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Déguerpissements à Abidjan : Le Prix du Progrès

À Abidjan, des quartiers rasés pour le "progrès". Mais à quel prix ? Des milliers de vies bouleversées, sans solution. Que font les autorités ? La suite va vous choquer...

Imaginez-vous réveillé en pleine nuit par le grondement sourd des machines. En quelques minutes, votre maison, vos souvenirs, votre vie entière disparaissent sous les débris. C’est la réalité brutale vécue par des dizaines de milliers d’habitants d’Abidjan en 2024. Dans la capitale économique de la Côte d’Ivoire, les bulldozers ont tout emporté, sous prétexte d’un grand rêve de développement. Mais derrière les promesses de modernité, un chaos humain se dessine, loin des brochures optimistes distribuées par les autorités.

Quand le progrès rime avec destruction

À Abidjan, le mot « déguerpissement » est sur toutes les lèvres. Officiellement, il s’agit de lutter contre l’insalubrité et les risques naturels, comme les inondations qui frappent chaque année. Mais sur le terrain, cette politique se traduit par des scènes dignes d’un film catastrophe : des quartiers entiers rasés, des familles jetées à la rue, et des vies broyées sans ménagement.

Des bulldozers contre des foyers

Dans des secteurs comme Banco 1 ou Abattoir, les habitants racontent tous la même histoire : une arrivée soudaine des engins au petit matin. Pas de préavis clair, juste le bruit des pelleteuses et parfois des gaz lacrymogènes pour disperser ceux qui osent protester. Un homme d’une soixantaine d’années, réveillé en pleine panique, explique avoir tout perdu, même ses papiers d’identité, fuyant en sous-vêtements devant l’avancée des machines.

À Abattoir, un quartier populaire niché entre une lagune et des activités industrielles, il ne reste plus rien. Là où vivaient des milliers de personnes, on trouve désormais des ruines et des projets ambitieux : zones économiques, logements de luxe, espaces de loisirs. Mais pour ceux qui y ont grandi, cette transformation sonne comme une trahison.

Ils ont tout détruit en quelques minutes. Je n’ai rien pu sauver.

– Un habitant de Banco 1

Un rêve de modernité à quel prix ?

Le gouverneur du district d’Abidjan ne cache pas ses ambitions. Inspiré par des villes comme Dubaï ou Kigali, il veut faire de la « Perle des lagunes » un symbole de prospérité. Ces dix dernières années, la ville a déjà vu pousser des routes, des ponts et des immeubles modernes. Mais ce projet de développement urbain semble ignorer ceux qui vivent dans les zones visées, souvent des quartiers précaires mais pleins de vie.

Initialement, l’objectif était de protéger les populations des catastrophes naturelles. Chaque saison des pluies, une trentaine de morts sont déplorés à cause des glissements de terrain ou des inondations. Mais la campagne a vite dépassé ce cadre, engloutissant des zones entières au nom d’un avenir radieux qui ne profite pas à tous.

Les oubliés du relogement

Officiellement, des aides au relogement sont prévues. Une brochure montre un homme souriant entouré de cartons, prêt à déménager vers une vie meilleure. La réalité ? Beaucoup n’ont rien reçu. Un peintre de 44 ans, assis sur une chaise bancale au milieu des décombres, ironise : « Le développement, ça me plaît ! » Mais sans revenus ni maison, il n’a nulle part où aller.

Un tapissier, lui, dort désormais dans un cimetière voisin, faute de solution. Une vieille dame montre son abri de fortune, où elle peut à peine s’asseoir. Partout, le même refrain : « On ne sait pas où aller. » Le recensement promis par les autorités ? Contesté par les habitants, qui jurent n’avoir jamais été comptés.

  • Pas de compensation financière pour la majorité.
  • Aucune proposition concrète de relogement.
  • Des familles livrées à elles-mêmes dans les ruines.

Un désastre humanitaire dénoncé

D’après une source proche des défenseurs des droits humains, ces opérations sont un « désastre humanitaire orchestré par l’État ». Une organisation locale estime que plus de 20 000 ménages ont été touchés. Le Conseil national des droits de l’Homme va plus loin, accusant les autorités de piétiner les droits fondamentaux sans aucune concertation.

Fin novembre, les démolitions ont été suspendues, mais le mal est fait. Amnesty, qui avait déjà pointé un usage excessif de la force, réclame des indemnisations immédiates pour tous les oubliés de cette campagne. Pourtant, seules quelques familles, dans deux quartiers sur la trentaine rasés, auraient reçu une aide dérisoire : environ 381 euros par foyer détruit.

Entre espoirs et désillusions

Sur les ruines, les travaux avancent déjà. Camions, ouvriers et palissades dessinent les contours d’un avenir clinquant. Mais pour ceux qui restent, agglutinés sous des bâches, l’espoir s’effrite. « Qu’ils nous comprennent aussi », souffle un habitant, résigné. Les autorités, elles, maintiennent leur cap, assumant les sacrifices au nom d’une vision grandiose.

Un programme de « recasement » dans la banlieue nord est annoncé pour 3 000 ménages. Mais pour les dizaines de milliers d’autres, l’attente continue, dans un mélange de colère et d’abandon. Le gouverneur, lui, reconnaît la difficulté de sa mission : faire du tort pour bâtir un rêve.

Récapitulatif des impacts :

  • 20 000+ ménages affectés.
  • Quartiers rasés : Gesco, Banco 1, Abattoir…
  • Aide limitée : 381 € pour moins de 10 % des victimes.

Et après ? Une ville pour qui ?

Abidjan se transforme, c’est indéniable. Mais à qui profite ce progrès ? Les zones de luxe et les espaces récréatifs en projet contrastent avec les mares de déchets où survivent les expulsés. Cette dualité pose une question brûlante : une ville moderne peut-elle se construire en écrasant ses habitants les plus vulnérables ?

Pour l’instant, les réponses manquent. Les récits des victimes, eux, s’accumulent, entre résignation et appels à l’aide. Le rêve d’une « Perle des lagunes » scintille au loin, mais pour beaucoup, il reste hors de portée, enseveli sous les gravats d’un passé qu’on leur a arraché.

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