La crise qui secoue actuellement le parti Les Républicains dépasse largement le cadre d’un simple jeu d’appareil ou d’un choc d’egos. Sous nos yeux se joue peut-être l’avenir de la droite française, voire la possible émergence d’un véritable bloc souverainiste en Europe. Au cœur de ce séisme politique, un homme cristallise tous les regards : Éric Ciotti, le président contesté de LR.
Éric Ciotti, traître ou visionnaire ?
Qualifié de renégat par une partie du bureau politique de son parti pour avoir appelé à une alliance avec le Rassemblement National, Éric Ciotti serait-il en réalité un fin stratège, le seul à avoir saisi les enjeux de la recomposition politique en cours ? C’est la thèse défendue par certains observateurs pour qui le député des Alpes-Maritimes, loin d’être un traître, serait au contraire en train de forcer les portes d’un nouveau monde.
Un monde où l’Occident voit son hégémonie contestée par les autres grands blocs civilisationnels que sont la Chine, la Russie, l’Islam ou encore l’Afrique. Face à ces défis, la réponse ne peut être que politique et passe par la constitution de forces capables de défendre la souveraineté nationale.
L’hégémon, concept clé du nouveau monde
C’est là qu’intervient le concept d’hégémon, cette capacité pour un courant politique à imposer ses vues et incarner un projet clair. Si la gauche et le centre ont bien compris cet impératif, en témoigne leur conversion au fédéralisme européen, la droite classique, elle, semble peiner à intégrer cette donnée. Englué dans une morale politique bourgeoise réfractaire au Rassemblement National, le parti LR se priverait ainsi de la possibilité de peser véritablement dans le débat public.
Tant que le RN n’accède pas au pouvoir, il n’y aura pas de recomposition de la vie politique à droite, pour des raisons purement dialectiques.
Frédéric Saint Clair, écrivain et politiste
LR coincé par sa morale politique bourgeoise
En s’arc-boutant sur son refus de toute alliance avec le RN, Les Républicains se condamneraient à terme à la marginalisation. C’est du moins ce que semble penser Éric Ciotti. Pour ce dernier, les piètres scores enregistrés par la droite lors des dernières élections européennes, malgré une bonne campagne, traduisent un profond décalage entre la ligne politique du parti et les attentes d’un électorat qui se détourne progressivement.
Vers une alliance souverainiste en Europe ?
En tentant un rapprochement avec le RN, quitte à provoquer un séisme interne, Éric Ciotti mise sur le long terme. L’objectif : constituer un bloc des droites capable de faire barrage aux projets fédéralistes et woke portés par le centre et la gauche. Une alliance souverainiste dont les effets pourraient se faire sentir bien au-delà de nos frontières.
Car in fine, c’est bien la question de l’influence française et européenne dans le nouvel ordre mondial qui se joue en filigrane de cette crise. En œuvrant à l’émergence d’un courant politique décomplexé sur les questions de souveraineté, Éric Ciotti entend redonner à la France une voix singulière sur la scène internationale.
Putsch et contre-putsch chez LR
Reste que cette stratégie se heurte pour l’instant à de vives résistances en interne. Le bureau politique des Républicains a ainsi décidé de lancer un putsch contre son président. Un putsch auquel ce dernier entend bien répondre, avec méthode, dans les prochains jours.
L’issue de ce bras de fer sera lourde de conséquence. Elle décidera non seulement de l’avenir des Républicains en tant que force politique, mais aussi et surtout de la possible émergence d’un véritable hégémon souverainiste en France et en Europe. Un enjeu dont l’importance semble encore échapper à certains caciques de LR, prisonniers d’une vision politique datée.
La crise qui agite aujourd’hui la droite nous offre donc une formidable leçon de politique. Derrière les querelles d’appareil se cachent en réalité des questions éminemment stratégiques, qui engagent notre avenir collectif. En tentant, au prix d’un putsch interne, d’imposer sa vision, Éric Ciotti joue un coup risqué. Mais c’est aussi peut-être le seul moyen pour la droite de redevenir, enfin, un acteur central du jeu politique national et européen.
