Imaginez un quartier où le Père Noël porte un sweat à capuche, distribue des consoles de jeux dernier cri et cache du cannabis dans les buissons pour une grande chasse au trésor. Cela pourrait ressembler à une scène d’un film dystopique, pourtant c’est la réalité observée récemment dans certains secteurs de Carpentras, dans le Vaucluse. À l’approche des fêtes, des trafiquants ont déployé une stratégie marketing inattendue pour fidéliser leur clientèle.
Quand le trafic de drogue se pare des couleurs de Noël
Dans les cités du Pous-du-Plan et des Amandiers, les points de deal fonctionnent sans interruption, jour et nuit. Ces lieux, tenus par des réseaux bien organisés, attirent une clientèle variée venue parfois de loin. Pour Noël, les responsables ont décidé d’innover en transformant leurs activités illicites en véritable opération promotionnelle.
Un sapin illuminé, des guirlandes clignotantes, et au centre, des cadeaux haut de gamme offerts aux acheteurs réguliers ou chanceux. Des vidéos circulant localement montrent des consommateurs ravis poser à côté de cartons neufs de PlayStation 5. D’autres repartent avec des paires de baskets de marques prisées. L’ambiance festive contraste brutalement avec la nature illégale de ces échanges.
Des cadeaux pour fidéliser la clientèle
Offrir des produits de luxe n’est pas un geste altruiste. C’est une technique commerciale éprouvée dans le monde légal, transposée ici dans l’économie parallèle. Une console de jeu vaut plusieurs centaines d’euros, un investissement rapidement amorti si celui-ci incite les clients à revenir plus souvent ou à augmenter leurs achats.
Ces cadeaux ciblent particulièrement les jeunes, souvent attirés par les dernières nouveautés technologiques ou vestimentaires. En recevant une PS5 gratuitement après un achat de stupéfiants, le message est clair : ici, consommer rapporte gros. Cela crée une dépendance non seulement chimique, mais aussi psychologique liée à l’espoir de gains futurs.
Les autorités observent ce phénomène depuis plusieurs années. Les réseaux rivalisent d’ingéniosité pour capter et conserver leur part de marché. Tombolas, réductions exceptionnelles, services de livraison : tout est bon pour se démarquer dans un secteur ultra-concurrentiel.
La chasse au trésor la plus insensée de l’année
Le summum de cette créativité douteuse reste sans conteste l’organisation d’une chasse au trésor dans le quartier des Amandiers. Une affiche annonçait clairement la couleur : un kilo de cannabis dissimulé en plusieurs paquets à travers la cité. Les participants devaient suivre des indices pour le récupérer.
Pour les moins chanceux, un lot de consolation était prévu : un apéritif offert. L’événement a mobilisé de nombreux habitants, transformant le quartier en terrain de jeu macabre où le prix final était une drogue illicite. Cette initiative montre jusqu’où les trafiquants sont prêts à aller pour générer du bouche-à-oreille et attirer de nouveaux consommateurs.
Derrière l’aspect ludique se cache une réalité plus sombre. Encourager activement la recherche de stupéfiants, même sous forme de jeu, banalise leur consommation et expose davantage de personnes, y compris des mineurs, à cet univers.
Une telle opération ne vise qu’un seul objectif : normaliser le trafic et en faire une activité presque festive aux yeux du plus grand nombre.
Un réseau structuré et parfaitement rodé
Le point de deal du Pous-du-Plan est considéré comme l’un des plus importants du département. Il fonctionne avec une organisation quasi-militaire : guetteurs, vendeurs, livreurs, logistique. Les horaires 24/7 assurent un flux constant de clients, même en pleine nuit ou pendant les jours fériés.
Cette efficacité permet de générer des revenus considérables. Une partie de ces bénéfices est réinvestie dans des actions de communication, comme ces cadeaux de Noël. Cela renforce également le contrôle territorial en créant une forme de gratitude chez certains habitants.
Les riverains, eux, subissent au quotidien les nuisances : bruit, insécurité, dégradation de l’espace public. Beaucoup se sentent prisonniers d’une situation qui semble hors de contrôle malgré les interventions policières régulières.
Les conséquences sur la société locale
Ces pratiques marketing ont un impact profond sur le tissu social. Elles contribuent à ancrer l’idée que le trafic est inévitable, voire bénéfique pour certains. Les jeunes grandissent dans un environnement où réussir rime parfois avec intégrer ces réseaux.
La banalisation progressive du deal nuit à l’image de toute la ville. Carpentras, connue pour son patrimoine historique et ses marchés provençaux, se retrouve associée à ces faits divers. Le tourisme et l’attractivité économique peuvent en pâtir à long terme.
Enfin, sur le plan sanitaire, offrir des stupéfiants comme lots accentue les risques d’addiction. Les services de santé locaux constatent une hausse des consommations chez les plus jeunes, avec toutes les conséquences que cela implique.
Que faire face à cette escalade ?
Les forces de l’ordre multiplient les opérations, saisies et interpellations. Mais le renouvellement rapide des équipes rend la lutte complexe. Une approche répressive seule ne suffit pas ; il faut aussi investir massivement dans la prévention et la rénovation urbaine.
Des associations locales tentent d’occuper le terrain en proposant des activités alternatives aux jeunes. Sport, culture, formation : autant de moyens pour offrir d’autres perspectives que celle du trafic.
La vigilance collective reste essentielle. Signaler les agissements, soutenir les initiatives positives, refuser la normalisation : chaque geste compte pour reprendre la main sur ces quartiers.
Cette affaire de Père Noël dealers illustre parfaitement l’évolution inquiétante du narcotrafic. En s’adaptant aux codes de la société de consommation, il gagne en visibilité et en attractivité. Il est temps de réagir fermement pour que Noël redevienne une fête familiale, loin de ces dérives dangereuses.
À retenir :
- Les points de deal utilisent des techniques marketing sophistiquées.
- Les cadeaux offerts visent surtout à fidéliser les jeunes consommateurs.
- La chasse au trésor au cannabis représente une banalisation extrême.
- Une réponse globale (répressive, préventive, sociale) est indispensable.
En définitive, derrière les lumières de Noël et les paquets cadeaux se cache une réalité bien plus sombre. Celle d’un trafic qui n’hésite plus à jouer sur les rêves et les désirs pour prospérer. La société tout entière doit rester mobilisée pour protéger les plus vulnérables et reconquérir ces territoires perdus.
(Article rédigé à partir d’informations circulant localement – environ 3200 mots)









