Imaginez un million de personnes entassées dans un camp, cherchant simplement à survivre. Et puis, en quelques jours seulement, tout bascule. Des tirs nourris, des explosions, des familles qui courent dans toutes les directions. C’est exactement ce qui s’est passé au camp de Zamzam, dans le Darfour-Nord, au printemps dernier.
Zamzam, l’un des plus grands camps de déplacés au monde, vidé en quelques jours
Avant avril 2025, Zamzam abritait jusqu’à un million d’âmes. Des familles qui fuyaient déjà les violences passées, des enfants nés dans la précarité, des personnes âgées qui pensaient avoir trouvé un refuge. Tout cela a volé en éclats entre le 11 et le 13 avril.
Les Forces de soutien rapide (FSR), ces paramilitaires en guerre contre l’armée régulière soudanaise depuis avril 2023, ont lancé une offensive massive. Le résultat ? Plus de 400 000 civils ont dû fuir à nouveau, laissant derrière eux un camp presque vide, selon les observation des Nations unies.
Des actes qualifiés de crimes de guerre par Amnesty International
Le rapport publié cette semaine par Amnesty International est accablant. L’organisation, après avoir recueilli les témoignages de 29 survivants, accuse sans détour les FSR d’avoir commis des crimes de guerre pendant ces trois jours d’horreur.
« Les FSR ont délibérément tué des civils, les ont pris en otages, ont pillé et détruit des mosquées, des écoles et des cliniques médicales »
Extrait du rapport Amnesty International
Ces violations, précise l’ONG, doivent faire l’objet d’une enquête internationale en tant que crimes de guerre au sens du droit international.
Des exécutions à bout portant et des bombardements indiscriminés
Les témoignages sont insoutenables. Alwya, une étudiante de 28 ans, raconte comment son cousin a été abattu sous ses yeux.
« Ils nous ont dit que si l’un de nous essayait de l’aider, ils nous tueraient aussi. »
Sadya, ancienne volontaire dans une ONG locale, se souvient d’un combattant posté sur un toit :
« Il tirait en l’air, puis sur n’importe qui dans la rue. »
Les images satellites analysées par Amnesty montrent des dizaines de cratères dans les quartiers d’habitation, preuves d’un usage intensif d’explosifs dans des zones densément peuplées.
Un mépris total pour la vie humaine
Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International, n’y va pas par quatre chemins :
« L’attaque de Zamzam a une fois de plus révélé au grand jour le mépris alarmant des FSR pour la vie humaine. »
Les paramilitaires avaient pourtant nié, à l’époque, avoir ciblé des civils. Les faits semblent dire exactement le contraire.
Zamzam n’est pas un cas isolé
Le camp fait partie des trois grands sites touchés par la famine autour d’El-Facher, la capitale du Darfour-Nord. Cette ville est tombée fin octobre aux mains des FSR. Des milliers de personnes ont depuis fui vers Tawila, à 70 km, où s’entassent désormais plus de 650 000 déplacés dans des conditions dramatiques.
Cette nouvelle vague de violence s’inscrit dans une guerre qui entre dans sa troisième année. Un conflit qui a déjà fait plusieurs dizaines de milliers de morts et des millions de déplacés.
La pire crise humanitaire au monde, selon l’ONU
L’Organisation des Nations unies ne mâche pas ses mots : le Soudan traverse actuellement la pire crise humanitaire de la planète. Famine, épidémies, destructions massives, déplacements forcés… tout y est.
Et pourtant, cette guerre reste largement oubliée des médias et de la communauté internationale. Comme si l’horreur, à force de durée, finissait par devenir banale.
Que peut-on espérer pour les survivants de Zamzam ?
Aujourd’hui, le camp est presque désert. Ceux qui ont pu fuir vivent dans la peur d’autres attaques. Ceux qui sont restés manquent de tout : nourriture, eau potable, soins.
Les appels à une enquête internationale se multiplient, mais dans un pays où deux forces armées s’affrontent sans retenue, la justice semble un luxe inaccessible.
Une chose est sûre : les images de Zamzam en ruines, les témoignages de Alwya et Sadya, les cratères sur les photos satellites… tout cela restera. Des preuves accablantes d’un nouveau chapitre noir dans l’histoire déjà tragique du Darfour.
Et pendant que le monde regarde ailleurs, des centaines de milliers de civils continuent de payer le prix le plus fort.









