Imaginez vivre dans un pays où allumer une ampoule pourrait vous conduire derrière les barreaux. Au Tadjikistan, cette idée n’a rien d’une fiction : une nouvelle loi, adoptée en mars 2025, menace de peines allant jusqu’à 10 ans de prison ceux qui trichent sur leur facture d’électricité. Dans cette nation d’Asie centrale, où la crise énergétique dure depuis plus de 30 ans, les autorités ont décidé de frapper fort. Mais derrière cette mesure radicale, quels enjeux se cachent vraiment ?
Une Crise Énergétique Sans Fin
Le Tadjikistan, ancienne république soviétique nichée entre montagnes et rivières, dépend à 95 % de l’hydroélectricité pour alimenter ses foyers. Pourtant, chaque année, pendant près de six mois, la population doit se débrouiller avec des coupures régulières. Pourquoi ? Les rivières, qui font tourner les turbines, manquent cruellement d’eau en automne et en hiver, laissant les centrales à l’arrêt ou en sous-régime.
Cette situation n’est pas nouvelle. Depuis la chute de l’URSS, le pays n’a jamais réussi à moderniser son réseau énergétique, vétuste et incapable de répondre à une demande qui explose. Résultat : des pertes colossales d’énergie et une population contrainte de rationner son électricité, souvent dans le froid glacial des hauts plateaux.
Une Loi Choc pour Contrer la Fraude
Face à cette crise, le gouvernement a décidé de serrer la vis. Selon des sources officielles, certains habitants et entreprises manipulent leurs compteurs ou se branchent illégalement pour éviter de payer. Une pratique qui, d’après le ministère de la Justice, “porte un coup dur aux finances du pays”. La réponse ? Une législation implacable : jusqu’à 10 ans de prison pour les fraudeurs.
Certains modifient les compteurs ou consomment sans être raccordés, au détriment de l’économie nationale.
– Déclaration d’un représentant du ministère de la Justice
Approuvée par un Parlement fraîchement élu, cette loi a été préparée sous l’impulsion directe du président, en poste depuis 1992. Mais dans un pays où le salaire moyen plafonne à 220 euros, peut-on vraiment blâmer ceux qui cherchent à contourner des factures écrasantes ?
Rogoun : Le Rêve d’un “Palais de Lumière”
Pour sortir de cette impasse, le Tadjikistan mise tout sur un projet titanesque : la centrale hydroélectrique de Rogoun. Avec ses 335 mètres de hauteur, ce barrage promet de devenir le plus haut du monde et de produire 3 600 mégawatts, soit l’équivalent de trois centrales nucléaires. Un rêve caressé depuis 1976, sous l’ère soviétique, mais abandonné après l’effondrement de l’URSS et une guerre civile dévastatrice.
Relancé par le président actuel, qui le surnomme le “palais de lumière” ou la “fierté du peuple”, Rogoun est présenté comme la solution miracle. Mais à quel prix ? Le coût, dépassant déjà les 6 milliards de dollars, ne cesse de grimper, et la date de mise en service reste floue. Pendant ce temps, les habitants continuent de grelotter dans l’obscurité.
Un Pays au Bord de l’Asphyxie Économique
Le Tadjikistan est le pays le plus pauvre de l’ex-URSS. Avec un PIB par habitant famélique et une dépendance quasi totale à l’hydroélectricité, chaque hiver devient un calvaire. Les pertes d’énergie, dues à un réseau obsolète, aggravent encore la situation. Et pourtant, les autorités semblent plus enclines à punir qu’à réparer.
- Réseau vétuste : des lignes électriques datant de l’époque soviétique.
- Dépendance hydrique : pas d’eau, pas d’électricité.
- Sanctions sévères : jusqu’à 10 ans de prison pour une facture impayée.
Dans ce contexte, la nouvelle loi soulève une question : est-ce vraiment en emprisonnant les plus démunis qu’on résoudra une crise structurelle ?
Une Population Prise en Étau
Pour beaucoup de Tadjiks, payer l’électricité relève du casse-tête. Avec des salaires dérisoires et des hivers rigoureux, certains n’ont d’autre choix que de tricher pour survivre. D’après une source proche du dossier, le président s’est récemment plaint d’une “utilisation irrationnelle” de l’électricité, pointant du doigt les pertes excessives durant la saison froide.
Mais cette politique punitive pourrait bien attiser les tensions. Dans un pays où la presse est muselée et les médias indépendants rares, difficile de savoir ce que pense vraiment la population. Une chose est sûre : entre pénuries et sanctions, la lumière reste un luxe hors de portée pour beaucoup.
Rogoun : Entre Espoir et Mirage
Si Rogoun tient ses promesses, le Tadjikistan pourrait non seulement subvenir à ses besoins, mais aussi exporter de l’énergie. Un rêve ambitieux pour un pays enclavé, coincé entre la Chine et l’Afghanistan. Pourtant, les experts doutent : le barrage, déjà en chantier depuis des décennies, accumule les retards.
Critère | Détail |
Hauteur | 335 mètres |
Puissance | 3 600 mégawatts |
Coût estimé | +6 milliards $ |
Entre inflation des coûts et défis techniques, Rogoun ressemble parfois plus à un mirage qu’à une solution concrète. Et pendant ce temps, la crise s’éternise.
Un Avenir dans le Noir ?
Alors que le gouvernement brandit la menace de la prison, la vraie question reste en suspens : comment sortir de cette spirale ? Punir les fraudeurs peut-il vraiment compenser des décennies de sous-investissement ? Ou le Tadjikistan est-il condamné à attendre un “palais de lumière” qui tarde à briller ?
Pour l’heure, les habitants oscillent entre espoir et résignation. La centrale de Rogoun, si elle voit le jour, pourrait changer la donne. Mais en attendant, la lumière reste faible, et les sanctions, elles, tombent comme un couperet.
Un pays où l’électricité est un luxe, et la fraude, un crime.