La Géorgie traverse une période tumultueuse suite à l’élection présidentielle de samedi dernier, qui a vu la victoire surprise de Mikhaïl Kavelachvili, un ancien footballeur considéré comme proche de la Russie. Son élection, entachée d’accusations de fraudes massives, a déclenché un mouvement de protestation sans précédent dans la capitale Tbilissi. Les manifestants pro-européens refusent de reconnaître le résultat et réclament l’organisation de nouvelles élections.
Un scrutin sous haute tension
Dès l’annonce des résultats samedi soir, des milliers de Géorgiens sont descendus dans la rue pour contester la victoire de Mikhaïl Kavelachvili, qu’ils accusent d’être téléguidé par Moscou. Selon de nombreux témoignages et vidéos diffusés sur les réseaux sociaux, le scrutin aurait été entaché de bourrage d’urnes et d’intimidations dans de nombreux bureaux de vote.
La présidente sortante Salomé Zourabichvili, qui a apporté un soutien sans faille au rapprochement avec l’Union européenne durant son mandat, a elle aussi dénoncé des irrégularités « inacceptables ». Elle a appelé à l’invalidation du scrutin et à la tenue de nouvelles élections « transparentes et démocratiques ».
Les soupçons d’ingérence russe
Pour les opposants pro-européens, l’élection de Mikhaïl Kavelachvili, totalement inconnu de la scène politique il y a encore quelques mois, ne fait aucun doute : le Kremlin a réussi un « coup d’État » en manipulant le scrutin pour placer son pion à la tête du pays. D’après des sources proches des services de renseignement occidentaux, la Russie aurait déployé des moyens colossaux pour financer la campagne de l’ancien sportif et organiser les fraudes le jour du vote.
« C’est un cheval de Troie envoyé par Poutine pour détruire notre démocratie et nous ramener dans le giron russe »
– Un manifestant pro-européen à Tbilissi
Moscou dément toute ingérence, mais les liens troubles entre certains conseillers de Kavelachvili et le pouvoir russe alimentent les spéculations. Le nouveau président élu lui-même, interrogé sur ses relations avec le Kremlin, reste évasif et se contente d’appeler au « dialogue » avec la Russie.
Les enjeux pour l’avenir européen de la Géorgie
Au-delà des soupçons de fraude, c’est tout l’avenir géopolitique de la Géorgie qui semble en jeu. Depuis la révolution des Roses en 2003, le pays a résolument tourné le dos à la Russie pour se rapprocher de l’Occident, avec l’objectif assumé d’intégrer l’Union européenne et l’OTAN. Des efforts récompensés en juin dernier lorsque Bruxelles a accordé à Tbilissi le statut de candidat officiel à l’adhésion.
Mais avec un président ouvertement pro-russe, cet horizon européen pourrait rapidement s’assombrir. Nombre d’analystes craignent déjà que Mikhaïl Kavelachvili ne sabote le processus de réformes et fasse dévier la Géorgie de sa trajectoire pro-occidentale, pour la replacer sous la coupe de Moscou.
La réaction en demi-teinte de l’Union européenne
Face à cette crise politique majeure, la réaction des partenaires occidentaux de la Géorgie apparaît pour l’instant mesurée. L’Union européenne a appelé toutes les parties à la « retenue » et au « dialogue », tout en se disant « préoccupée » par les informations faisant état de fraudes. Plusieurs eurodéputés influents réclament l’envoi d’une mission d’observation pour faire la lumière sur les conditions du scrutin.
« La crédibilité de tout le processus électoral est remise en cause. Sans clarification rapide, c’est la perspective européenne de la Géorgie qui risque d’être compromise »
– Viola von Cramon, eurodéputée allemande
Washington, de son côté, a fait part de sa « déception » et menacé de « réévaluer son soutien » si les autorités géorgiennes ne garantissent pas des élections libres et transparentes. Mais pour l’instant, aucune sanction concrète n’a été prise, ni par les États-Unis ni par l’UE.
La détermination des manifestants pro-européens
Dans les rues de Tbilissi, les protestataires restent déterminés à défendre leur choix européen coûte que coûte. Malgré le froid glacial, des milliers de personnes continuent de se rassembler chaque jour devant le Parlement, scandant des slogans anti-russes et agitant des drapeaux européens et géorgiens.
« On ne lâchera rien. C’est une question de survie pour notre démocratie. Si on laisse les Russes revenir, c’en est fini de nos rêves d’Europe »
– Nino, une étudiante présente dans le cortège
Pour tenter de calmer la rue, Mikhaïl Kavelachvili a promis d’être le « président de tous les Géorgiens » et de maintenir le cap des réformes démocratiques. Mais ses déclarations peinent à convaincre une opposition vent debout, bien décidée à poursuivre la mobilisation jusqu’à son départ.
À l’approche des fêtes de fin d’année, la Géorgie s’enfonce dans une crise politique majeure dont elle aura du mal à sortir sans l’aide de la communauté internationale. Une aide qui se fait pour l’instant désirer, au grand dam des manifestants pro-européens qui voient leur avenir démocratique leur échapper.