La Géorgie traverse actuellement une crise politique majeure qui divise profondément le pays. Au cœur de cette tempête se trouve la présidente pro-européenne Salomé Zourabichvili, qui vient d’annoncer une décision aussi surprenante que controversée : elle refuse de quitter son poste malgré la fin imminente de son mandat, tant que de nouvelles élections législatives n’auront pas été organisées.
Une élection contestée, des manifestations qui s’intensifient
Tout a commencé avec les élections législatives du 26 octobre dernier, dont les résultats sont vivement contestés par l’opposition. Le parti au pouvoir, Rêve géorgien, a été déclaré vainqueur, mais les partis d’opposition pro-UE dénoncent des irrégularités massives et crient à la fraude électorale. Depuis, les manifestations se multiplient dans les rues de la capitale Tbilissi, rassemblant des dizaines de milliers de Géorgiens qui réclament de nouvelles élections libres et transparentes.
Face à cette situation explosive, la présidente Zourabichvili a décidé de monter au créneau. Ancienne diplomate française née à Paris, elle est la seule dirigeante géorgienne à jouir encore d’une certaine légitimité aux yeux des manifestants pro-européens. Dans une interview exclusive accordée à l’AFP, elle a affirmé sans détour :
Tant qu’il n’y aura pas de nouvelles élections et un Parlement qui élira un nouveau président selon de nouvelles règles, mon mandat se poursuivra.
Un bras de fer qui s’engage avec le nouveau pouvoir
Le nouveau parlement issu des élections contestées refuse cependant de plier. Contrôlé par le parti Rêve géorgien, il a annoncé qu’il élirait le prochain président le 14 décembre prochain pour une investiture prévue le 29. Son candidat, l’ex-footballeur d’extrême droite Mikheil Kavelachvili, fait figure de grand favori.
Mais pour Salomé Zourabichvili, ce parlement et ce futur président n’ont aucune légitimité démocratique :
Lorsque les élections ne reflètent pas la volonté du peuple, alors le Parlement n’est pas légitime, ni le gouvernement, ni le président qu’ils doivent élire.
Un « conseil national » pour incarner la « transition légitime »
Pour incarner ce qu’elle considère être la seule autorité légitime, la présidente a mis en place ce samedi un « conseil national » composé de partis d’opposition et de représentants de la société civile. A la communauté internationale qui s’interroge sur la suite des événements, elle lance ce message :
Pas de relations avec des représentants illégitimes de ce pays. Faites des affaires avec nous, nous représentons la population géorgienne.
Malgré la gravité de la situation, Salomé Zourabichvili se veut optimiste. Pour elle, le soulèvement populaire qui secoue la Géorgie est porteur d’espoir :
Il se passe ici quelque chose que nous n’avons pas vu dans l’espace post-soviétique, c’est-à-dire une société qui prend son avenir en main.
La question européenne au cœur des tensions
La crise politique géorgienne se cristallise tout particulièrement autour de la question des relations avec l’Union européenne. Candidate à l’adhésion, la Géorgie a vu ses espoirs douchés jeudi dernier par la déclaration choc du Premier ministre Irakli Kobakhidzé, selon laquelle le pays ne chercherait pas à ouvrir des négociations avant 2028.
Cette annonce a mis le feu aux poudres et déclenché une nouvelle vague de manifestations pro-UE qui ont été sévèrement réprimées, faisant des dizaines d’arrestations. D’après les détracteurs du pouvoir, le parti Rêve géorgien cherche à éloigner le pays de l’Europe pour le rapprocher de la Russie.
Pour sortir de l’impasse, Bruxelles a dépêché une mission sur place qui doit selon la présidente Zourabichvili « aider à mettre en place de nouvelles élections ». Seule certitude dans cette période troublée, l’avenir politique de la Géorgie s’annonce plus que jamais incertain et mouvementé. La rue aura sans doute son mot à dire.