Dans les étendues désertiques de la Syrie, à une trentaine de kilomètres au nord-est de Damas, un macabre secret vient d’être mis au jour. Un secouriste des Casques blancs et un militant affirment avoir découvert ce qui semble être un vaste charnier, renfermant les ossements de détenus emprisonnés par l’ancien régime de Bachar al-Assad ou de combattants tombés au combat pendant le conflit dévastateur qui déchire le pays depuis plus d’une décennie.
Un site funeste dissimulé dans le désert syrien
Sur ce terrain vague isolé, une équipe de journalistes a pu constater la présence de fosses alignées côte à côte, formant une profonde tranchée. Chaque fosse était recouverte de dalles de béton, déplacées pour laisser entrevoir leur sinistre contenu. Dans ce secteur lugubre de Jisr Bagdad, plusieurs sacs jonchaient une des fosses, certains portant l’inscription d’un nom ou un numéro de tombe. À l’intérieur d’un des sacs, un crâne humain et des ossements étaient clairement visibles.
Les Casques blancs sur les traces d’un charnier
Abdel Rahmane Mawas, secouriste des Casques blancs, a confié ses premières constatations alarmantes. Son équipe pense avoir mis au jour une fosse commune, après avoir découvert un caveau ouvert contenant sept sacs remplis d’ossements humains. Six de ces sacs portaient un nom inscrit. Par mesure de précaution, ils ont été transférés en lieu sûr pour des analyses ADN futures qui permettront peut-être d’identifier les dépouilles.
Mawas met cependant en garde contre l’ouverture incontrôlée d’autres caveaux par des civils, soulignant l’importance de laisser les autorités compétentes gérer ce site sensible. La chute récente du régime de Bachar al-Assad a en effet poussé habitants et nouvelles autorités à commencer à identifier des lieux potentiels de fosses communes dans la région de la capitale syrienne.
Saydnaya, la prison de l’horreur à proximité
Le site macabre de Jisr Bagdad se trouve à seulement une vingtaine de kilomètres de la sinistre prison de Saydnaya, véritable symbole des pires atrocités perpétrées par le régime déchu. Diab Serriya, cofondateur de l’Association des détenus et des disparus de Saydnaya (ADMSP), avait eu vent de ce charnier dès 2019, grâce au témoignage d’un déserteur des services de renseignements syriens.
Selon lui, ce charnier abriterait non seulement les corps de détenus, mais aussi potentiellement ceux d’anciens combattants des forces d’Assad ou de l’opposition, tués pendant les affrontements. Il émet même l’hypothèse que les sacs d’ossements aient pu être transférés depuis d’autres charniers. Un terrible puzzle à reconstituer pour faire la lumière sur l’ampleur des crimes commis.
Le douloureux mystère des disparus de la guerre civile
Le sort tragique de dizaines de milliers de prisonniers et de personnes portées disparues reste l’une des plaies les plus profondes laissées par les 13 années d’une guerre civile dévastatrice, qui a coûté la vie à plus d’un demi-million de Syriens. Les habitants des environs, comme ceux de la localité proche d’Adra, affirment n’avoir jamais eu connaissance de ce charnier dissimulé, le site étant strictement contrôlé par l’armée syrienne qui en interdisait formellement l’accès et la prise de photos.
La découverte de ce charnier soulève de nombreuses questions sur l’étendue des exactions commises dans l’ombre par le régime de Bachar al-Assad et les belligérants du conflit syrien. Elle ravive aussi la douleur des familles de disparus, qui espèrent obtenir des réponses sur le sort de leurs proches. Un travail d’enquête de longue haleine s’annonce pour identifier les corps, comprendre les circonstances de leur mort et établir les responsabilités. La vérité, enfouie dans ces fosses sombres, devra être révélée pour que la Syrie puisse panser les plaies d’une guerre qui a laissé le pays en ruines et sa population meurtrie.
« Il était interdit de s’en approcher ou de prendre des photos car c’était une zone militaire. »
– Mohamed Ali, président adjoint du conseil municipal d’Adra
Ce lourd secret, dissimulé pendant des années dans les entrailles du désert syrien, vient aujourd’hui hanter les consciences. Les révélations sur ce charnier ajoutent un nouveau chapitre sordide à la tragédie syrienne, rappelant au monde l’horreur indicible subie par le peuple syrien. Dans un pays en quête de vérité et de justice, chaque fosse commune mise au jour est une pièce supplémentaire d’un douloureux puzzle qui reste à reconstituer. Un devoir de mémoire pour les victimes, afin que plus jamais de telles atrocités ne puissent se reproduire à l’abri des regards.
« La route sera longue avant de découvrir qui est enterré. »
– Diab Serriya, cofondateur de l’Association des détenus et des disparus de la prison de Saydnaya (ADMSP)