Un vaste réseau de passeurs irako-kurdes, soupçonné d’avoir organisé les traversées clandestines de plus de 10 000 migrants vers les côtes anglaises, vient d’être démantelé dans le nord de la France. Au terme d’un procès retentissant, le tribunal de Lille a condamné mardi 18 membres de ce groupe criminel à des peines allant jusqu’à 15 ans de réclusion.
Des “marchands de mort” selon le parquet
Les autorités ont décrit ce réseau comme l’un des principaux organisateurs du trafic de migrants dans la Manche entre 2020 et 2022. Qualifiés de véritables “marchands de mort” par le ministère public, ses membres n’hésitaient pas à entasser des dizaines de personnes vulnérables sur de frêles embarcations, bien au-delà de leur capacité, mettant ainsi des vies en danger au mépris total de la sécurité des passagers.
Mirkhan Rasoul, cerveau du trafic
La peine la plus lourde, 15 ans de prison assortis d’une période de sûreté des deux tiers, a été prononcée à l’encontre de Mirkhan Rasoul, un Irakien de 26 ans présenté comme le cerveau de l’organisation. Fait notable, il pilotait les opérations depuis sa cellule de prison en France, où il purgeait déjà une peine pour aide au séjour irrégulier.
Les prévenus ne sont pas des bénévoles aidant leur prochain mais des marchands de mort.
Une procureure lors de ses réquisitions
Un réseau tentaculaire démantelé
Fruit d’une coopération judiciaire internationale entre cinq pays européens (France, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Royaume-Uni), l’enquête a permis la saisie d’un important matériel utilisé par les trafiquants :
- 1200 gilets de sauvetage
- Près de 150 canots pneumatiques
- 50 moteurs de bateaux
- Numéraire, véhicules et documents d’identité
Chaque traversée rapportait environ 100 000 euros aux criminels, dont l’unique motivation était l’appât du gain, au mépris total de la vie humaine. Un autre chef du réseau, l’Iranien Hewa Rahimpur, avait été arrêté à Londres puis extradé vers la Belgique où il a écopé de 11 ans de prison en 2022.
2023, année noire dans la Manche
Ce procès intervient alors que 2023 s’annonce comme l’année la plus meurtrière dans la Manche, avec au moins 60 morts lors de tentatives de traversée depuis janvier. Naufrages et bousculades dans des canots surchargés sont devenus monnaie courante sur cette route migratoire de plus en plus fréquentée, malgré les risques.
Si le démantèlement de ce réseau marque un coup d’arrêt au trafic, la question des traversées clandestines est loin d’être réglée. Tant que misère et conflits pousseront des milliers de personnes sur les routes de l’exil, d’autres “marchands de mort” continueront sans doute de prospérer dans l’ombre, au péril des vies humaines.