C’est un procès hors norme et sous haute tension qui s’ouvre ce lundi devant la cour criminelle de Liverpool. Axel Rudakubana, 18 ans, est jugé pour le meurtre de trois fillettes fin juillet à Southport, dans le nord-ouest de l’Angleterre, lors d’un cours de danse inspiré de la star de la pop Taylor Swift. Son attaque au couteau, l’une des pires que le pays ait connu depuis des années, a profondément choqué le Royaume-Uni. Dix autres personnes, dont huit enfants, ont été blessées.
Une affaire qui a secoué le pays et déclenché de violentes émeutes
Mais au-delà de l’horreur du crime, c’est la vague de violences qui a suivi qui a marqué les esprits. Sur fond de rumeurs infondées circulant sur Internet concernant le suspect, présenté à tort comme un demandeur d’asile musulman, des émeutes anti-immigration ont éclaté dans des dizaines de villes en Angleterre et en Irlande du Nord, attisées par des agitateurs d’extrême droite.
Pendant plusieurs jours, des émeutiers s’en sont pris à des hôtels hébergeant des demandeurs d’asile, des mosquées. Des affrontements ont eu lieu avec les forces de l’ordre, mobilisées en masse, ou avec des contre-manifestants. Le pays n’avait pas connu de telles violences depuis 13 ans. Des rassemblements anti-racistes ont finalement été organisés début août pour dire « stop à l’extrême droite ».
Un suspect mutique qui nie les charges pesant contre lui
Né au Pays de Galles dans une famille originaire du Rwanda, le jeune accusé a comparu à plusieurs reprises avant son procès, mais a jusqu’ici refusé de s’exprimer, y compris pour dire s’il plaidait coupable ou non. Le juge a donc considéré qu’il niait les charges retenues contre lui.
En plus des trois meurtres, il est également poursuivi pour tentative de meurtre sur les autres victimes. Et il a aussi été inculpé en octobre pour « détention d’informations susceptibles d’être utiles à une personne commettant ou préparant un acte de terrorisme », étant accusé par la police d’avoir produit de la ricine, un poison très toxique, et détenu un manuel d’entraînement d’Al-Qaïda. La motivation terroriste n’a cependant pas été retenue pour l’attaque.
Une vague d’émotion et un soutien des célébrités aux victimes
L’affaire a suscité une très forte émotion dans tout le pays. Le roi Charles III s’est rendu en août sur les lieux du drame pour rencontrer les enfants rescapés. La chanteuse Taylor Swift, dont la musique était dansée par les jeunes victimes au moment de l’attaque, s’est dite « complètement choquée » et aurait rencontré deux fillettes blessées en marge de ses concerts à Londres. Le prince William et son épouse Kate ont aussi fait le déplacement en octobre pour rendre hommage aux secours.
Des critiques sur l’action de la police et une répression judiciaire
Au-delà de l’émotion, cette affaire a aussi mis en lumière des failles. Un organisme de contrôle a estimé que la police avait sous-estimé le climat de violence et le poids de la désinformation qui a mené aux émeutes. À la mi-décembre, plus de 410 personnes avaient déjà été condamnées dans tout le pays pour leur implication dans ces violences, dont plus de 360 à de la prison ferme. Les peines les plus lourdes prononcées ont été de 9 ans de prison.
Alors que le procès doit durer quatre semaines, le pays retient son souffle. La justice devra déterminer le degré de responsabilité du jeune accusé et faire toute la lumière sur les ressorts de son passage à l’acte. Avec en arrière-plan les questions du climat de haine attisé par l’extrême droite et du rôle des réseaux sociaux dans la propagation de rumeurs toxiques. Un procès symptomatique des maux et fractures qui traversent la société britannique.
