Imaginez-vous contraint de quitter un pays que vous considérez comme le vôtre, pour être renvoyé dans un lieu inconnu, déchiré par la pauvreté et l’oppression. C’est la réalité de millions d’Afghans expulsés du Pakistan, qui, malgré les dangers, choisissent de revenir clandestinement. Leur histoire est celle d’une lutte acharnée pour la survie, dans un contexte où la crise humanitaire afghane, la deuxième plus grave au monde, pousse des familles entières à risquer tout ce qu’elles ont pour un avenir meilleur. Cet article explore les raisons de ces retours, les défis rencontrés et les dynamiques complexes de la migration dans une région en proie à l’instabilité.
Une Expulsion Massive aux Conséquences Humaines
Depuis près de deux ans, le Pakistan a intensifié ses efforts pour expulser les Afghans résidant sur son territoire. Selon les autorités, plus d’un million de personnes ont été renvoyées en Afghanistan, souvent dans des conditions brutales. Ces expulsions, lancées à grande échelle, visent à répondre à des préoccupations sécuritaires et économiques, mais elles soulèvent des questions éthiques majeures. Les Afghans, dont beaucoup n’ont jamais connu leur pays d’origine, se retrouvent plongés dans un environnement hostile, marqué par une pauvreté extrême et des restrictions sévères, notamment pour les femmes et les filles.
Pour beaucoup, l’Afghanistan représente un cul-de-sac. Avec 85 % de la population vivant avec moins d’un dollar par jour, trouver un emploi ou subvenir aux besoins d’une famille est quasi impossible. À cela s’ajoute l’interdiction, imposée par les talibans, de l’éducation pour les filles au-delà du primaire, rendant le retour insupportable pour de nombreux parents. Face à cette réalité, le choix de revenir au Pakistan, même illégalement, devient une question de survie.
Des Retours Clandestins à Haut Risque
Le parcours de retour est semé d’embûches. Prenons l’exemple d’Hayatullah, un père de famille de 46 ans. Arrêté à Islamabad, il a été expulsé vers l’Afghanistan via le poste-frontière de Torkham. Un mois plus tard, il était de retour au Pakistan, après avoir versé un pot-de-vin à Chaman, une frontière située à 800 kilomètres au sud. Ce type de corruption, bien que risqué, est monnaie courante pour les journaliers afghans qui traversent régulièrement la frontière pour travailler.
« Il n’y a aucun moyen de gagner sa vie en Afghanistan, et mes filles ne peuvent pas aller à l’école. Rester là-bas, c’est condamner ma famille à mort. »
Hayatullah, père de famille afghan
Sa femme et ses trois enfants, restés au Pakistan, ont échappé aux rafles policières. Pour éviter d’être repérés, ils se sont installés à Peshawar, une ville du nord-ouest où la population pachtoune, majoritaire en Afghanistan, offre un semblant de sécurité. Cette région, dirigée par un parti d’opposition, est perçue comme un refuge relatif face à la répression exercée ailleurs dans le pays.
Peshawar : Un Havre Précaire pour les Réfugiés
Peshawar, capitale de la province du Khyber-Pakhtunkhwa, attire de nombreux Afghans fuyant les persécutions. Contrairement à Islamabad, où la police traque activement les migrants, cette ville offre une certaine tolérance. Cette situation s’explique en partie par la politique locale, marquée par l’opposition au gouvernement central. Les Afghans y trouvent une communauté accueillante et des opportunités économiques, bien que précaires.
Samad Khan, 38 ans, incarne cette quête d’un nouveau départ. Né à Lahore, il n’avait jamais mis les pieds en Afghanistan avant son expulsion. Après quelques semaines dans un pays qu’il décrit comme « mort », il a payé 50 000 roupies (environ 150 euros) pour revenir au Pakistan. À Peshawar, il a ouvert un commerce de chaussures d’occasion, une activité qui lui permet de subvenir aux besoins de sa famille.
« En Afghanistan, tout est mort. Pas d’emploi, pas de salaire, et des talibans hyper stricts. »
Samad Khan, migrant afghan
Son histoire illustre une réalité plus large : les Afghans expulsés ne se résignent pas à l’exil forcé. Ils reviennent, souvent au prix de lourds sacrifices financiers et humains, pour échapper à un pays où les perspectives sont quasi inexistantes.
