C’est une figure incontournable de la scène politique indienne qui s’est éteinte. D’après une source proche, l’ancien Premier ministre Manmohan Singh est décédé jeudi à l’âge vénérable de 92 ans. Une perte immense pour le pays, comme l’a souligné l’actuel dirigeant Narendra Modi dans un vibrant hommage.
Manmohan Singh laisse derrière lui un héritage considérable. Diplômé d’économie de Cambridge et d’Oxford, il a été le grand artisan des réformes libérales qui ont propulsé l’Inde au rang de puissance économique mondiale dans les années 2000. Sous son premier mandat de 2004 à 2009, le pays a connu une croissance fulgurante de 9% par an, gagnant ainsi en influence sur la scène internationale.
Un parcours d’exception
Né en 1932 dans un village du Pakistan actuel, Manmohan Singh a gravi les échelons jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir. Gouverneur de la banque centrale, il a été appelé en 1991 pour sortir l’Inde de la pire crise financière de son histoire moderne. Un défi relevé avec brio, prélude à son accession au poste de Premier ministre en 2004.
L’architecte du boom économique
Durant ses deux mandats, Manmohan Singh a orchestré la libéralisation et l’ouverture de l’économie indienne. Ses réformes ont dopé les investissements étrangers et stimulé la croissance, permettant à des millions de citoyens de sortir de la pauvreté. Le pays est devenu un acteur économique de premier plan, pesant aujourd’hui près de 3000 milliards de dollars de PIB.
Un leader intègre et respecté
Surnommé « Monsieur Propre », Manmohan Singh était unanimement respecté pour son intégrité et sa rigueur morale. Sa stature d’homme d’État respectable et compétent lui a permis de nouer des partenariats cruciaux, à l’image de l’accord nucléaire historique signé avec les États-Unis en 2008 pour répondre aux besoins énergétiques croissants de l’Inde.
Les zones d’ombre du second mandat
Son bilan a néanmoins été terni par le ralentissement de la croissance et les scandales de corruption qui ont éclaboussé son second mandat. Plusieurs proches de Manmohan Singh ont été éclaboussés, entachant quelque peu son image d’incorruptibilité. Des critiques jugées injustes par l’ancien Premier ministre, persuadé que l’Histoire le traiterait mieux que ses contemporains.
Mises en garde sur la démocratie indienne
Après son départ du pouvoir en 2014, Manmohan Singh était devenu un opposant résolu à la politique économique de son successeur Narendra Modi. Plus inquiétant à ses yeux, la montée des tensions intercommunautaires, qui selon lui font planer une grave menace sur la démocratie et le pluralisme indien. Des avertissements qui résonnent avec une acuité particulière au moment où l’Inde perd ce grand serviteur de l’État.
Un héritage en demi-teinte ?
Si les réformes de Manmohan Singh ont indéniablement changé le visage de l’Inde, leur impact reste contrasté. La libéralisation a certes stimulé la croissance mais a aussi creusé les inégalités, le pays comptant désormais certaines des plus grandes fortunes mondiales mais aussi près d’un quart de la population sous le seuil de pauvreté. Un bilan en clair-obscur pour celui qui rêvait d’une Inde prospère et équitable.
« Aucun pouvoir sur Terre ne peut arrêter une idée dont l’heure est venue. » – Manmohan Singh
Par sa rigueur, sa vision et son engagement indéfectible au service de la nation, Manmohan Singh a profondément façonné l’Inde du 21ème siècle. Au-delà des critiques et des zones d’ombre, son empreinte restera celle d’un bâtisseur qui a permis à son pays de prendre son envol. L’Histoire jugera de son héritage, mais la sincérité de ses efforts et la noblesse de ses idéaux ne font aucun doute.