Et si l’Afrique de l’Ouest, jadis unie sous une même bannière économique, volait en éclats ? La question taraude les esprits alors que trois nations sahéliennes, portées par des juntes militaires, ont tourné le dos à leur alliance régionale. Face à cette fracture, deux voix s’élèvent, pleines d’espoir et de pragmatisme, pour tenter de recoller les morceaux avant qu’il ne soit trop tard.
Une Crise qui Secoue la Région
Depuis quelques années, le Sahel est devenu le théâtre d’une instabilité croissante. Entre 2020 et 2023, des coups d’État ont renversé les gouvernements en place au Mali, au Burkina Faso et au Niger, installant des régimes militaires qui promettaient de rétablir l’ordre face au chaos jihadiste. Mais loin de renforcer leur position, ces pays ont choisi de s’éloigner d’une organisation clé : la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, plus connue sous le nom de Cedeao.
Ce divorce, officialisé le 29 janvier dernier, a marqué la fin d’un an de tensions. À l’origine ? Un mélange explosif de frustrations, d’accusations et de divergences stratégiques. Pourtant, mercredi, deux chefs d’État voisins ont décidé de tendre la main, convaincus que l’unité reste la meilleure arme contre les défis qui menacent la sous-région.
Un Appel à l’Unité depuis Abidjan
Lors d’une rencontre à Abidjan, le président ivoirien et son homologue ghanéen ont pris la parole avec une ambition claire : ramener leurs voisins sahéliens dans le giron de la Cedeao. « Je veux jouer un rôle de pont, faciliter le dialogue pour qu’ils restent avec nous et avancent vers une démocratie stable », a déclaré le leader ghanéen, en poste depuis janvier. Une déclaration qui résonne comme une bouée de sauvetage dans une région en pleine tempête.
Nous sommes prêts à les aider à combattre le terrorisme, car si la maison de votre voisin brûle, il faut l’éteindre avant que le feu n’atteigne la vôtre.
– Une source proche du président ghanéen
Le président ivoirien, de son côté, a appuyé cet appel avec ferveur. « Nous partageons bien plus de points communs que de différences », a-t-il insisté, soulignant l’importance d’une solidarité régionale face aux crises multiples : insécurité, terrorisme, et même économie.
Pourquoi le Sahel a Tourné le Dos
Pour comprendre cette rupture, il faut remonter à juillet 2023. Un coup d’État au Niger, dernier d’une série dans le Sahel, a mis le feu aux poudres. La Cedeao, fidèle à sa ligne dure, a réagi en menaçant d’intervenir militairement et en imposant des sanctions économiques sévères. Si ces mesures ont fini par être levées, le mal était fait. Les trois pays, unis sous la bannière de l’Alliance des États du Sahel (AES), ont dénoncé une organisation qu’ils jugent inefficace contre le terrorisme et trop alignée sur des puissances étrangères.
Leur départ, annoncé en janvier 2024, n’a surpris personne. « C’est irréversible », ont martelé les juntes, malgré les efforts de médiation menés par d’autres nations ouest-africaines. Mais derrière cette fermeté, les défis persistent : insécurité galopante, populations vulnérables et une économie fragilisée.
Terrorisme : un Ennemi Commun
Si les désaccords sont nombreux, un ennemi unit malgré tout ces nations : le terrorisme jihadiste. Dans le Sahel, les groupes armés continuent de semer la terreur, déstabilisant des communautés entières. Face à cette menace, le président ghanéen a adopté une métaphore frappante : un incendie chez le voisin finit toujours par menacer votre propre maison. Une manière de rappeler que la coopération est essentielle.
- Solidarité régionale : Une aide concrète pour lutter contre les groupes armés.
- Stabilité : Restaurer la confiance pour une transition démocratique.
- Prévention : Éviter que le chaos ne s’étende aux pays côtiers.
Le président ivoirien, lui, mise sur la confiance accordée à son homologue pour convaincre les juntes. « Il faut agir pour l’avenir des peuples ouest-africains », a-t-il lancé, un plaidoyer vibrant pour une région unie.
Économie et Cacao : un Autre Défi
Outre la sécurité, la rencontre d’Abidjan a aussi porté sur des enjeux économiques. Côte d’Ivoire et Ghana, leaders mondiaux de la production de cacao, cherchent à renforcer leur coopération. Une stratégie vitale alors que les deux pays font face à des pressions internationales et à des fluctuations de marché. « Nous devons protéger nos intérêts communs », a glissé une source proche des discussions.
Pays | Production cacao | Défis |
Côte d’Ivoire | 40 % mondiale | Prix instables |
Ghana | 20 % mondiale | Concurrence |
Cette alliance économique pourrait aussi servir de levier pour convaincre les pays sahéliens de revenir. Car au-delà des armes, c’est bien la prospérité qui peut stabiliser la région.
L’Ombre de l’Aide Américaine
Un autre sujet a émergé lors de cette rencontre : le gel de l’aide américaine au développement, décidé par la nouvelle administration aux États-Unis. Une décision qui inquiète, notamment dans le domaine de la santé. « Chaque pays a le droit de choisir ses partenaires, mais nous devons apprendre à compter sur nous-mêmes », a réagi le président ghanéen, pragmatique.
Le leader ivoirien, plus optimiste, a assuré que des mesures étaient déjà en place pour pallier cette baisse. « Nous sommes confiants, les États-Unis restent un allié », a-t-il ajouté, espérant un retour rapide à la normale après un audit en cours.
Et Maintenant ?
La balle est désormais dans le camp des juntes sahéliennes. Accepteront-elles cette main tendue ou persisteront-elles dans leur isolement ? Les prochains mois seront décisifs. Le président ghanéen a d’ores et déjà annoncé son intention de se rendre dans les trois pays pour plaider sa cause. Une mission risquée, mais essentielle.
L’Afrique de l’Ouest est à un tournant. Entre unité et division, le choix des prochains jours pourrait redessiner la carte régionale pour des décennies.
En attendant, les peuples de la région retiennent leur souffle. Car au-delà des discours, c’est leur avenir qui se joue dans ce bras de fer diplomatique.