Imaginez-vous réveillé en pleine nuit par des coups violents à votre porte. Des forces de l’ordre entrent, vous somment de vous habiller rapidement et de ne prendre que vos documents essentiels. Vos meubles, vos souvenirs, tout reste derrière vous. C’est la réalité qu’ont vécue des dizaines de familles palestiniennes ce lundi matin dans le quartier de Silwan, à Jérusalem-Est.
Une démolition qui bouleverse des vies entières
Très tôt ce jour-là, trois bulldozers ont entamé la destruction d’un immeuble de quatre étages. Protégés par un important dispositif sécuritaire, ils ont progressivement fait tomber les façades dans un épais nuage de poussière. Près d’une centaine de personnes, dont de nombreuses femmes, enfants et personnes âgées, habitaient cet édifice selon les témoignages locaux.
Eid Shawar, père de cinq enfants et âgé de 38 ans, décrit une scène déchirante. La police a défoncé sa porte pour procéder à l’évacuation. « Ils nous ont dit de nous changer et de prendre seulement papiers et documents importants. On n’a pas été autorisé à prendre nos meubles », confie-t-il, désemparé, ne sachant où aller avec sa famille. Pour lui, c’est tout simplement « une tragédie ».
Le quartier de Silwan au cœur des tensions
Silwan est un quartier palestinien situé juste à côté de la vieille ville de Jérusalem. Il est depuis longtemps un point chaud des frictions liées à l’occupation. Les habitants y vivent sous une pression constante, entre projets de colonisation et décisions administratives qui remettent en cause leur présence.
Cette démolition n’est pas un événement isolé. Elle s’inscrit dans une série d’actions qui touchent régulièrement les constructions palestiniennes à Jérusalem-Est. Le motif invoqué est souvent le même : absence de permis de construire. Pourtant, obtenir ces permis reste extrêmement difficile pour les résidents palestiniens, créant un cercle vicieux qui mène inévitablement à de telles opérations.
Le terrain sur lequel se dressait l’immeuble était, selon les autorités municipales, destiné à un usage récréatif et sportif. Un ordre de démolition judiciaire existait déjà depuis 2014. Mais pour les familles concernées, cette justification administrative ne compense pas la perte brutale de leur foyer.
Des évictions dénoncées comme déplacements forcés
Les autorités palestiniennes ont rapidement réagi. Elles dénoncent une « politique systématique de déplacements forcés » visant à vider Jérusalem de ses habitants originels. Cette accusation n’est pas nouvelle : elle revient régulièrement dans les communiqués officiels face à ce type d’opérations.
« Une politique systématique de déplacements forcés des citoyens palestiniens, visant à vider la ville de ses habitants originels. »
Deux organisations israéliennes spécialisées dans les droits humains ont également critiqué l’intervention. Elles soulignent que la démolition est intervenue sans préavis, alors même qu’une réunion était prévue quelques heures plus tard entre l’avocat des résidents et un responsable municipal. L’objectif : discuter d’éventuelles mesures pour régulariser le bâtiment.
Cette opération serait la plus importante de l’année 2025. Depuis janvier, une centaine de familles à Jérusalem-Est auraient perdu leur logement dans des circonstances similaires. Ces chiffres, bien que difficiles à vérifier indépendamment, illustrent l’ampleur du phénomène.
Jérusalem : un enjeu central du conflit
La ville sainte reste au cœur des divergences entre Israéliens et Palestiniens. Jérusalem-Est, majoritairement peuplée de Palestiniens, a été occupée puis annexée par Israël en 1967. Pour Israël, l’ensemble de Jérusalem constitue sa capitale indivisible. Les Palestiniens, eux, aspirent à faire de Jérusalem-Est la capitale de leur futur État indépendant.
La communauté internationale, représentée par l’ONU, considère l’annexion comme illégale et ne reconnaît pas Jérusalem comme capitale israélienne. Cette position juridique n’empêche pas les faits sur le terrain d’évoluer, souvent au détriment des résidents palestiniens.
