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Crise du Coton au Burkina : Impact des Violences

Les violences jihadistes bouleversent le Burkina Faso, détruisant la filière coton. Des agriculteurs abandonnent leurs champs, luttant pour survivre. Quel avenir pour ce secteur vital ? Lisez pour découvrir...

Dans les vastes plaines du Burkina Faso, où le coton blanc a longtemps été une source de fierté et de subsistance, une ombre s’étend. Les violences jihadistes, qui sévissent depuis près d’une décennie, bouleversent la vie des agriculteurs et menacent un secteur économique clé. Comment une nation, autrefois pilier de la production cotonnière en Afrique, peut-elle surmonter une crise qui touche des millions de foyers ? Cet article explore les défis auxquels font face les producteurs, les conséquences économiques et les tentatives de résistance dans un contexte d’insécurité croissante.

Le Coton, Pilier Fragilisé d’une Nation

Le Burkina Faso, surnommé le « pays de l’or blanc », figure parmi les leaders africains de la production de coton. Ce secteur représente environ 4 % du PIB et 14 % des recettes d’exportation, des chiffres qui soulignent son importance vitale. Pourtant, la filière est en chute libre, frappée par une insécurité grandissante qui pousse les agriculteurs à abandonner leurs terres. En un an seulement, la production a plongé de 26 %, passant de 386 794 tonnes en 2023 à 286 623 tonnes en 2024.

Pour des millions de Burkinabè, le coton n’est pas seulement une culture : c’est un mode de vie. Environ 4 millions de personnes, sur une population de 23 millions, dépendent directement ou indirectement de cette filière. Mais les attaques répétées des groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique ont transformé les champs en zones à risque, rendant l’agriculture presque impossible dans certaines régions.

Une Insécurité qui Étouffe les Agriculteurs

Dans l’est du pays, autour de Fada N’Gourma, les récits des producteurs de coton sont empreints de désespoir. Les attaques jihadistes, qui se multiplient depuis 2018, ont forcé des milliers d’agriculteurs à fuir leurs terres. En quatre ans, plus de 32 000 exploitations cotonnières ont été abandonnées dans cette région. Les champs, autrefois verdoyants, sont aujourd’hui laissés à l’abandon, envahis par les herbes ou, pire, transformés en champs de bataille.

« Avant, on était enviés car le coton marchait bien. Mais aujourd’hui, on peine à vivre. »

Laurent Koadima, producteur de coton

Laurent, 48 ans, incarne cette lutte quotidienne. Père de famille, il a vu ses terres cultivables réduites à néant par l’insécurité. L’an dernier, il n’a rien récolté. Pour subvenir aux besoins de sa famille, il s’est tourné vers des petits travaux et un commerce de fortune. Mais ces revenus précaires ne suffisent pas : deux de ses enfants ont dû abandonner l’école, un sacrifice douloureux qui reflète la gravité de la situation.

Issa Lompo, un autre producteur de 38 ans, partage un constat similaire. Ses champs, situés dans l’est du Burkina, sont sa seule source de revenus pour ses sept enfants. Mais l’insécurité rend l’accès aux terres dangereux, et les récoltes deviennent de plus en plus incertaines. « L’insécurité a fortement affecté la production cotonnière », confie-t-il, la voix lourde de résignation.

L’Effondrement des Entreprises Cotonnières

Les répercussions de cette crise ne se limitent pas aux agriculteurs. Les entreprises cotonnières, piliers de l’économie locale, subissent également des pertes colossales. À Fada N’Gourma, une société cotonnière majeure a récemment pris une décision radicale : licencier l’ensemble de son personnel, permanents comme saisonniers, en raison d’un manque d’activité persistant depuis trois ans. Autrefois capable de produire 80 000 tonnes de coton par an, cette entreprise n’a atteint que 3 000 tonnes en 2024, un effondrement spectaculaire.

Ce déclin n’est pas isolé. À l’échelle nationale, la filière cotonnière est confrontée à des défis structurels aggravés par l’insécurité. Les difficultés d’approvisionnement en intrants agricoles, comme les engrais et les pesticides, ainsi que la hausse des coûts de transport maritime, fragilisent encore davantage le secteur. Dans un pays enclavé comme le Burkina Faso, ces contraintes logistiques pèsent lourd sur une industrie déjà à bout de souffle.

