La semaine dernière, l’exchange de cryptomonnaies Crypto.com a lancé une action en justice contre la Securities and Exchange Commission (SEC) américaine. Au-delà d’une simple posture, cette démarche audacieuse pourrait bien représenter un tournant décisif pour l’avenir de l’industrie des cryptomonnaies.
Crypto.com engage une bataille existentielle
Selon une source proche du dossier, Crypto.com a reçu le 22 août dernier une notification Wells de la part de la SEC. Ce type de courrier informe généralement son destinataire qu’une action en justice est imminente. Plutôt que d’attendre passivement, Crypto.com a choisi de riposter en attaquant le régulateur américain devant les tribunaux.
Pour mener cette bataille, l’exchange a engagé les services de Noel Francisco, ancien Procureur Général des États-Unis reconnu comme l’un des meilleurs spécialistes du contentieux en appel du pays. Un choix qui en dit long sur la détermination de Crypto.com à aller jusqu’au bout dans ce bras de fer juridique.
Un choix stratégique de juridiction
Autre élément révélateur : quelques jours seulement avant de lancer son action en justice, Crypto.com a déplacé son siège américain de Floride au Texas. Ce choix n’est pas anodin. En effet, le Tribunal de District des États-Unis pour le District Est du Texas (E.D. Tex) est réputé pour son approche conservatrice, en particulier concernant les pouvoirs des agences fédérales comme la SEC.
Mieux encore, ce tribunal dépend de la Cour d’Appel du 5ème Circuit, connue pour être la plus influente du pays dans la jurisprudence hostile aux agences fédérales. Un arrêt récent de cette cour dans l’affaire Jarkesy contre la SEC a d’ailleurs significativement limité les pouvoirs du régulateur boursier. En choisissant cette juridiction, Crypto.com se donne les meilleures chances de l’emporter.
Des arguments juridiques solides
Sur le fond, la plainte de Crypto.com remet en cause la légitimité de la SEC à réguler les ventes sur le marché secondaire de certains tokens. L’exchange argue que la catégorie des « valeurs crypto » sur laquelle s’appuie la SEC est « cousue de fil blanc » et ne peut fonder une autorité réglementaire compatible avec la loi sur les procédures administratives (APA).
Crypto.com s’appuie notamment sur des décisions de tribunaux new-yorkais et washingtoniens estimant qu’il est « nécessaire de distinguer les monnaies numériques en elles-mêmes des offres de vente les concernant ». Et que par conséquent, les ventes de cryptomonnaies sur le marché secondaire ne constituent pas des contrats d’investissement relevant de la compétence de la SEC.
Vers une décision historique ?
Si le tribunal donne raison à Crypto.com sur la recevabilité de son action, peu d’obstacles semblent pouvoir empêcher une victoire finale de l’exchange. Ses arguments sont solides et le E.D. Tex comme le 5ème Circuit leur seront sans doute réceptifs. L’affaire pourrait même remonter jusqu’à la Cour Suprême.
Une issue favorable à Crypto.com remettrait profondément en cause les fondements mêmes de l’autorité de la SEC sur l’industrie des cryptomonnaies. Son pouvoir de régulation des ventes sur le marché secondaire s’en trouverait fortement affaibli, ouvrant la voie à un nouveau paradigme réglementaire pour le secteur.
« Ce procès vise à protéger l’avenir des cryptomonnaies », a déclaré le PDG de Crypto.com Kris Marszalek. Une ambition peut-être moins grandiloquente qu’il n’y paraît. Car en s’attaquant frontalement aux fondements du régime réglementaire actuel, l’exchange engage bien une bataille potentiellement décisive pour les années à venir. Affaire à suivre…