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Cuba : Ex-Ministre Condamné à Perpétuité pour Espionnage

Un ancien ministre cubain très proche du président vient d’être condamné à la prison à perpétuité pour espionnage… mais on ignore totalement pour quel pays il aurait travaillé. Au moment où Cuba s’enfonce dans sa pire crise depuis 30 ans, ce verdict tombe comme un coup de tonnerre. Que s’est-il vraiment passé derrière les portes closes ?

Imaginez un homme qui, il y a encore un an, signait les grandes orientations économiques d’un pays entier, côtoyait quotidiennement le président, et incarnait, pour beaucoup, l’espoir d’une ouverture maîtrisée. Et puis, du jour au lendemain, plus rien. Silence radio. Disparition totale des écrans radars. Jusqu’à ce verdict tombé lundi : prison à perpétuité.

Cet homme, c’est Alejandro Gil Fernández, 61 ans, ministre de l’Économie et de la Planification de Cuba de 2018 à février 2024. L’annonce de sa condamnation a été faite par la Cour suprême elle-même, un fait suffisamment rare pour marquer les esprits.

Un verdict historique dans l’histoire récente de Cuba

La plus haute instance judiciaire du pays a prononcé, en première instance, une peine unique de réclusion à perpétuité. Les chefs d’accusation sont particulièrement lourds : espionnage, actes portant préjudice à l’activité économique du pays, corruption continue, falsification de documents publics, trafic d’influence, fraude fiscale, soustraction de documents officiels et violation des règles de protection des informations classifiées.

Dans une seconde procédure parallèle, le même Alejandro Gil a écopé de 20 ans de prison supplémentaire. Le cumul des deux affaires fait de cette condamnation l’une des plus sévères jamais prononcées contre un haut dirigeant depuis des décennies.

Un mystère total sur l’espionnage

Le plus troublant reste l’absence totale d’information sur la destination de l’espionnage. La Cour suprême s’est bien gardée de préciser pour quel pays, quelle organisation ou quelle entité étrangère Alejandro Gil aurait travaillé. Ce silence alimente toutes les spéculations dans une île où la paranoïa sécuritaire n’est jamais très loin.

Les États-Unis ? Une puissance européenne ? Un acteur privé ? Impossible de le savoir officiellement. Ce flou artistique entretient l’idée que l’affaire pourrait être bien plus complexe qu’une simple histoire de corruption interne.

Un procès tenu dans l’ombre

Le procès s’est ouvert le 11 novembre dans un tribunal de la périphérie de La Havane. Dès le premier jour, le quartier était bouclé : voitures de police en patrouille, agents en civil partout, journalistes locaux tenus à distance. Ensuite ? Plus rien. Huis clos total. Les médias d’État n’ont jamais couvert les débats. Seule la date d’ouverture et, hier, le verdict ont filtré.

Cette opacité est devenue la règle pour les affaires sensibles touchant les sommets de l’État. Mais elle contraste violemment avec l’ampleur du personnage et du moment politique que traverse Cuba.

Un ministre tombé en plein chaos économique

Quand Alejandro Gil est brutalement démis de ses fonctions en février 2024, Cuba vit déjà sa pire crise économique depuis la « période spéciale » des années 1990. Inflation à trois chiffres, pénuries généralisées, blackouts quotidiens, exode massif de la population, ouverture chaotique au secteur privé qui génère à la fois espoir et inégalités criantes.

Gil était précisément l’architecte de cette « Tarea Ordenamiento », la grande réforme monétaire et économique lancée en 2021. Censée moderniser le pays, elle a surtout provoqué une hyperinflation et une chute brutale du pouvoir d’achat. Beaucoup, à l’époque, l’accusaient déjà d’avoir sous-estimé les conséquences sociales.

Proche de Díaz-Canel, vraiment ?

Alejandro Gil passait pour être l’un des hommes de confiance de Miguel Díaz-Canel. Il l’accompagnait dans presque tous ses déplacements importants, défendait les réformes devant l’Assemblée nationale, incarnait une certaine technocratie jeune face aux historiques de la Révolution.

Son éviction soudaine, puis cette condamnation éclair, posent donc question : règlement de comptes interne ? Sacrifice pour calmer l’opinion publique ? Ou révélation d’une trahison bien réelle ? Les observateurs cubains, même les plus prudents, penchent pour la première hypothèse.

Que dit le droit cubain maintenant ?

La condamnation à perpétuité fera l’objet d’un appel automatique, comme le prévoit la loi pour ce type de peine. Alejandro Gil dispose en revanche de dix jours pour faire appel de la seconde condamnation à vingt ans.

Un second procès aura donc lieu, probablement toujours à huis clos. Reste à voir si, cette fois, quelques détails supplémentaires filtreront. L’histoire, en tout cas, est loin d’être terminée.

Un signal envoyé à l’élite cubaine

Au-delà du cas personnel d’Alejandro Gil, ce verdict envoie un message clair à toute la nomenclature : personne n’est intouchable, même ceux qui semblaient les mieux protégés. Dans un contexte de mécontentement croissant, le pouvoir semble vouloir montrer qu’il est capable de sévir, même en son sein.

Mais ce faisant, il révèle aussi ses failles et ses divisions. Car condamner aussi lourdement un ancien ministre sans jamais expliquer la nature exacte de l’espionnage laisse un goût d’inachevé, voire de manipulation.

L’histoire d’Alejandro Gil n’est pas seulement celle d’un homme déchu. Elle est le reflet brutal d’un système à bout de souffle, où la survie politique semble parfois passer avant tout, y compris avant la vérité.

« Quand un ministre disparaît des radars puis réapparaît menotté pour espionnage, sans que personne ne sache pour qui il aurait trahi, c’est tout le pays qui se retrouve en accusation. »

Et vous, qu’en pensez-vous ? Ce verdict vous semble-t-il crédible, ou assiste-t-on à un nouvel épisode de la longue tradition cubaine des purges discrètes ? Les commentaires sont ouverts.

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