La vie politique française est en ébullition. Après la chute du gouvernement de Michel Barnier, censuré à l’Assemblée nationale seulement trois mois après sa nomination, le président Emmanuel Macron se retrouve sous une intense pression. De toutes parts, on le somme de nommer un nouveau Premier ministre dans les plus brefs délais pour mettre fin à cette crise politique qui paralyse le pays.
Pourtant, la tâche s’annonce ardue pour le chef de l’État. Car au-delà des tensions avec l’opposition, c’est au sein même de son camp que les dissensions se font jour. Si certains de ses proches, à l’image de François Bayrou, le président du MoDem, se disent prêts à « aider » pour « sortir de tout ça », d’autres lui intiment de trancher rapidement. C’est le cas de Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée nationale, qui exhorte Emmanuel Macron à désigner un nouveau locataire à Matignon « dans les prochaines heures ».
Un bloc central élargi, solution miracle ou boîte de Pandore ?
Pour sortir de l’ornière, certains dans la majorité présidentielle, comme l’ancien Premier ministre Gabriel Attal, militent pour la constitution d’un bloc central élargi, allant des Républicains jusqu’aux socialistes. Une coalition qui, sur le papier, pourrait réunir une confortable majorité de 299 députés selon les calculs de Mme Braun-Pivet. Fini les motions de censure, bonjour la stabilité retrouvée.
Mais cette main tendue vers la gauche modérée n’est pas sans risque. Car elle pourrait bien faire exploser l’alliance de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES) arrivée en tête lors des dernières élections législatives. Un scénario qui n’enchante guère le président du Rassemblement national Jordan Bardella, qui y voit « l’alliance de tout et son contraire » dans le seul but « d’empêcher des millions d’électeurs qui ont voté RN de voir leurs idées exprimées ».
Une gauche irréconciliable ?
Au sein de la NUPES justement, deux lignes antagonistes s’affrontent depuis la chute de Michel Barnier. D’un côté, les plus modérés – socialistes en tête – appellent au dialogue avec l’exécutif. Le premier secrétaire du PS Olivier Faure a ainsi rencontré Emmanuel Macron vendredi pour évoquer de possibles « concessions réciproques ». Une démarche vertement critiquée par Jean-Luc Mélenchon. Le leader de La France insoumise menace ni plus ni moins de faire éclater l’alliance de la gauche : « Si les socialistes rejoignent le futur gouvernement, le Nouveau Front populaire continuera sans eux. Nous refusons de gouverner avec ce bloc de droite à la dérive », assène-t-il dans un entretien donné à la presse européenne.
Pendant ce temps, à l’Élysée, Emmanuel Macron s’apprête à recevoir ce lundi les communistes et les écologistes, les autres composantes de la NUPES. Les Insoumis ont eux décliné l’invitation, une façon de maintenir la pression sur le chef de l’État. Mais aussi sur leurs partenaires. La crise politique, un terrain de jeu pour les uns, un piège pour les autres.
L’épée de Damoclès budgétaire
Si l’urgence est à la nomination d’un nouveau Premier ministre, c’est aussi parce que plane la menace d’une aggravation de la situation budgétaire du pays. Censé être voté courant décembre, le projet de loi de finances 2025 a été balayé par la chute du gouvernement Barnier. Emmanuel Macron a beau promettre une « loi spéciale » pour assurer la continuité budgétaire de l’État, c’est une véritable course contre la montre qui s’engage.
L’ancien Premier ministre s’était fixé pour objectif de ramener le déficit public à 5% du PIB l’an prochain. Un engagement qui semble de plus en plus compromis au vu des derniers chiffres. Selon des sources proches de Bercy, le déficit pour 2024 devrait s’établir au-dessus de la barre symbolique des 6% du PIB, dernier rang de l’Union européenne à l’exception de la Roumanie et très loin du fameux plafond des 3% fixé par Bruxelles. Un camouflet pour l’exécutif, rattrapé par une crise qui n’en finit plus de s’enliser.
Il y a urgence. Pour la stabilité du pays, pour la confiance des Français et pour notre crédibilité sur la scène internationale, Emmanuel Macron doit nommer un nouveau Premier ministre. Et vite.
– Un proche du président de la République
Alors que le temps presse et que les critiques pleuvent, Emmanuel Macron va devoir trancher. Quitte à bousculer son propre camp. Quitte à dynamiter les alliances à gauche. Le casting pour Matignon est ouvert. Mais l’Élysée le sait : au-delà du nom, c’est un cap qu’il faut fixer. Pour enfin sortir de la tempête.