Imaginez-vous vivre dans une maison sans eau ni électricité, à 80 ans, parce que votre pension ne suffit pas à payer un loyer. C’est la réalité d’Antonio, un retraité lisboète, victime d’une crise du logement qui frappe le Portugal de plein fouet. Dans un pays où les prix de l’immobilier ont bondi de 124 % en dix ans, des milliers de personnes peinent à trouver un toit. Cette situation, parmi les plus préoccupantes en Europe, révèle un déséquilibre criant entre salaires modestes et loyers exorbitants.
Une Crise Immobilière Hors de Contrôle
Depuis 2011, le Portugal est devenu une destination prisée pour les investisseurs étrangers. Attirés par des visas dorés et des avantages fiscaux, ces derniers ont massivement investi dans l’immobilier, faisant grimper les prix à une vitesse vertigineuse. Selon les données d’Eurostat, les prix des logements ont augmenté de 124 % entre 2015 et 2025, contre une moyenne de 53 % dans l’Union européenne. Au premier trimestre 2025, une nouvelle hausse record de 16 % a été enregistrée, exacerbée par des politiques comme la baisse des taux d’intérêt et des garanties publiques pour les prêts immobiliers.
Cette flambée touche particulièrement les grandes villes comme Lisbonne, où les loyers sont devenus inabordables pour une grande partie de la population. Avec un parc de logements sociaux représentant moins de 2 % des foyers, les solutions pour les plus vulnérables sont rares. Les locations touristiques de courte durée, en plein essor, réduisent encore davantage l’offre de logements disponibles pour les résidents.
Des Victimes au Cœur de la Crise
Antonio, aide-cuisinier à la retraite, incarne le visage humain de cette crise. Avec une pension d’environ 500 euros, il ne peut assumer un loyer de 400 à 500 euros pour une simple chambre. Après avoir été expulsé de son appartement, racheté par des investisseurs étrangers, il s’est installé dans une maison abandonnée, sans commodités de base. Sa situation illustre une réalité dramatique : même les personnes ayant travaillé toute leur vie peinent à se loger décemment.
“Comment payer un loyer de 400 ou 500 euros pour une chambre ? L’âge avance et j’ai peur.”
Antonio, retraité lisboète
Carlos, un jardinier municipal de 55 ans, partage un sort similaire. Après la résiliation de son bail suite au décès de sa mère, il vit depuis cinq ans dans un container entouré de chantiers. Avec un salaire d’environ 1 000 euros, il ne trouve rien à moins de 800 euros. Cette situation, où même un salaire stable ne suffit pas à couvrir un loyer, reflète l’absurdité du marché immobilier portugais.
Dans un pays où 70 % de la population est propriétaire, les locataires, souvent les plus précaires, sont les premières victimes de cette crise.
Les Causes Profondes de l’Envolée des Prix
Plusieurs facteurs expliquent cette crise. Tout d’abord, les visas dorés, lancés en 2011, ont attiré des investisseurs étrangers en quête de résidences secondaires ou de placements lucratifs. Ces programmes, combinés à des avantages fiscaux pour les retraités européens et les nomades numériques, ont transformé des quartiers entiers de Lisbonne et Porto en zones inaccessibles pour les locaux.
Ensuite, l’essor des locations touristiques, comme celles proposées sur des plateformes de type Airbnb, a réduit l’offre de logements à long terme. Dans les grandes villes, de nombreux propriétaires préfèrent louer à des touristes pour des séjours courts, plus rentables. Cette dynamique prive les résidents d’options abordables et accentue la pression sur le marché locatif.
Enfin, la faible proportion de logements sociaux limite les alternatives pour les ménages à faibles revenus. Avec moins de 2 % du parc immobilier dédié au logement public, le Portugal se classe parmi les pays les moins dotés en Europe dans ce domaine.
Les Réponses du Gouvernement : Suffisantes ?
Face à cette situation, le gouvernement portugais, reconduit en mai 2025, a fait de la crise du logement une priorité. Parmi les mesures annoncées, on note la construction de 60 000 logements sociaux, la simplification des aides à la location, la conversion d’immeubles publics vacants et des incitations fiscales pour accélérer la rénovation et la construction.
Ces initiatives, bien qu’ambitieuses, sont critiquées par certains experts. Luis Mendes, chercheur à l’Institut de géographie et d’aménagement du territoire, met en garde contre une “illusion de l’offre”. Selon lui, augmenter le nombre de logements sans réguler le marché risque de surchauffer davantage les prix, au profit des promoteurs immobiliers.
“Ce n’est pas avec davantage de logements que cette crise va se régler, car cela risque de surchauffer le marché.”
Luis Mendes, chercheur
L’association des locataires lisboètes partage cet avis, dénonçant un manque de courage politique pour réguler les loyers et les locations touristiques. Même la Commission européenne recommande des mesures plus fermes, comme une régulation des loyers pour protéger les plus vulnérables et un encadrement des locations de courte durée.
Une Mobilisation Citoyenne Croissante
Face à l’inaction perçue des autorités, la société civile se mobilise. Un collectif pour le droit au logement a appelé à des manifestations dans une douzaine de villes portugaises ce week-end. Ces rassemblements visent à alerter sur l’urgence de la situation et à exiger des mesures concrètes, comme une meilleure régulation du marché et un accès élargi aux logements sociaux.
Les citoyens, qu’ils soient locataires, retraités ou travailleurs précaires, expriment un ras-le-bol général. La hausse continue des prix immobiliers, combinée à des salaires stagnants, crée un sentiment d’injustice. Pour beaucoup, le rêve d’un logement stable s’éloigne, remplacé par la peur de l’exclusion.
Facteurs de la crise | Impact |
---|---|
Visas dorés | Afflux d’investisseurs étrangers, hausse des prix |
Locations touristiques | Réduction des logements disponibles pour les résidents |
Faible parc social | Manque d’options pour les ménages modestes |
Vers une Solution Durable ?
Résoudre la crise du logement au Portugal nécessitera une approche multidimensionnelle. Voici quelques pistes envisagées :
– Régulation des loyers : Limiter les hausses pour protéger les locataires les plus vulnérables.
– Encadrement des locations touristiques : Réduire leur impact sur le marché locatif à long terme.
– Investissement dans le logement social : Augmenter le parc public pour offrir des alternatives abordables.
– Révision des visas dorés : Revoir les incitations fiscales pour limiter la spéculation immobilière.
Ces mesures, si elles sont appliquées avec rigueur, pourraient redonner espoir à des milliers de Portugais. Cependant, le temps presse. Année après année, les records immobiliers se succèdent, et les plus précaires en payent le prix fort.
La crise du logement au Portugal n’est pas seulement une question économique : elle touche à la dignité humaine. Des personnes comme Antonio et Carlos méritent mieux qu’une maison abandonnée ou un container. La mobilisation citoyenne et les pressions internationales pourraient enfin pousser les autorités à agir. Mais combien de temps faudra-t-il attendre pour que chacun ait un toit ?