C’est une première dans l’histoire du football européen. Le match de qualification pour l’Euro 2024 entre la Belgique et Israël, initialement prévu le 6 septembre au stade Roi Baudouin de Bruxelles, a été délocalisé en Hongrie. En cause : les autorités bruxelloises ont estimé ne pas être en mesure de garantir la sécurité de l’événement. Une décision lourde de sens qui met en lumière les vives tensions communautaires qui agitent la capitale belge.
Bruxelles, épicentre des tensions
C’est dans les communes du nord de Bruxelles, où réside une importante population musulmane, souvent issue de l’immigration, que se concentrent les inquiétudes. Molenbeek, Anderlecht, Schaerbeek… Autant de quartiers où la cohabitation est de plus en plus difficile et où la montée d’un islamisme radical nourrit un antisémitisme décomplexé.
Depuis le début de la nouvelle flambée de violences entre Israël et le Hamas en mai 2023, les appels au boycott de l’État hébreu se multiplient à Bruxelles. Manifestations hostiles récurrentes, slogans haineux, menaces envers la communauté juive… Un climat délétère qui n’a pas échappé aux autorités locales.
Le spectre des violences urbaines
En refusant d’accueillir la rencontre sportive, le bourgmestre socialiste de Bruxelles, Philippe Close, a voulu prévenir tout risque de débordements. Difficile en effet d’imaginer un tel match se dérouler sereinement alors que les esprits sont chauffés à blanc et que des groupes radicalisés n’attendent qu’une étincelle pour déclencher l’émeute.
Certains policiers, sous couvert d’anonymat, évoquent même la crainte de voir la situation dégénérer en violences urbaines incontrôlables, sur fond de revendications identitaires et religieuses. Un scénario catastrophe que les responsables politiques veulent à tout prix éviter.
Enjeux électoraux et lâcheté politique
Mais au-delà des impératifs sécuritaires, cette décision revêt aussi une dimension politique. À quelques mois d’élections communales cruciales, les édiles bruxellois redoutent de voir ce match cristalliser les tensions et nourrir un vote communautaire. D’autant que certaines formations, comme le PTB ou le parti Islam, surfent allègrement sur ces thématiques identitaires.
« Le bourgmestre socialiste n’a-t-il pas voulu prendre le risque d’assumer devant son électorat un événement mettant en vedette Israël ? »
s’interroge Alain Destexhe, sénateur honoraire et figure de la droite libérale belge
À gauche aussi, nombreux sont ceux qui ont pris fait et cause pour la Palestine, allant jusqu’à relayer la rhétorique antisioniste la plus radicale. Une dérive inquiétante dénoncée par de rares voix lucides, à l’image du philosophe Henri Goldman qui fustige « la lâcheté d’une certaine gauche qui a renoncé à l’universalisme ».
Un signal dangereux pour la démocratie
Au final, en cédant aux pressions de la rue, en renonçant à assurer la tenue d’une simple rencontre sportive, c’est un signal désastreux qu’envoient les autorités belges. Celui d’un renoncement face à la violence et à l’intolérance. Celui d’une démission des pouvoirs publics, incapables de faire respecter l’ordre républicain et les valeurs démocratiques.
Pire, c’est l’image d’un pays fragmenté, rongé par le communautarisme, qui risque d’être renvoyée à la face du monde. Un pays où il deviendrait impossible d’organiser un événement mettant en scène un État, Israël, honni par une partie de la population. Un pays qui tournerait le dos à ses racines humanistes, à sa longue tradition d’accueil et d’ouverture.
A l’heure où les populismes identitaires gagnent du terrain un peu partout en Europe, ces développements à Bruxelles ont valeur d’avertissement. Ils doivent nous inciter à la plus grande vigilance face à la gangrène de l’antisémitisme et de la haine. Et à réaffirmer, inlassablement, notre attachement indéfectible à la liberté, à la fraternité, à tout ce qui fonde notre vivre-ensemble.