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Cuba Plongée dans le Noir : Nouvelle Panne Électrique Massive

Ce mercredi matin, La Havane et tout l’ouest de Cuba se sont réveillés dans l’obscurité totale. Une nouvelle panne massive frappe des millions d’habitants déjà épuisés par des années de blackouts. Mais jusqu’où cette crise va-t-elle encore s’aggraver ?

Imaginez-vous vous réveiller à l’aube, prêt à commencer la journée, et découvrir que votre ville entière est plongée dans le noir absolu. Pas une lumière, pas un ventilateur, pas même le ronronnement habituel du réfrigérateur. C’est exactement ce qui est arrivé ce mercredi à des millions de Cubains, de La Havane jusqu’à l’extrême ouest de l’île.

Une énième panne qui paralyse la moitié du pays

À 5 heures du matin, une ligne de transmission entre deux centrales électriques a cédé. Le choc a provoqué une surcharge immédiate, puis la déconnexion totale du réseau ouest. En quelques minutes, provinces après provinces, tout s’est éteint : La Havane, Artemisa, Mayabeque, Matanzas, Cienfuegos, jusqu’à Pinar del Río.

Dans la capitale, qui compte près de 1,7 million d’habitants, la coupure est qualifiée de « générale ». Plus un quartier n’est alimenté. Les rues sont désertes avant même le lever du soleil, les feux de circulation sont morts, les pompes à eau immobiles. Le silence étrange d’une métropole soudain privée de vie électrique.

Des blackouts qui deviennent la norme

Ce n’est malheureusement pas une première. Depuis deux ans, Cuba traverse une crise énergétique sans précédent. Rien que depuis la fin 2024, l’île a subi cinq pannes nationales complètes, certaines durant plusieurs jours consécutifs.

Les délestages quotidiens font désormais partie du quotidien. Dans certaines régions, les habitants restent jusqu’à vingt heures sans courant par jour. Réfrigérateurs qui dégèlent, aliments qui pourrissent, enfants qui font leurs devoirs à la bougie : la souffrance est devenue routinière.

Lundi soir, à l’heure de pointe, déjà 59 % de la population cubaine était privée d’électricité à cause des délestages programmés. La panne de ce mercredi n’a fait qu’aggraver une situation déjà intenable.

Un réseau électrique à bout de souffle

Les huit grandes centrales thermoélectriques du pays, construites pour la plupart dans les années 1980 et 1990, tombent en panne les unes après les autres. Certaines sont arrêtées des semaines entières pour maintenance, quand les pièces de rechange arrivent… ce qui est loin d’être systématique.

Le manque chronique de carburant complique encore la situation. Les générateurs de secours tournent au ralenti, quand ils tournent. Quant aux nouveaux parcs solaires installés avec l’aide chinoise, ils restent pour l’instant incapables de compenser les déficits massifs.

« Les employés n’ont aucun répit face aux complexités quotidiennes que nous imposent le blocus et le rétablissement après le passage de l’ouragan Melissa »

Miguel Díaz-Canel, président cubain

Le gouvernement pointe systématiquement du doigt l’embargo américain, renforcé sous la présidence Trump et toujours en vigueur. Il est vrai que les sanctions compliquent l’achat de pièces détachées et de carburant sur le marché international.

Mais de nombreux économistes soulignent aussi l’absence d’investissements massifs dans le réseau depuis des décennies. Le vieillissement des infrastructures est visible à l’œil nu : câbles rouillés, transformateurs qui explosent, centrales qui fonctionnent bien en-deçà de leur capacité nominale.

Quand la panne s’invite dans chaque foyer

Pour les Cubains, ces coupures ne sont pas qu’un désagrément technique. Elles bouleversent la vie entière.

Estela Morales, 78 ans, retraitée, raconte son calvaire quotidien : « Nous sommes tous les deux retraités. Vous imaginez ce que c’est pour nous. On ne sait plus quand il y aura de l’eau, de l’électricité, quand on pourra acheter quelque chose. On ne sait même pas si on verra la fin de tout ça. »

Melissa Guzmán, jeune comptable et mère d’un bébé, doit se rendre au travail dans le noir et rentrer le soir dans un appartement sans lumière ni ventilateur. « C is très désagréable. On part sans courant et on sait qu’on va rentrer sans courant », confie-t-elle, la voix lasse.

Dans les hôpitaux, les groupes électrogènes tournent à plein régime, mais les réserves de carburant s’épuisent vite. Les écoles ferment ou fonctionnent au ralenti. Les commerces d’État, déjà vides la plupart du temps, ne peuvent plus faire fonctionner leurs caisses enregistreuses ni leurs chambres froides.

Une crise qui s’ajoute à toutes les autres

Les pannes électriques arrivent alors que le pays traverse sa pire crise économique depuis des décennies. Inflation galopante, pénuries de médicaments, de nourriture, de produits de première nécessité : tout manque.

L’ouragan Melissa, qui a frappé l’est de l’île fin octobre avec des vents à 195 km/h, a laissé derrière lui des dégâts considérables. Si aucune victime n’est à déplorer, les infrastructures déjà fragiles ont été davantage abîmées.

Pire encore : une épidémie de chikungunya se propage de manière incontrôlable. Les monceaux d’ordures qui s’accumulent dans les rues (les camions-poubelles manquent de carburant) et les citernes d’eau stagnante sur les toits (pour pallier les coupures d’eau courante) créent des nids parfaits pour les moustiques.

Cette année, jusqu’à trois millions de Cubains ont été touchés par des interruptions d’eau potable. Résultat : des dizaines de décès, dont de nombreux enfants, liés au chikungunya et à la dengue.

Et demain ?

Ce mercredi, les équipes techniques travaillent sans relâche pour rétablir le courant, quartier par quartier. Mais chacun sait que même quand la lumière reviendra, elle ne restera pas longtemps.

La question n’est plus de savoir si la prochaine panne aura lieu, mais quand. Et surtout : combien de temps les Cubains pourront-ils encore supporter cette accumulation de crises – énergétique, économique, sanitaire – qui semble ne jamais vouloir prendre fin.

Dans les rues de La Havane, sous un ciel encore noir, une vieille dame allume une bougie et murmure presque pour elle-même : « On a survécu à tant de choses… mais là, on est fatigués. Vraiment fatigués. »

En résumé : Une infrastructure électrique au bord de l’effondrement, un embargo qui complique tout, des investissements qui n’arrivent pas, et une population épuisée par des années de privations. Cuba vit aujourd’hui sous la menace permanente du noir total.

Et pendant ce temps, dans l’obscurité, la vie continue. Tant bien que mal.

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