Une Crise Humanitaire Sans Fin
La situation en Afghanistan est désastreuse. Classée comme la deuxième plus grande crise humanitaire mondiale, elle pousse des millions de personnes à chercher refuge ailleurs. Les restrictions imposées par les talibans, combinées à une pauvreté écrasante, rendent la réintégration des rapatriés presque impossible. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), les Afghans renvoyés se retrouvent dans des zones où l’accès aux services de base, comme l’éducation ou la santé, est extrêmement limité.
Avand Azeez Agha, responsable de la communication de l’OIM à Kaboul, explique :
« Les gens veulent des opportunités durables, or leur réintégration en Afghanistan est difficile. »
Avand Azeez Agha, OIM
Face à ce constat, beaucoup choisissent de retourner au Pakistan, malgré les risques d’arrestation ou de nouvelle expulsion. Les chiffres exacts de ces retours restent flous, mais des sources locales estiment que des centaines de milliers d’Afghans pourraient être revenus dans la province du Khyber-Pakhtunkhwa.
Les Défis de l’Intégration et de la Clandestinité
Revenir au Pakistan ne garantit pas une vie meilleure. Les Afghans vivent souvent dans la peur constante d’être arrêtés. Les autorités pakistanaises ont renforcé les contrôles, annulant les cartes de résidence de nombreux migrants, les transformant en clandestins du jour au lendemain. Cette précarité oblige les familles à se déplacer fréquemment, à l’image d’Hayatullah, qui a fui Islamabad pour Peshawar.
Pourtant, certains réussissent à s’adapter. À Peshawar, les Afghans comme Samad Khan parviennent à monter de petites entreprises, souvent avec l’aide de réseaux communautaires. Ces initiatives, bien que fragiles, témoignent d’une résilience remarquable face à l’adversité.
Résumé des défis rencontrés par les Afghans :
- Pauvreté extrême : 85 % des Afghans vivent avec moins d’un dollar par jour.
- Restrictions éducatives : Interdiction de l’école pour les filles après le primaire.
- Clandestinité : Risque d’arrestation et d’expulsion au Pakistan.
- Corruption : Paiement de pots-de-vin pour traverser les frontières.
Un Problème Régional aux Enjeux Globaux
La crise migratoire entre le Pakistan et l’Afghanistan dépasse les frontières des deux pays. Elle met en lumière les défis de la gestion des migrations dans un contexte de crises humanitaires et politiques. Les expulsions massives, bien qu’appuyées par des arguments de sécurité, aggravent la souffrance des populations vulnérables. En parallèle, l’absence de solutions durables en Afghanistan pousse les migrants à prendre des risques toujours plus grands.
Les organisations internationales, comme l’OIM, appellent à une approche plus humaine, qui tienne compte des réalités sur le terrain. Sans investissements dans l’éducation, l’emploi et les infrastructures en Afghanistan, le cycle des expulsions et des retours clandestins risque de se perpétuer.
Perspectives d’Avenir : Entre Espoir et Incertitude
Pour des familles comme celles d’Hayatullah et de Samad Khan, l’avenir reste incertain. Leur courage et leur détermination à offrir une vie meilleure à leurs enfants sont admirables, mais ils ne peuvent compenser l’absence de solutions structurelles. Les gouvernements, tant au Pakistan qu’en Afghanistan, doivent travailler avec la communauté internationale pour adresser les causes profondes de cette crise.
En attendant, les Afghans continuent de naviguer entre deux mondes : un pays d’origine où tout semble perdu, et un pays d’accueil où ils vivent dans l’ombre. Leur histoire est un rappel poignant des sacrifices que l’on fait pour la survie, et des limites des politiques migratoires actuelles.
Problème | Impact | Solution potentielle |
---|---|---|
Expulsions massives | Déstabilisation des familles, retour dans un pays en crise | Politiques migratoires plus humaines |
Pauvreté en Afghanistan | Incapacité à subvenir aux besoins de base | Investissements dans l’emploi et l’éducation |
Restrictions pour les filles | Privation d’éducation pour des générations | Plaidoyer pour les droits des femmes |
Les Afghans expulsés du Pakistan incarnent une lutte universelle : celle pour une vie digne, malgré les obstacles. Leur résilience force l’admiration, mais elle souligne aussi l’urgence d’une réponse collective à une crise qui ne peut être ignorée.