contre Maduro – avait impliqué d’anciens militaires américains. Les actions de la CIA n’ont jamais vraiment cessé.

Aujourd’hui, le contexte a changé : l’administration Trump version 2.0 affiche une détermination sans précédent.

Jusqu’où peut aller cette escalade ?

Le président américain souffle en effet le chaud et le froid. Un jour il n’exclut pas une intervention militaire directe, le lendemain il évoque la possibilité de discuter avec Nicolás Maduro. Cette ambiguïté fait partie de la stratégie.

En maintenant la pression maximale tout en gardant plusieurs options ouvertes, Washington espère provoquer soit un effondrement interne du régime, soit une erreur vénézuélienne qui justifierait une riposte.

Le déploiement actuel dans les Caraïbes ressemble furieusement à une répétition générale.

Les réactions internationales commencent à se faire entendre

Du côté de Caracas, la réponse ne s’est pas fait attendre : le déploiement est qualifié de « prétexte grossier » pour s’emparer des réserves pétrolières. Cuba, le Nicaragua et la Bolivie ont déjà exprimé leur solidarité.

En Amérique latine, beaucoup gardent en mémoire l’époque des interventions américaines directes. Même des pays modérés comme le Brésil ou la Colombie observent la situation avec la plus grande prudence.

Quant à l’Union européenne, elle reste pour l’instant silencieuse – comme souvent quand Washington passe en mode unilatéral.

Ce que nous réserve les prochaines semaines

Les prochaines jours seront décisifs. Chaque go-fast intercepté, chaque survol de drone au-dessus des eaux territoriales vénézuéliennes, chaque déclaration tonitruante pourrait être l’étincelle.

Le porte-avions Gerald R. Ford ne restera pas indéfiniment dans les Caraïbes. Mais tant qu’il y sera, accompagné de cette armada, la région vivra sous une tension permanente.

Et derrière les discours officiels sur la lutte antidrogue, une question lancinante demeure : quand la guerre contre la drogue devient-elle simplement une guerre, point final ?

La réponse, malheureusement, ne tardera probablement pas à arriver.

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