Dimanche dernier, un vent de changement a soufflé sur la province de Buenos Aires, poumon électoral de l’Argentine. Dans une élection provinciale aux allures de test national, le parti du président Javier Milei, connu pour son ultralibéralisme audacieux, a essuyé une défaite inattendue face à l’opposition péroniste. Ce scrutin, bien plus qu’une simple joute locale, porte en lui des indices cruciaux sur l’avenir politique du pays, à l’approche des législatives d’octobre. Que s’est-il passé, et que signifie ce revers pour le président qui promettait de bouleverser l’économie argentine ?
Un Test Électoral aux Enjeux Nationaux
La province de Buenos Aires, avec ses millions d’électeurs représentant plus d’un tiers du corps électoral argentin, est un véritable baromètre politique. Le scrutin de dimanche visait à renouveler une partie de son assemblée législative, mais son importance dépasse largement les frontières provinciales. Pour Javier Milei, au pouvoir depuis décembre 2023, cette élection était une occasion de mesurer la popularité de son parti, Libertad Avanza, et de son programme de réformes économiques radicales.
Les résultats, basés sur 88 % des votes comptabilisés, ont été sans appel : Libertad Avanza a recueilli environ 34 % des suffrages, loin derrière les 47 % obtenus par les péronistes de Fuerza Patria, un mouvement de centre-gauche solidement ancré dans la région. Cet écart, bien plus marqué que prévu, a surpris les observateurs, les sondages ayant anticipé une course serrée.
« Ce résultat montre que le péronisme reste une force incontournable, même face à un discours disruptif comme celui de Milei. »
Un Contexte Économique et Politique Tendus
Depuis son arrivée au pouvoir, Javier Milei a misé sur une politique économique audacieuse, centrée sur la réduction drastique des dépenses publiques pour juguler une inflation chronique et un endettement galopant. Les chiffres récents montrent des progrès : l’inflation, qui atteignait 87 % sur les sept premiers mois de 2024, a été ramenée à 17,3 % sur la même période en 2025. Un exploit, certes, mais qui semble ne pas avoir convaincu les électeurs de Buenos Aires.
Le scrutin intervient dans un climat de tensions multiples. D’une part, le gouvernement a dû intervenir sur le marché des changes pour enrayer une dépréciation accélérée du peso, signe d’une nervosité croissante des marchés à l’approche des élections. D’autre part, un scandale touchant l’Agence nationale pour le Handicap a éclaboussé l’exécutif. Bien que la sœur du président, Karina Milei, haut-placée dans l’administration, ne soit pas directement visée par la justice, cette affaire a terni l’image du gouvernement.
Un revers électoral dans un bastion péroniste ne signe pas forcément la fin des ambitions de Milei, mais il met en lumière les défis d’un projet politique aussi radical.
Une Alliance Stratégique, mais Insuffisante
Pour ce scrutin, Libertad Avanza avait scellé une alliance avec le parti PRO, dirigé par l’ancien président Mauricio Macri, figure du libéralisme argentin. Cette coalition visait à renforcer les chances de Milei dans une province historiquement hostile à ses idées. Si les résultats montrent un échec face au rouleau compresseur péroniste, ils ne sont pas dénués de succès : le parti de Milei devrait doubler sa représentation à l’assemblée provinciale, passant de 12 à environ 24 sièges sur un total de 92.
Cette progression, bien que modeste, indique que le message de Milei trouve un écho auprès d’une partie de l’électorat, notamment ceux lassés par des décennies de gestion péroniste. Mais dans un bastion où le centre-gauche domine, la percée reste limitée.
Un Camouflet Législatif Aggrave la Situation
Quelques jours avant le scrutin, Javier Milei a subi un autre revers, cette fois au niveau national. Pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir, le Parlement a annulé un veto présidentiel concernant une loi visant à augmenter les financements pour les personnes handicapées. Ce camouflet, rare dans le contexte argentin, souligne les difficultés de Milei à maintenir une majorité législative solide.
Ce vote, symbolique, a renforcé l’image d’un président en perte de vitesse, incapable de rallier les parlementaires à sa vision. Dans un pays où la politique est souvent une affaire de compromis, l’inflexibilité de Milei pourrait lui coûter cher.
Parti | Pourcentage des voix | Sièges estimés |
---|---|---|
Fuerza Patria (Péronistes) | 47 % | Majorité relative |
Libertad Avanza (Milei) | 34 % | ~24 sièges |
Le Péronisme : Un Géant Inébranlable ?
Le succès des péronistes dans cette élection n’est pas une surprise totale. La province de Buenos Aires est leur fief historique, un territoire où leur discours social-démocrate résonne auprès d’une population souvent touchée par les crises économiques. Leur victoire, avec un écart de 13 points, montre que leur emprise reste forte, même face à un adversaire aussi disruptif que Milei.
Le péronisme, malgré ses divisions internes, a su capitaliser sur les inquiétudes liées aux réformes de Milei, perçues comme brutales par une partie de l’électorat. En mettant l’accent sur des thèmes comme la justice sociale et la protection des plus vulnérables, Fuerza Patria a renforcé sa légitimité.
« Le péronisme a toujours su se réinventer, même dans les moments de crise. Cette victoire est une leçon pour ceux qui pensaient qu’il était affaibli. »
Quelles Leçons pour les Législatives à Venir ?
À un mois des élections législatives de mi-mandat, ce scrutin provincial envoie un signal clair : le chemin de Milei sera semé d’embûches. Si son parti gagne du terrain dans certaines régions, il peine à s’imposer dans les bastions traditionnels de l’opposition. Les résultats de Buenos Aires pourraient galvaniser les péronistes, qui chercheront à capitaliser sur ce succès pour reprendre du terrain au niveau national.
Pour Milei, l’enjeu est de taille. Sa capacité à maintenir le cap de ses réformes économiques tout en regagnant la confiance des électeurs sera cruciale. Les interventions sur le marché des changes, bien que nécessaires, pourraient être perçues comme un aveu de faiblesse dans un pays où la stabilité monétaire est une obsession.
- Renforcer l’alliance avec le PRO pour élargir sa base électorale.
- Communiquer sur les succès économiques, comme la baisse de l’inflation.
- Gérer les scandales pour restaurer la crédibilité de l’exécutif.
Un Avenir Incertain pour l’Ultralibéralisme
Le revers électoral de Milei ne marque pas la fin de son projet politique, mais il expose ses limites. Dans un pays marqué par des décennies de crises économiques et de polarisation politique, convaincre les électeurs de la pertinence d’un programme ultralibéral reste un défi. Les prochaines semaines seront déterminantes pour savoir si Milei peut rebondir ou si le péronisme reprendra l’ascendant.
En attendant, ce scrutin rappelle une vérité universelle : en politique, rien n’est jamais acquis. Buenos Aires, avec son poids démographique et symbolique, a envoyé un message clair. À Milei de trouver les moyens de reconquérir les cœurs et les esprits avant octobre.