Les tensions se sont particulièrement exacerbées depuis l’attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas, suivie de la guerre dans la bande de Gaza. Ce contexte a renforcé les mesures sécuritaires et administratives à Jérusalem-Est, augmentant la pression sur la population palestinienne.
Les difficultés d’obtenir un permis de construire
Construire légalement à Jérusalem-Est relève souvent du parcours du combattant pour les Palestiniens. Les demandes de permis sont soumises à des critères stricts, et les refus sont fréquents. Les zones réservées aux constructions palestiniennes sont limitées, poussant de nombreuses familles à bâtir sans autorisation pour répondre à leurs besoins croissants.
Ce phénomène crée une situation où une grande partie des habitations palestiniennes sont considérées comme illégales aux yeux des autorités israéliennes. Les ordres de démolition s’accumulent, et leur exécution peut survenir des années plus tard, comme dans le cas présent avec un ordre datant de 2014.
Les conséquences humaines sont lourdes. Des familles entières se retrouvent sans abri du jour au lendemain, avec des enfants déscolarisés temporairement et des personnes âgées vulnérables. La perte des biens accumulés au fil des ans ajoute au traumatisme.
Un impact psychologique profond
Au-delà de la perte matérielle, ces démolitions laissent des traces psychologiques durables. Vivre sous la menace constante d’une éviction crée un stress permanent. Les enfants grandissent dans l’incertitude, les parents dans l’impuissance.
Les témoignages recueillis sur place parlent de désespoir, de colère contenue, mais aussi de résilience. Malgré l’épreuve, les familles cherchent des solutions temporaires chez des proches ou dans des logements précaires, en attendant peut-être un jour une issue plus stable.
Cette résilience face à l’adversité est souvent mise en avant par les communautés touchées. Elle témoigne d’un attachement profond à la terre et à la ville, malgré les obstacles répétés.
Perspectives et questions ouvertes
Cette démolition soulève inévitablement des questions plus larges sur l’avenir de Jérusalem-Est. Dans un contexte de conflit prolongé, les décisions administratives locales ont des répercussions politiques internationales. Elles alimentent le débat sur la viabilité d’une solution à deux États.
Les organisations de défense des droits humains appellent à une révision des politiques de planification urbaine pour permettre un développement équitable. Elles demandent également plus de transparence et de préavis avant toute opération de ce type.
Pour les résidents de Silwan et d’autres quartiers similaires, l’espoir repose sur une mobilisation continue et sur une attention internationale soutenue. Car chaque démolition, aussi administrative soit-elle, touche au cœur du quotidien de familles ordinaires prises dans l’engrenage d’un conflit historique.
En définitive, cet événement du lundi matin à Silwan rappelle cruellement que derrière les titres géopolitiques se cachent des histoires humaines profondément bouleversantes. Des vies déracinées, des enfants traumatisés, des futurs incertains. Autant de réalités qui méritent d’être entendues et comprises dans toute leur complexité.
Rappel des faits clés :
- Immeuble de quatre étages dans le quartier de Silwan
- Près d’une centaine de résidents évacués
- Motif : construction sans permis, ordre judiciaire de 2014
- Dénonciation de déplacements forcés systématiques
- Plus importante démolition de 2025 à Jérusalem-Est
Ces éléments résument l’essentiel de l’opération, mais ils ne capturent pas pleinement l’émotion et le désarroi des personnes directement concernées. C’est là toute la difficulté de relater de tels événements : équilibrer l’information factuelle avec la dimension humaine indissociable.
À travers ce drame individuel se reflète une problématique collective qui perdure depuis des décennies. Comprendre ces dynamiques locales aide à mieux appréhender les enjeux globaux du conflit israélo-palestinien.
Rester informé, c’est aussi reconnaître la complexité des situations sans les réduire à des schémas simplistes. Chaque voix, chaque témoignage apporte une pièce supplémentaire au puzzle d’une paix toujours recherchée.









