En ce mercredi historique, Daniel Chapo s’apprête à être investi président du Mozambique, un pays lusophone d’Afrique australe profondément divisé. Élu lors d’un scrutin vivement contesté, ce quadragénaire inconnu du grand public hérite d’une nation fracturée, meurtrie par des mois de violences post-électorales qui ont fait 300 morts.
Son investiture marque la continuité du parti Frelimo, formation historique au pouvoir de manière ininterrompue depuis l’indépendance en 1975. Un demi-siècle de règne sans partage, un record en Afrique. Mais cette fois, la transition s’annonce ardue pour celui qui n’était même pas le favori du président sortant.
Un homme sans expérience de l’État
Ancien professeur de sciences politiques et présentateur radio, Daniel Chapo n’a que peu d’expérience de l’appareil d’État. Propulsé gouverneur provincial en 2016, il sort de l’anonymat en mai dernier lorsque le Frelimo le choisit comme candidat, après d’intenses débats en interne. Un choix par défaut pour ce parti miné par les luttes de factions.
Comme le souligne un expert, « Le Frelimo n’arrivait pas à se mettre d’accord, ils ont choisi Chapo pour pouvoir l’influencer. Il ne remet pas en cause les équilibres et sera très encadré. ». Un président malléable pour ne pas bousculer le système en place ?
Une élection entachée d’irrégularités
D’autant que la légitimité de Daniel Chapo est déjà écornée. Officiellement élu avec 65% des voix en octobre, il voit son score révisé à la baisse par la Cour suprême, qui confirme néanmoins sa victoire malgré les nombreuses irrégularités constatées par les observateurs internationaux.
Son principal opposant, Venancio Mondlane, crie au scandale. Persuadé d’avoir remporté la présidentielle, il appelle à manifester contre ce qu’il considère comme un « hold-up électoral ». Un pays coupé en deux, entre partisans et opposants du nouveau pouvoir.
Apaiser et rassembler, un immense défi
Daniel Chapo n’a d’autre choix que de jouer l’apaisement s’il veut restaurer la stabilité du pays. « Prêt à parler avec tout le monde », répète-t-il dans ses meetings. Mais les mots suffiront-ils à éteindre la colère qui gronde ? Rien n’est moins sûr, tant les plaies de la dernière élection sont béantes.
Le nouveau président devra aussi s’attaquer au dossier brûlant du conflit dans la province du Cabo Delgado, où des groupes jihadistes affiliés à l’État Islamique multiplient les attaques depuis 2017. Plus d’un million de déplacés et 5900 morts, un bilan effroyable qui paralyse les projets gaziers, poumon économique de la région.
La tâche est immense pour Daniel Chapo, qui va devoir prouver rapidement qu’il est plus qu’une marionnette entre les mains du Frelimo.
Inexpérimenté, mal élu, contesté : tous les voyants sont au rouge pour le nouveau président mozambicain. Saura-t-il se montrer à la hauteur des enjeux colossaux auxquels fait face son pays ? Les prochains mois, et la composition de son gouvernement attendue cette semaine, donneront un premier élément de réponse.
Mais une chose est sûre : élu sans légitimité dans un climat insurrectionnel, Daniel Chapo joue son avenir politique dès les premiers jours de son mandat. L’histoire tourmentée du Mozambique retiendra-t-elle son nom comme celui d’un dirigeant rassembleur, ou comme le énième représentant d’un système à bout de souffle ? Réponse dans les urnes, dans 5 ans, ou même avant si l’imprévisible s’en mêle.