Nos liens sociaux se délitent, nos opinions se polarisent, nos identités s’affrontent… Sommes-nous encore capables de faire société ? C’est la question que pose le philosophe Pierre-Henri Tavoillot dans son dernier ouvrage “Voulons-nous encore vivre ensemble ?”, où il dresse le constat alarmant d’une “crise du commun” qui traverse tous les aspects de nos existences.
Quand le quotidien devient un champ de bataille
Du simple repas de famille à la sphère professionnelle en passant par la vie de couple, aucun pan de nos vies n’échappe désormais aux frictions et aux conflits, alerte Pierre-Henri Tavoillot. Là où régnait autrefois un consensus minimal, s’imposent maintenant des “querelles qui vont au-delà des disputes classiques”.
Désormais, c’est sur le genre, sur la masculinité, sur la nature, sur la Palestine… Tous les domaines du quotidien sont cernés par la méfiance.
Pierre-Henri Tavoillot
Cette tendance n’a fait que s’accentuer avec la crise sanitaire et les confinements, qui ont agi comme un “révélateur” de notre difficulté grandissante à coexister pacifiquement. Un phénomène qu’on retrouve à toutes les échelles de la société.
L’émiettement du corps social
Communautarisme, repli identitaire, montée des extrêmes… Nombreux sont les symptômes de cet “émiettement du corps social” diagnostiqué par le philosophe. Notre incapacité à dépasser nos différences pour faire société serait la conséquence de plusieurs évolutions :
- L’individualisme, qui nous pousse à privilégier nos intérêts particuliers au détriment du bien commun.
- Le consumérisme, qui réduit les citoyens à de simples consommateurs sans conscience du collectif.
- La fin des grandes idéologies fédératrices comme la religion ou le progrès, qui offraient un horizon partagé.
Il en résulte un “déficit de commun”, une perte des repères et du sentiment d’appartenance qui cimentaient autrefois la société. Un vide que tentent de combler différents groupes et communautés, souvent de façon conflictuelle.
Recréer du lien à l’heure des passions tristes
Face à ce sombre tableau, Pierre-Henri Tavoillot refuse cependant de céder au pessimisme. Pour lui, il est urgent mais pas trop tard de “réinvestir nos lieux de vie commune” et de retisser des liens qui ne soient pas seulement utilitaires ou consuméristes.
Il nous faut réapprendre à nous écouter, à débattre sans nous déchirer, à construire des compromis. C’est un travail de tous les jours, qui passe par une réappropriation du politique.
Pierre-Henri Tavoillot
Un vaste chantier qui engage la responsabilité de chacun, des citoyens jusqu’aux élus en passant par les corps intermédiaires. Avec l’espoir, à terme, de faire renaître un “commun désirable” où il fait à nouveau bon vivre ensemble. Un défi existentiel pour nos démocraties.