Une foule en colère scande des slogans sous un ciel lourd de Buenos Aires. Au cœur de cette agitation, une femme de 72 ans, figure incontournable de la gauche argentine, défie la justice avec une audace qui électrise ses partisans. Cristina Kirchner, ancienne présidente et vice-présidente, est à un tournant de sa carrière : la Cour suprême s’apprête à rendre un verdict qui pourrait la condamner à la prison, à l’inéligibilité, ou faire d’elle une martyre politique. Que se passe-t-il en Argentine, où la tension monte à l’approche de ce jugement crucial ?
Un Jugement aux Enjeux Colossal
La justice argentine est sur le point de sceller le destin de Cristina Kirchner, accusée de fraude au préjudice de l’administration publique. Ce dossier, qui remonte à ses années au pouvoir (2007-2015), concerne l’attribution controversée de marchés publics dans la province de Santa Cruz, son fief politique. Condamnée en 2022 à six ans de prison et à une inéligibilité à vie, elle a vu sa peine confirmée en appel en 2024. Aujourd’hui, la Cour suprême examine son ultime recours, tandis que le procureur réclame une peine alourdie à 12 ans.
Pour Kirchner, ce verdict dépasse le cadre judiciaire. C’est une bataille pour sa survie politique. Une condamnation confirmée l’empêcherait de briguer un poste de députée régionale lors des élections de septembre à Buenos Aires. Mais au-delà des urnes, c’est l’avenir du péronisme, ce mouvement historique de la gauche argentine, qui est en jeu.
Une Mobilisation Sans Précédent
Dans les rues de Buenos Aires, l’atmosphère est électrique. Des centaines de partisans se rassemblent devant le siège du Parti justicialiste (péroniste), présidé par Kirchner, ou sous ses fenêtres dans le quartier de Constitucion. Les slogans fusent, mêlant colère et ferveur : « Cristina, on t’aime ! » ou « Touche pas à Cristina ! ». Certains promettent même le « chaos » si leur leader est emprisonnée.
« Je suis venu défendre la démocratie. Cristina est la cible parfaite pour cette droite mafieuse », déclare Betina Estañares, fonctionnaire de 58 ans, convaincue que le peuple se soulèvera en cas de condamnation.
Les syndicats, piliers du mouvement péroniste, entrent également dans la danse. La CGT, principale centrale syndicale du pays, a déjà organisé trois grèves générales contre le gouvernement de Javier Milei. Elle dénonce une « persécution » visant à imposer un modèle économique inégalitaire et n’exclut pas une nouvelle grève si Kirchner est condamnée.
Chiffres clés de la mobilisation :
- Centaines de manifestants à Buenos Aires
- 3 grèves générales en 18 mois par la CGT
- 24 % d’opinion favorable à Kirchner (sondage)
Une Carrière Hors Norme
Cristina Kirchner n’est pas une simple politicienne. Première dame, présidente pendant deux mandats, puis vice-présidente de 2019 à 2023, elle incarne la gauche argentine depuis plus de 20 ans. Sa rhétorique flamboyante et son style clivant en font une figure à la fois adorée et détestée. Si 24 % des Argentins la soutiennent, selon un sondage récent, 66 % expriment une opinion défavorable.
Pourtant, même affaiblie, elle reste une force politique. Son influence sur l’opposition, où elle domine par son charisme, est indéniable. « Cristina a un leadership limité, mais poser en victime pourrait renforcer son aura », analyse Rosendo Fraga, spécialiste de la politique argentine.
Un Procès Politique ?
Depuis le début de l’affaire, Kirchner clame son innocence. Pour elle, ce procès est une « persécution politico-judiciaire » orchestrée par ses adversaires pour l’écarter du pouvoir. « Ils me veulent soit prisonnière, soit morte », a-t-elle déclaré lors d’un meeting, évoquant l’attentat auquel elle a échappé en 2022.
Ses détracteurs, eux, pointent un système de corruption bien rodé. L’affaire des marchés publics impliquait des contrats attribués à des proches dans des conditions opaques. Huit co-accusés, dont d’anciens fonctionnaires et entrepreneurs, ont également été condamnés. Mais pour les soutiens de Kirchner, ces accusations masquent une volonté de briser le péronisme.
Un Symbole ou une Fin ?
Si Kirchner est condamnée, plusieurs scénarios se dessinent. À 72 ans, elle pourrait bénéficier d’une assignation à résidence plutôt qu’une incarcération classique. Mais le symbole serait dévastateur : la voir privée de liberté marquerait un séisme politique. Une autre possibilité est qu’elle se pose en victime, maintenant ainsi son emprise sur l’opposition.
Selon l’historien Sergio Berensztein, deux hypothèses dominent : soit Kirchner conserve une influence, même depuis une détention à domicile, soit elle sombre dans une « mort lente » politique, son étoile pâlissant face aux défis d’une Argentine en crise.
Scénario | Conséquences |
---|---|
Prison ou assignation | Séisme politique, mobilisation accrue |
Inéligibilité confirmée | Fin des ambitions électorales |
Acquittement | Retour en force sur la scène politique |
Un Soutien International
L’affaire Kirchner dépasse les frontières argentines. Le Groupe de Puebla, qui réunit des leaders de gauche latino-américains comme Lula da Silva ou Luis Arce, a exprimé son soutien. Dans une déclaration, le groupe met en garde contre une « proscription politique » d’innocente, dénonçant une menace pour la démocratie.
Ce soutien international renforce la stature de Kirchner comme figure de résistance. Mais il souligne aussi les divisions profondes en Argentine, où la crise économique et les tensions politiques alimentent un climat explosif.
Vers un Chaos Annoncé ?
Alors que la décision de la Cour suprême approche, les spéculations vont bon train. Certains médias évoquent un verdict imminent, peut-être dans les prochaines heures. Dans ce contexte, les menaces de grève syndicale et les manifestations pourraient plonger le pays dans une crise majeure.
Pour beaucoup, Kirchner reste un symbole de résistance face à une droite accusée de vouloir imposer un modèle ultralibéral. Mais pour d’autres, elle incarne un passé marqué par la corruption et les divisions. Quel que soit le verdict, une chose est sûre : l’Argentine retient son souffle.
Pourquoi cette affaire divise-t-elle ?
- Pour les partisans : Kirchner est une icône de la justice sociale.
- Pour les opposants : Elle symbolise la corruption systémique.
- Enjeu global : L’avenir du péronisme et de la gauche argentine.
L’issue de ce procès ne déterminera pas seulement le destin de Cristina Kirchner. Elle pourrait redessiner la carte politique de l’Argentine, entre chaos, mobilisation populaire et lutte pour la démocratie. Alors, prison, exil politique, ou résurrection ? La Cour suprême a le dernier mot.