En 1997, La Havane, vibrante capitale cubaine, est secouée par une série d’explosions visant ses hôtels de luxe. Ces attentats, orchestrés pour frapper l’industrie touristique naissante, portent la marque d’un conflit idéologique profond. Aujourd’hui, près de trois décennies plus tard, l’un des acteurs de cette sombre page de l’histoire, Otto René Rodriguez, retrouve la liberté après avoir purgé une peine de 30 ans. Cette libération rouvre un chapitre complexe des relations entre Cuba, les États-Unis et les exilés anti-castristes.
Une libération qui ravive les mémoires
Le vendredi 15 août 2025, le ministère des Affaires étrangères cubain annonce une nouvelle qui fait écho bien au-delà de l’île : Otto René Rodriguez, un Salvadorien condamné pour sa participation aux attentats de 1997, est libéré. Après trois décennies derrière les barreaux, cet homme, membre de la Fondation nationale cubano-américaine (FNCA), une organisation basée à Miami, retrouve la liberté conformément aux lois cubaines. Cette décision, bien que légale, soulève des questions sur les tensions historiques entre Cuba et ses opposants en exil.
Rodriguez n’est pas un inconnu dans cette affaire. En août 1997, il avoue avoir posé une bombe dans l’hôtel Melia-Cohiba, un symbole du tourisme cubain. Un an plus tard, en 1998, il tente d’introduire deux engins explosifs puissants sur l’île. Ces actes s’inscrivent dans une campagne visant à déstabiliser l’économie cubaine, alors dépendante de l’essor touristique pour contrer les effets de l’embargo américain.
Un contexte explosif : les attentats de 1997
Les années 1990 marquent un tournant pour Cuba. Après la chute de l’Union soviétique, l’île, sous la direction de Fidel Castro, mise sur le tourisme pour relancer son économie. Hôtels de luxe, plages paradisiaques et campagnes de promotion attirent des visiteurs du monde entier. Mais ce renouveau économique devient une cible pour les opposants au régime castriste, notamment ceux regroupés au sein de la FNCA, basée à Miami.
En 1997, une vague d’attentats secoue La Havane. Six explosions, orchestrées par un autre Salvadorien, Ernesto Cruz Leon, visent des hôtels et des sites touristiques. L’un de ces attentats coûte la vie à un touriste italien. Rodriguez, quant à lui, joue un rôle clé dans l’attaque contre le Melia-Cohiba. Ces actes visent un objectif clair : effrayer les touristes, tarir les revenus de l’île et affaiblir le gouvernement révolutionnaire.
“Le tourisme est le poumon économique de Cuba. En le frappant, ils espéraient asphyxier le régime.”
La FNCA et l’ombre de l’exil anti-castriste
La Fondation nationale cubano-américaine, organisation influente au sein de la communauté exilée de Floride, est au cœur de cette affaire. Créée pour s’opposer au régime de Fidel Castro, elle regroupe des figures radicales prêtes à recourir à la violence. Rodriguez et Cruz Leon, bien que Salvadoriens, sont recrutés par cette organisation pour mener à bien des opérations visant à déstabiliser Cuba.
Leur implication met en lumière les tensions entre La Havane et les exilés de Miami. Depuis la révolution de 1959, ces derniers, souvent soutenus par des factions aux États-Unis, mènent une lutte acharnée contre le gouvernement cubain. Les attentats de 1997 s’inscrivent dans une longue série d’actions, allant des sabotages économiques aux tentatives d’assassinat.
Repères historiques :
- 1959 : Révolution cubaine, Fidel Castro prend le pouvoir.
- Années 1990 : Effondrement de l’URSS, Cuba mise sur le tourisme.
- 1997 : Vague d’attentats à La Havane, visant hôtels et sites touristiques.
- 2010 : Commutation des peines de mort de Rodriguez et Cruz Leon.
Une justice clémente sous Raul Castro
Condamnés à mort dans un premier temps, Rodriguez et Cruz Leon voient leur peine commuée en 2010 sous la présidence de Raul Castro. Cette décision marque une volonté d’apaisement, dans un contexte où Cuba cherche à améliorer son image internationale. La libération de Cruz Leon en décembre 2024, suivie de celle de Rodriguez en août 2025, s’inscrit dans cette logique de clémence judiciaire.
