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Crash Rio-Paris : Condamnation Requise Contre Airbus et Air France

Seize ans après la disparition du vol Rio-Paris dans l’Atlantique, le parquet général vient de frapper fort : il demande la condamnation d’Airbus et Air France, relaxés en 2023. Les avocats généraux parlent d’« indécence » et veulent « remettre l’humain au centre ». La décision finale approche…

Imaginez-vous à bord d’un vol de nuit au-dessus de l’Atlantique, tout semble normal, puis soudain les alarmes retentissent et l’avion décroche sans que personne ne comprenne vraiment pourquoi. Le 1er juin 2009, 228 personnes ont vécu l’impensable à bord du vol AF447 Rio-Paris. Seize ans plus tard, la justice française pourrait enfin reconnaître une responsabilité pénale des deux géants de l’aéronautique.

Un réquisitoire sans concession en appel

Mercredi, à la cour d’appel de Paris, les deux avocats généraux ont pris la parole pendant près de cinq heures. Leur conclusion est claire : Airbus et Air France doivent être condamnés pour homicides involontaires. Ils ont demandé l’infirmation pure et simple du jugement de première instance qui avait relaxé les deux entreprises en avril 2023.

Le ton était grave. L’un des magistrats a qualifié d’« indécence » la ligne de défense adoptée par les prévenus durant le procès. Un mot fort, rarement entendu dans une salle d’audience, qui résume à lui seul la fracture entre les familles des victimes et les arguments techniques déployés par les avocats des sociétés.

« Nous requérons l’infirmation du jugement rendu qui a relaxé les prévenus »

Les avocats généraux

Que s’est-il réellement passé dans la nuit du 1er juin 2009 ?

L’Airbus A330 immatriculé F-GZCP décolle de Rio à 19 h 29 heure locale. À bord, 216 passagers et 12 membres d’équipage de 33 nationalités différentes. Quatre heures plus tard, en pleine zone de convergence intertropicale, les sondes anémométriques (les fameuses sondes Pitot) gèlent. Les informations de vitesse deviennent incohérentes.

Le pilote automatique se déconnecte. Les alarmes hurlent. En quelques minutes, l’avion décroche et tombe de 38 000 pieds jusqu’à l’impact avec l’océan. Personne ne survit. Les boîtes noires ne seront retrouvées que deux ans plus tard, au fond de l’Atlantique, à plus de 3 900 mètres de profondeur.

Le rapport final du BEA (Bureau d’Enquêtes et Analyses) pointe une combinaison de facteurs : givrage des sondes, réactions inadaptées de l’équipage face à la perte des indications de vitesse, et surtout un manque cruel de formation spécifique des pilotes à ce type de situation en haute altitude.

Les fautes reprochées à Airbus et Air France

Le parquet général ne remet pas en cause le professionnalisme des pilotes. Au contraire, il a tenu à le répéter : les trois membres d’équipage « ne sont en rien responsables de cet accident ». La faute, selon les magistrats, est antérieure au vol.

Pour Airbus, il est reproché d’avoir sous-estimé la gravité des incidents de givrage sur les sondes Thales AA (une trentaine d’événements similaires avaient été signalés avant 2009) et de ne pas avoir pris de mesures suffisamment rapides et fermes pour alerter les compagnies et imposer le remplacement par des sondes plus fiables.

Pour Air France, le grief est double : ne pas avoir anticipé le remplacement des sondes malgré les recommandations de l’EASA (Agence européenne de la sécurité aérienne) et, surtout, ne pas avoir formé correctement ses pilotes à la procédure « perte d’indications de vitesse fiable » en haute altitude – une manœuvre pourtant connue et enseignée… mais pas assez pratiquée.

« Cette condamnation doit résonner comme un avertissement »

Rodolphe Juy-Birmann, avocat général

Une peine symbolique mais lourde de sens

En droit français, une personne morale ne peut être condamnée qu’à une amende. Le maximum légal pour homicides involontaires est ici de 225 000 euros par société. Une somme dérisoire face aux milliards de chiffre d’affaires des deux groupes.

Mais l’enjeu n’est pas financier. L’avocat général l’a dit sans détour : condamner Airbus et Air France « jettera l’opprobre » sur ces fleurons industriels. C’est une question de reconnaissance de la faute, de mémoire pour les victimes et surtout de message envoyé à toute l’industrie aéronautique : la sécurité ne peut jamais être reléguée au second plan.

L’émotion palpable dans la salle d’audience

La salle était comble et d’un calme impressionnant. Des familles venues du Brésil, de France, d’Allemagne, d’Italie, du Liban… Beaucoup portent encore le deuil seize ans après. Certains ont suivi chaque jour d’audience depuis le début du procès en appel.

À la fin du réquisitoire, l’avocat général Rodolphe Juy-Birmann s’est directement adressé à elles :

« Seize années écoulées depuis le drame, c’est long, beaucoup trop long. On a été impressionnés de vous savoir là chaque jour, si proche de nous, ce qui donne du sens à notre mission. »

Des mots qui ont fait monter les larmes chez plusieurs proches. Pour eux, ce procès n’est pas qu’une procédure judiciaire : c’est la dernière chance d’obtenir une vérité officielle et une reconnaissance publique de la responsabilité des deux entreprises.

Et maintenant ?

Les avocats de la défense plaideront dans les prochaines semaines. La cour rendra sa décision d’ici quelques mois, probablement au printemps 2026. Trois issues possibles :

  • Confirmation de la relaxe de première instance
  • Condamnation des deux sociétés
  • Condamnation de l’une seulement

Quelle que soit l’issue, cette affaire restera comme l’un des plus longs et plus douloureux feuilletons judiciaires de l’histoire aéronautique française. Elle pose aussi des questions universelles : jusqu’où une entreprise est-elle responsable de la sécurité de ses produits ? À partir de combien d’incidents doit-on agir en urgence ? Et comment réparer, même symboliquement, la perte de 228 vies ?

Les familles, elles, attendent toujours. Elles attendent que justice soit rendue. Elles attendent que plus jamais un avion ne tombe du ciel pour des raisons qui auraient pu être évitées.

228 personnes ont perdu la vie cette nuit-là.
Elles venaient de 33 pays.
Elles rentraient chez elles, partaient en vacances, rejoignaient des proches.
Seize ans après, leurs familles sont toujours là, dans cette salle d’audience, pour qu’on n’oublie pas.

Peu importe le montant de l’amende, peu importe même le verdict final. Ce qui compte, c’est que l’on continue de parler d’elles. Que l’on continue de se poser les bonnes questions. Que l’on continue d’exiger le maximum en matière de sécurité aérienne.

Parce que voler doit rester l’un des moyens de transport les plus sûrs au monde. Et que chaque vie perdue nous rappelle qu’il n’y a pas de place pour la complaisance.

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