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Crimes contre l’Humanité : Un Ex-Agent Syrien Écroué en France

Un ex-agent syrien vivant en France depuis des années vient d’être écroué pour crimes contre l’humanité. Il est soupçonné d’avoir participé aux pires exactions dans l’un des centres de torture les plus meurtriers du régime Assad. Comment a-t-il pu vivre librement parmi nous jusqu’à maintenant ? L’enquête révèle l’horreur…

Imaginez vivre à côté de quelqu’un qui, autrefois, aurait participé aux pires atrocités commises dans les geôles syriennes. Un voisin apparemment ordinaire qui, un jour, se retrouve menotté et conduit en prison pour crimes contre l’humanité. C’est exactement ce qui vient de se produire en France.

Un ancien membre des renseignements syriens mis en examen à Paris

Jeudi, le Parquet national antiterroriste a annoncé une nouvelle saisissante : un ressortissant syrien de 34 ans, né à Homs et résidant en France, a été placé en détention provisoire après avoir été mis en examen pour crimes contre l’humanité et complicité de tels crimes. Malik N. – c’est le nom sous lequel il est désigné – aurait appartenu à la fameuse branche 285 des services de renseignement de Damas, l’un des lieux les plus sinistres du système répressif syrien.

Arrêté mardi, il a passé 48 heures en garde à vue avant d’être présenté à un juge d’instruction. Les faits reprochés se seraient déroulés entre 2010 et 2013, période où le régime de Bachar al-Assad écrasait dans le sang les premières manifestations pacifiques du Printemps arabe.

La branche 285, un nom qui fait frissonner

Pour ceux qui suivent le conflit syrien depuis ses débuts, le numéro 285 n’est pas anodin. Les rapports de l’ONU le classent parmi les centres de détention ayant enregistré le plus grand nombre de décès de prisonniers dès les premiers mois de la répression en 2011.

Dans les sous-sols de ce bâtiment banal de Damas, des centaines de personnes étaient entassées dans des conditions inimaginables. Privés d’hygiène, de soins médicaux, soumis à des tortures quotidiennes, beaucoup n’en sont jamais ressortis vivants. Quand leur état devenait critique, ils étaient transférés dans des hôpitaux militaires… avant d’être enterrés dans des fosses communes.

« Des centaines de prisonniers étaient détenus dans le sous-sol de la branche 285 dans des conditions de détention inhumaines, privés d’hygiène et de soins médicaux »

Commission d’enquête internationale de l’ONU sur la Syrie

Dès juillet 2012, le directeur de cette branche figurait sur la liste des personnes sanctionnées par l’Union européenne. Le message était clair : ceux qui dirigeaient ou participaient au fonctionnement de ce centre savaient parfaitement ce qu’ils faisaient.

Des méthodes de torture documentées depuis plus de dix ans

Les organisations de défense des droits humains n’ont cessé d’alerter. Human Rights Watch, dès l’été 2012, publiait des témoignages glaçants sur les méthodes employées : passages à tabac, électrocutions, suspensions par les poignets, simulacres d’exécution. Des pratiques systématiques, appliquées à la chaîne.

Pire encore, plusieurs rapports indépendants ont recueilli des récits de viols et d’agressions sexuelles utilisés comme arme d’humiliation lors des interrogatoires. Des survivants, souvent brisés à jamais, ont décrit des scènes d’une violence insoutenable.

Ces témoignages, recoupés pendant des années, forment aujourd’hui la base des dossiers judiciaires ouverts un peu partout en Europe.

Comment tout a commencé : le signalement de l’OFPRA

L’histoire de Malik N. en France commence comme celle de milliers d’autres Syriens : une demande de protection internationale. Mais en octobre 2020, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) transmet un signalement au Parquet national antiterroriste.

Dans son dossier, des éléments laissent penser que le demandeur n’a rien d’une victime ordinaire du régime. Au contraire, il aurait pu en être un rouage. Une enquête préliminaire est ouverte immédiatement pour crimes contre l’humanité commis en Syrie entre 2010 et 2013.

Pendant quatre ans, les enquêteurs vont patiemment rassembler les preuves, croiser les informations, interroger d’anciens détenus, analyser les organigrammes des services de renseignement. Jusqu’au moment où le dossier est jugé suffisamment solide pour passer à l’action.

Une coopération judiciaire européenne exemplaire

Ce qui frappe dans cette affaire, c’est la qualité de la coopération entre plusieurs pays européens. L’Allemagne, la Suède, la Belgique, la Norvège et les Pays-Bas ont tous contribué à faire avancer l’enquête.

Depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre 2024, les langues se délient davantage. D’anciens prisonniers osent enfin parler ouvertement. Des documents sortent des tiroirs. Les pièces du puzzle se mettent en place, parfois à des milliers de kilomètres du lieu des crimes.

Cette collaboration montre que la juridiction universelle n’est plus une simple théorie : elle fonctionne, lentement mais sûrement.

Que risque concrètement l’accusé ?

En France, les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles et peuvent être jugés même s’ils ont été commis à l’étranger par un étranger contre des étrangers, dès lors que l’accusé réside sur le territoire national.

Malik N. encourt donc la réclusion criminelle à perpétuité. L’instruction qui s’ouvre maintenant peut durer plusieurs années. D’autres anciens membres des services syriens vivant en Europe pourraient être visés par des procédures similaires dans les mois à venir.

Un symbole fort après la chute du régime

Le timing n’est évidemment pas anodin. Un an presque jour pour jour après la chute de Damas, la justice commence à rattraper ceux qui pensaient avoir échappé à tout.

Pour les centaines de milliers de Syriens exilés en Europe, c’est un message d’espoir : personne ne pourra éternellement se cacher derrière un passeport obtenu sous une nouvelle identité. Pour les survivants des geôles du régime, c’est la possibilité, enfin, de voir leurs bourreaux répondre de leurs actes.

Et pour nous tous, c’est le rappel que la justice, même lente, même douloureuse, finit parfois par frapper à la porte.

À retenir :

  • Un Syrien de 34 ans résidant en France est écroué pour crimes contre l’humanité
  • Il est soupçonné d’avoir appartenu à la branche 285, l’un des pires centres de torture du régime Assad
  • Les faits reprochés datent de 2011-2013
  • L’enquête a bénéficié d’une coopération exemplaire entre plusieurs pays européens
  • La chute du régime en 2024 a accéléré la libération de la parole et des preuves

L’information judiciaire se poursuit. D’autres arrestations pourraient suivre. L’histoire, en tout cas, n’est pas terminée.

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