Cependant, cette clémence contraste avec les accusations portées par Cuba contre les États-Unis. Selon La Havane, Washington aurait fermé les yeux sur les activités des exilés anti-castristes, voire les aurait encouragés. Fidel Castro lui-même pointait du doigt la responsabilité américaine, par “action, omission ou incitation”.
Les États-Unis dans le viseur cubain
Le ministère des Affaires étrangères cubain n’a pas manqué de critiquer les États-Unis dans son communiqué annonçant la libération de Rodriguez. Selon La Havane, plusieurs figures impliquées dans des actes de terrorisme contre Cuba vivent librement à Miami, sans jamais avoir été jugées. Parmi elles, Luis Posada Carriles, accusé d’avoir orchestré l’explosion d’un avion de ligne cubain en 1976, qui a coûté la vie à 73 personnes, ainsi que les attentats de 1997.
Posada Carriles, ancien collaborateur de la CIA, est mort en 2018 à l’âge de 90 ans sans jamais répondre de ces accusations devant la justice. Pour Cuba, son impunité symbolise l’hypocrisie des États-Unis, qui condamnent le terrorisme tout en protégeant certains de ses acteurs.
Figure | Accusation | Statut |
---|---|---|
Otto René Rodriguez | Attentat Melia-Cohiba (1997) | Libéré en 2025 |
Ernesto Cruz Leon | Six attentats à La Havane (1997) | Libéré en 2024 |
Luis Posada Carriles | Explosion avion 1976, attentats 1997 | Décédé en 2018, jamais jugé |
Un tourisme sous pression
Les attentats de 1997 ont eu un impact durable sur l’industrie touristique cubaine. À l’époque, l’île cherchait à s’imposer comme une destination de choix pour les voyageurs internationaux. Les explosions, en ciblant des hôtels comme le Melia-Cohiba, visaient à semer la peur et à dissuader les visiteurs. Bien que le tourisme ait continué à croître, ces événements ont marqué les esprits, rappelant la fragilité d’une économie dépendante d’un secteur vulnérable.
Aujourd’hui, Cuba continue de promouvoir son tourisme, mais les défis persistent. Entre l’embargo américain, les tensions politiques et les crises économiques, l’île doit naviguer dans un contexte complexe. La libération de Rodriguez pourrait être vue comme un geste pour apaiser les tensions, mais elle ravive aussi les souvenirs d’une période trouble.
Quel avenir pour les relations Cuba-USA ?
La libération de Rodriguez intervient dans un contexte de relations tendues entre Cuba et les États-Unis. Si l’ère Obama avait marqué un dégel, avec la réouverture des ambassades en 2015, les années suivantes ont vu un retour des frictions. Cuba continue d’accuser Washington de soutenir, directement ou indirectement, des actions hostiles contre l’île.
En libérant Rodriguez et Cruz Leon, Cuba envoie un message ambivalent : d’un côté, une volonté de tourner la page sur des événements anciens ; de l’autre, une critique virulente de l’impunité dont bénéficient certains exilés à Miami. Cette dualité reflète la complexité des relations bilatérales, marquées par des décennies de méfiance mutuelle.
“Cuba ne pardonnera jamais, mais peut choisir de passer à autre chose, tout en exigeant justice.”
Une page qui ne se tourne pas totalement
La libération d’Otto René Rodriguez ferme un chapitre, mais ne met pas fin aux débats. Pour beaucoup à Cuba, elle symbolise une justice qui a suivi son cours, mais aussi une frustration face à l’impunité de figures comme Posada Carriles. À Miami, les exilés anti-castristes pourraient y voir une provocation, une manière pour La Havane de rouvrir les plaies d’un conflit idéologique toujours vivant.
En fin de compte, cette affaire rappelle que l’histoire de Cuba est indissociable de sa lutte pour la souveraineté, face à des adversaires internes et externes. Les attentats de 1997, bien que lointains, continuent de résonner, comme un écho des tensions qui façonnent l’île et ses relations avec le monde.
Points clés à retenir :
- Otto René Rodriguez, libéré après 30 ans pour attentats à Cuba.
- Les attentats de 1997 visaient à saboter le tourisme cubain.
- La FNCA, basée à Miami, accusée d’orchestrer ces attaques.
- Cuba critique l’impunité des exilés anti-castristes aux États-Unis.