Des Agriculteurs Contraints de Changer de Vie

Face à l’impossibilité de cultiver, de nombreux agriculteurs se tournent vers d’autres activités pour survivre. Certains se reconvertissent dans l’élevage, d’autres dans le petit commerce. Mais ces alternatives, souvent précaires, ne compensent pas la perte de revenus issus du coton. « Ceux qui ont perdu leurs champs se sont reconvertis, mais ce n’est pas suffisant », explique Issa Lompo, soulignant la difficulté de s’adapter dans un contexte économique aussi instable.

Pour beaucoup, cette transition forcée est un déchirement. Le coton, au-delà de son rôle économique, est profondément ancré dans la culture et l’identité burkinabè. Abandonner les champs, c’est renoncer à un héritage, à une manière de vivre transmise de génération en génération.

Les chiffres clés de la crise :

  • 26 % : Baisse de la production nationale de coton entre 2023 et 2024.
  • 32 000 : Exploitations cotonnières perdues dans l’est du pays en quatre ans.
  • 4 millions : Personnes dépendant de la filière cotonnière.
  • 3 000 tonnes : Production d’une entreprise cotonnière en 2024, contre 80 000 tonnes auparavant.

Les Défis Logistiques et Économiques

Outre l’insécurité, la filière cotonnière fait face à des obstacles logistiques majeurs. L’acheminement des intrants agricoles, essentiels pour maintenir des rendements corrects, est devenu un casse-tête. Les routes, souvent contrôlées par des groupes armés, rendent les livraisons risquées et coûteuses. De plus, la hausse des coûts du fret maritime complique l’exportation de la fibre de coton, principalement destinée aux marchés asiatiques.

En 2023, l’Association interprofessionnelle du coton du Burkina a alerté sur ces difficultés, soulignant que les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement fragilisent l’ensemble du secteur. Les producteurs, déjà sous pression, peinent à accéder aux ressources nécessaires pour maintenir leurs cultures. « La filière prend des coups année après année », déplore Moussa Barro, un producteur confronté à ces défis.

Les Efforts pour Sauver la Filière

Face à cette crise, le gouvernement burkinabè tente de soutenir les producteurs. En 2025, des subventions d’un montant de 5 milliards de francs CFA (environ 7,6 millions d’euros) ont été allouées pour faciliter l’achat d’intrants agricoles. Cette mesure, bien que bienvenue, semble insuffisante face à l’ampleur du problème. Les agriculteurs, confrontés à des menaces directes sur leur sécurité, ont besoin de solutions plus globales pour reprendre leurs activités.

Le régime militaire, en place depuis le coup d’État de septembre 2022, a fait de la reconquête du territoire une priorité. Cependant, les violences jihadistes continuent de faire des ravages, avec plus de 26 000 morts recensés ces dernières années, dont la moitié au cours des trois dernières années. Cette instabilité chronique rend difficile toute tentative de relance durable du secteur cotonnier.

Un Avenir Incertain pour l’Or Blanc

Le coton burkinabè, autrefois symbole de prospérité, est aujourd’hui au cœur d’une crise sans précédent. Les agriculteurs, privés de leurs terres et de leurs moyens de subsistance, luttent pour survivre. Les entreprises, incapables de maintenir leurs activités, licencient en masse. Et l’économie nationale, fortement dépendante des exportations de coton, vacille sous le poids de l’insécurité.

Pourtant, au milieu de ce chaos, des voix s’élèvent pour appeler à la résilience. Les producteurs, soutenus par des subventions et des initiatives locales, tentent de s’adapter. Mais sans une stabilisation de la situation sécuritaire, l’avenir de la filière reste incertain. Le Burkina Faso parviendra-t-il à reconquérir ses champs et à redonner vie à son or blanc ? L’enjeu est de taille, non seulement pour les agriculteurs, mais pour l’ensemble d’une nation en quête de stabilité.

Indicateur Chiffres clés
Production nationale 2023 386 794 tonnes
Production nationale 2024 286 623 tonnes
Exploitations perdues 32 000
Subventions 2025 5 milliards FCFA

La crise du coton au Burkina Faso est plus qu’un problème économique : elle touche au cœur de l’identité d’un peuple. Les agriculteurs, malgré les défis, continuent de chercher des solutions, portés par l’espoir d’un avenir meilleur. Mais pour que cet espoir se concrétise, il faudra bien plus que des subventions : une paix durable est essentielle pour redonner vie aux champs de coton.

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