Le débat sur la déforestation s’enflamme au Parlement européen. Les eurodéputés se penchent ce jeudi sur un potentiel report d’un an, à fin 2025, de l’entrée en vigueur de la loi anti-déforestation. Une décision lourde de conséquences pour la protection des forêts mondiales. Mais alors que la gauche et le centre s’opposent farouchement à tout délai supplémentaire, la droite, elle, va encore plus loin en proposant d’assouplir significativement ce texte crucial. Un véritable bras de fer politique dont l’issue impactera durablement la lutte contre le déboisement.
Un report qui passe mal
Initialement, cette nouvelle réglementation ambitieuse devait entrer en vigueur le 30 décembre 2024. Elle vise à interdire la commercialisation dans l’UE de produits issus de la déforestation, comme le cacao, le café, le soja, l’huile de palme ou encore le bois, s’ils proviennent de terres déboisées après décembre 2020. Un instrument clé pour lutter contre l’importation de déforestation.
Mais sous la pression intense du Brésil, des États-Unis et même de l’Allemagne, la Commission européenne a dû se résoudre à proposer un report d’une année, repoussant l’échéance au 30 décembre 2025. Un premier recul qui a reçu l’aval des États membres, et qui est maintenant soumis au vote du Parlement.
Sans surprise, ce délai passe très mal auprès des ONG environnementales. L’organisation Mighty Earth a vivement dénoncé “un acte de vandalisme envers la nature”. Les défenseurs des forêts craignent qu’une année de plus laisse le temps aux multinationales de l’agrobusiness de continuer la déforestation à grande échelle.
La droite veut aller plus loin
Mais le report ne suffit pas au PPE, le groupe de la droite au Parlement. Ses eurodéputés ont déposé pas moins de quinze amendements pour tenter d’édulcorer encore davantage le texte. Des propositions chocs qui ont mis le feu aux poudres.
Parmi ces amendements explosifs, l’un suggère de repousser l’application de la loi à fin 2026. Un autre vise à créer une catégorie de pays “sans risque” qui seraient exemptés de certaines obligations, notamment l’épineuse question de la géolocalisation des parcelles agricoles. Le PPE justifie cette demande par la volonté d’épargner aux entreprises européennes des “charges administratives excessives”.
Les amendements du PPE videraient le texte de sa substance
Pascal Canfin, eurodéputé Renew
La gauche crie au “sabotage”
Sans surprise, la gauche et les écologistes voient rouge. L’eurodéputé centriste Pascal Canfin (Renew) a vivement réagi, affirmant que ces amendements “videraient tout le texte de sa substance” s’ils étaient votés. Il y voit un “renoncement à un engagement” de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.
Plus véhémente encore, l’écologiste Marie Toussaint accuse la droite de vouloir “saboter” la loi et de “céder aux pressions des lobbies”. Elle dénonce un groupe PPE prêt à “s’allier avec l’extrême droite et sacrifier la planète, plutôt que de protéger notre avenir”.
Un texte qui fâche
Au-delà des clivages politiques, ce sont les puissants intérêts économiques qui se cachent derrière ce bras de fer. Promulguée en 2023, la loi anti-déforestation a suscité une vague de protestations de la part des milieux d’affaires de l’agrobusiness. De nombreux pays producteurs, en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud, redoutent les surcoûts qu’elle engendrerait pour leurs agriculteurs et exploitants forestiers.
La pression exercée par ces lobbies sur les décideurs européens est colossale. Le report d’un an, déjà arraché de haute lutte, ne semble pas les satisfaire. Ils lorgnent maintenant sur un délai plus long et des exemptions géographiques, quitte à vider la loi de son ambition écologique initiale.
L’issue du vote reste incertaine
Le sort de la loi anti-déforestation se jouera donc ce jeudi dans l’hémicycle strasbourgeois. Les amendements du PPE seront mis au vote, et leur adoption dépendra du soutien ou non de l’extrême droite.
Mais même si ces propositions controversées étaient rejetées, le simple report à 2025 reste en travers de la gorge des ONG. Elles redoutent que ce délai ne soit qu’une première étape avant un détricotage en règle du texte.
Pour les défenseurs de l’environnement, chaque mois compte dans la lutte contre le déboisement importé. Un constat d’urgence que ne semblent pas partager tous les élus, soumis à d’intenses pressions économiques. Preuve que la bataille contre la déforestation est loin d’être gagnée, y compris dans les enceintes politiques européennes.