La Corée du Sud n’en finit plus de trembler. Alors que le pays est secoué depuis plusieurs jours par une crise politique sans précédent, un nouveau coup de théâtre vient de se produire. D’après des sources proches du dossier, l’ex-ministre de la Défense, Kim Yong-hyun, a été arrêté ce matin pour son implication présumée dans la tentative ratée d’imposer la loi martiale dans le pays.
Pour rappel, cette mesure d’exception avait été décrétée de manière totalement inattendue par le président Yoon Suk Yeol en début de semaine, plongeant le pays dans le chaos. Face à la pression de la rue et du Parlement, il avait finalement dû faire marche arrière seulement 6 heures plus tard. Mais le mal était fait. Depuis, les manifestations monstres se succèdent pour réclamer sa démission.
Un président sur la sellette
Et le chef de l’État est passé tout près de la correctionnelle. Samedi, un vote de destitution était organisé au Parlement. Une motion que son propre camp, le Parti du Pouvoir au Peuple (PPP), a réussi à invalider in extremis en boycottant le scrutin, le privant ainsi du quorum nécessaire de 200 députés. Un répit de courte durée pour Yoon Suk Yeol ?
Nous avons obtenu du président la promesse qu’il se retire et que, jusqu’à sa démission effective, il sera largement exclu de ses fonctions.
Han Dong-hoon, chef du PPP
Des propos en demi-teinte qui laissent planer le doute sur l’avenir immédiat du président conservateur. D’autant que la pression de la rue ne faiblit pas. Ils étaient encore près de 150 000 ce week-end, selon la police, à réclamer sa tête devant le Parlement.
La loi martiale, acte désespéré d’un président aux abois ?
Pour nombre d’observateurs, cette fuite en avant de Yoon Suk Yeol s’apparente à un baroud d’honneur d’un homme aux abois. Empêtré dans les affaires depuis son élection il y a un peu plus d’un an, le dirigeant de 62 ans a vu sa popularité s’effondrer ces derniers mois.
- Son parti éclaboussé par un scandale de corruption
- Des soupçons de trafic d’influence autour de la Première dame
- Une gestion calamiteuse de la pandémie de Covid-19
Autant de casseroles qui se sont accumulées, faisant de lui le président le plus impopulaire de l’histoire moderne du pays. Dans ce contexte, le recours à la loi martiale apparaît comme l’acte désespéré d’un homme dos au mur, prêt à tout pour sauver sa peau. Quitte à mettre le feu aux poudres.
Un pays au bord de l’explosion
Car c’est peu dire que l’annonce a mis le pays sens dessus dessous. Décrétée sur l’ensemble du territoire sans la moindre concertation, cette mesure d’exception prévue pour les situations de guerre ou d’insurrection armée a sidéré les Sud-Coréens.
J’ai cru qu’il s’agissait d’une opération terroriste. En quelques minutes, des blindés ont envahi les rues, des contrôles ont été mis en place partout. C’était surréaliste.
Park Jae-sung, étudiant à Séoul
Un coup de force qui n’a fait qu’attiser la colère d’une population déjà chauffée à blanc par la dégradation de la situation économique et les affaires à répétition secouant le sommet de l’État. D’imposantes manifestations spontanées ont rapidement éclaté aux quatre coins du pays pour réclamer le départ du président. Face à cette bronca, ce dernier a dû reculer, tout en menaçant de remettre le couvert « si les circonstances l’exigent ». Une reculade qui n’a pas suffi à calmer les esprits. La Corée du Sud reste au bord de l’explosion.
Le spectre de 1979-1980
Dans les rangs de l’opposition, beaucoup font un parallèle avec les évènements dramatiques d’octobre 1979 – mai 1980. A l’époque, après l’assassinat du président Park Chung-hee, le général Chun Doo-hwan avait imposé la loi martiale sur l’ensemble du pays, matant dans le sang l’insurrection démocratique de Gwangju (plusieurs centaines de morts). Un épisode tragique dans un pays qui n’était alors qu’une dictature militaire.
Le président rejoue le pire de notre Histoire. Il bafoue les valeurs démocratiques chèrement acquises par le peuple coréen et fait courir un grave danger à nos institutions.
Lee Jae-myung, leader de l’opposition
Des attaques virulentes qui font écho à la défiance d’une large partie de la population envers le président Yoon, volontiers qualifié d’autoritaire et d’antidémocratique par ses contempteurs. Le chef de l’État, lui, assure avoir agi en « bon père de famille » afin de « protéger la nation de la menace nord-coréenne ».
Fin de partie pour Yoon Suk Yeol ?
Jusqu’où ira la crise ? Difficile à dire tant la situation reste explosive. Une chose est sûre : malgré le rejet de la destitution, Yoon Suk Yeol n’en a sans doute pas fini avec ses ennuis. Selon des sources concordantes, une procédure de mise en accusation pour « rébellion » serait déjà à l’étude. De quoi lui faire regretter son coup de poker…
Une « démission volontaire » dans les prochains jours est également évoquée par certains. Histoire pour le président d’éviter l’humiliation d’une probable destitution lors d’un prochain vote. Une sortie par la petite porte qui en dit long sur l’ampleur de son désamour et la fragilité de son pouvoir. Quoi qu’il en soit, une page semble en train de se tourner. Avec en toile de fond un pays plus divisé que jamais, au bord de la rupture. La Corée du Sud s’apprête à vivre un « hiver chaud »…