Dans les rues de Buenos Aires, une marée humaine a déferlé, brandissant drapeaux et pancartes pour soutenir une figure emblématique de l’Argentine. Cristina Kirchner, ancienne présidente et leader du mouvement péroniste, a galvanisé des foules immenses malgré son assignation à résidence. Ce rassemblement, l’un des plus importants depuis des mois, soulève une question : que révèle cette mobilisation sur l’état actuel de la politique argentine ?
Un Élan Populaire Inédit à Buenos Aires
Mercredi, le cœur de la capitale argentine s’est arrêté. La Place de Mai, symbole des luttes et des espoirs du peuple argentin, s’est transformée en un océan de manifestants. Les avenues menant à ce lieu historique étaient engorgées, les drapeaux bleu et blanc flottant au rythme des chants et des tambours. Cette mobilisation, d’une ampleur rare, a réuni des dizaines de milliers de personnes venues de tout le pays pour soutenir Cristina Kirchner, désormais sous surveillance électronique chez elle.
Le Parti justicialiste, fer de lance du péronisme, avait appelé à ce rassemblement, soutenu par des syndicats et des mouvements sociaux. L’ambiance, bien que fervente, restait festive : pétards, cuivres et odeurs de barbecues de rue donnaient une couleur unique à l’événement. Les pancartes proclamaient des messages forts : « Courage Cristina », « Cristina libre ! », ou encore « On ne touche pas à Cristina ! ». Mais au-delà de la fête, c’est une colère sourde contre une décision judiciaire qui a motivé cette foule.
Cristina Kirchner : Une Figure Incontournable
Depuis deux décennies, Cristina Kirchner incarne une force politique majeure en Argentine. Première dame, présidente de 2007 à 2015, puis vice-présidente, elle reste aujourd’hui la principale opposante au président ultralibéral Javier Milei. Sa condamnation à six ans de prison pour administration frauduleuse, confirmée par la Cour suprême, a marqué un tournant. Assignée à résidence en raison de son âge (72 ans) et pour des raisons de sécurité, elle n’en demeure pas moins une voix puissante.
« Nous reviendrons. Nous reviendrons, et avec plus de sagesse, avec plus d’unité, avec plus de force. »
Cristina Kirchner, message audio aux manifestants
Son message, diffusé par haut-parleurs à la foule, a électrisé les manifestants. Elle y promet un retour, non seulement personnel, mais aussi collectif, affirmant que « les peuples, à la fin, reviennent toujours ». Ce discours, chargé d’émotion, a renforcé la détermination de ses partisans, qui voient en elle un symbole de résistance face à un système judiciaire perçu comme partial.
Une Mobilisation aux Multiples Visages
La manifestation n’était pas seulement un soutien à Kirchner. Pour beaucoup, elle représentait un cri contre la politique actuelle. Veronica Barrientos, une infirmière de 40 ans, a partagé son indignation :
« On vient soutenir une personne qui a permis à des gens comme moi d’accéder à l’université. Mais c’est aussi contre la ruine du pays. »
Veronica Barrientos, manifestante
Pour d’autres, comme Rocio Gaviño, fonctionnaire de 29 ans, il s’agit d’une question de démocratie :
« Rendre Cristina inéligible, c’est une attaque contre le choix du peuple. »
Rocio Gaviño, manifestante
Les raisons de cette mobilisation sont donc plurielles : défense d’une leader, opposition à la justice, ou encore rejet des politiques économiques de Milei, accusées d’aggraver la crise. Les manifestants, venus de provinces éloignées, ont bravé des contrôles policiers stricts pour rejoindre la capitale, prouvant leur détermination.
Pourquoi tant de ferveur ?
- Soutien à Kirchner : Une figure adorée pour ses réformes sociales.
- Opposition à Milei : Un rejet des politiques ultralibérales.
- Défense de la démocratie : Une condamnation perçue comme politique.
Un Contexte Politique Explosif
L’Argentine traverse une période de tensions extrêmes. Javier Milei, au pouvoir depuis 18 mois, divise profondément. Ses réformes économiques, centrées sur la dérégulation et la réduction des dépenses publiques, ont exacerbé les inégalités, selon ses détracteurs. Dans ce contexte, la condamnation de Kirchner est vue par ses partisans comme une tentative de l’écarter de la scène politique, alors qu’elle reste une figure capable de mobiliser.
Pourtant, Kirchner est une personnalité clivante. Si ses soutiens louent ses politiques sociales, comme l’accès à l’éducation ou les aides aux plus démunis, elle suscite aussi un fort rejet. Selon des sondages, environ 75 % des Argentins ne partagent pas l’enthousiasme de ses partisans. Guillermo Francos, chef du cabinet des ministres, a minimisé l’ampleur de la manifestation, affirmant qu’elle représentait une « minorité » de la population.
Le Péronisme : Une Force Toujours Vive
Le péronisme, mouvement politique né dans les années 1940 sous l’égide de Juan Perón, reste une force incontournable. Lara Goyburu, politologue à l’Université de Buenos Aires, note que cette manifestation « démontre la capacité du péronisme à mobiliser dans la rue ». Cependant, elle souligne un manque de « transversalité » par rapport à d’autres grands mouvements, comme celui d’avril 2024 pour défendre l’université publique.
Les militants péronistes, eux, ne faiblissent pas. Depuis la condamnation de Kirchner le 10 juin, un noyau dur s’est organisé sous ses fenêtres, montant une garde quasi-permanente. Mercredi, les autocars affluant de tout le pays ont amplifié cette mobilisation, malgré les contrôles renforcés aux abords de la capitale.
Une Assignation à Résidence sous Haute Surveillance
Assignée à résidence, Kirchner doit porter un dispositif de surveillance électronique. Cette mesure, autorisée en raison de son âge, n’a pas entamé son aura. Dans un message teinté d’ironie, elle a demandé à la justice si elle pouvait apparaître à son balcon pour saluer ses partisans, une pratique devenue quotidienne. La justice, elle, lui interdit tout comportement susceptible de « troubler la tranquillité du voisinage ».
Cette restriction, perçue comme absurde par ses soutiens, renforce l’image d’une leader persécutée. Chaque jour, elle s’adresse à ses partisans depuis son domicile, galvanisant une base fidèle malgré les contraintes judiciaires.
Quel Avenir pour Kirchner et le Péronisme ?
La mobilisation de mercredi n’est pas un simple sursaut. Elle pose des questions sur l’avenir du péronisme et de Kirchner elle-même. Inéligible à vie, pourra-t-elle encore influencer la politique argentine ? Ses partisans, eux, y croient fermement. « Cristina représente l’espoir d’un pays plus juste », confie un manifestant.
Enjeu | Impact |
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Condamnation de Kirchner | Renforce la polarisation politique |
Mobilisation péroniste | Montre la résilience du mouvement |
Politiques de Milei | Alimentent le mécontentement social |
La bataille politique en Argentine est loin d’être terminée. Kirchner, même assignée à résidence, reste une figure centrale, capable de mobiliser des foules et de défier le pouvoir en place. Son message, « Nous reviendrons », résonne comme une promesse, mais aussi comme un défi à l’administration Milei.
Pour l’heure, les rues de Buenos Aires vibrent encore de l’énergie de cette manifestation historique. Reste à savoir si cet élan se transformera en un mouvement plus large, capable de redessiner l’avenir politique du pays.