En 2023, pour la première fois hors crise Covid, la France a enregistré un rythme de baisse de ses émissions de gaz à effet de serre compatible avec ses objectifs climatiques pour 2030. Une trajectoire encourageante, mais qui reste fragile selon le Haut conseil pour le climat (HCC). Décryptage des avancées et des défis qui attendent encore l’Hexagone sur la voie de la neutralité carbone.
La décarbonation s’accélère, tous secteurs confondus
Avec une diminution de 5,8% des émissions de GES par rapport à 2022, la France a quasiment doublé son rythme annuel de réduction. Une performance qui concerne tous les grands secteurs émetteurs :
- Les transports, premier poste d’émissions, voient leur trajectoire de décarbonation enfin enclenchée, portée par l’électrification du parc automobile.
- Le bâtiment réduit ses rejets, même si les rénovations globales restent insuffisantes.
- L’industrie poursuit ses efforts, tandis que la production d’énergie amorce sa mue.
- Même l’agriculture, à la traîne, enregistre un léger recul, grâce notamment à un moindre usage des engrais.
Des signaux positifs, qui pourraient annoncer un découplage durable entre croissance économique et émissions de GES. Mais le chemin est encore long.
Les puits de carbone menacés
Forêts et sols agricoles, qui absorbent une partie du CO2 de l’atmosphère, jouent un rôle clé pour atteindre la neutralité. Or ces puits de carbone sont fragilisés en France :
- Sécheresses à répétition, maladies, hausse des prélèvements de bois… Les forêts peinent à remplir leur rôle.
- Côté sols, les politiques de stockage de carbone manquent d’ambition, avec des pratiques agricoles à faire évoluer (couverts végétaux, prairies, agroforesterie…).
L’enjeu clé de l’énergie décarbonée
Pour alimenter une économie de plus en plus électrifiée, la France mise sur le nucléaire, aux dépens des renouvelables. Un pari risqué selon le HCC :
La stratégie axée sur le renouvellement du parc nucléaire fait peser des risques sur la disponibilité de l’électricité à horizon 2035, vu les temps longs et les incertitudes liés à cette énergie.
Haut conseil pour le climat
Miser davantage sur l’éolien et le solaire permettrait de sécuriser la production bas carbone et de créer de nouveaux emplois.
Un calendrier législatif à tenir
Autre point de vigilance soulevé par le HCC : les retards pris dans l’adoption de textes structurants comme la loi énergie-climat ou la stratégie nationale bas carbone. Des délais qui “font peser un risque sur la crédibilité de la politique climatique française”, alors que l’action est urgente, quel que soit le gouvernement en place.
Adaptation : anticiper les impacts du réchauffement
Si la France progresse dans l’atténuation de son empreinte carbone, elle doit aussi se préparer aux dérèglements à venir. Le HCC salue la prise en compte d’un réchauffement de 4°C dans les derniers travaux de prospective, mais insiste sur la nécessité :
- D’accélérer la définition d’un plan d’adaptation à cette trajectoire du pire.
- De renforcer les capacités d’adaptation des territoires déjà vulnérables (zones inondables notamment).
Au final, le rapport du Haut conseil pour le climat offre une vision nuancée mais plutôt optimiste de la trajectoire française. Des progrès tangibles, une dynamique enclenchée, mais aussi des faiblesses à combler pour inscrire cette ambition dans la durée. Le défi de la neutralité carbone est à notre portée, à condition de ne pas relâcher nos efforts.