Le crash d’un avion de ligne azerbaïdjanais mercredi dernier, qui a fait 38 morts, est au cœur de vives tensions diplomatiques entre Bakou et Moscou. Selon les autorités azerbaïdjanaises, l’appareil aurait été abattu par un tir de la défense antiaérienne russe. Une version que le Kremlin se refuse pour l’instant à admettre publiquement, tout en promettant de punir les éventuels coupables.
Moscou s’engage à faire toute la lumière
Face à la gravité de l’incident et aux accusations de Bakou, la Russie tente de calmer le jeu. Selon le Parquet azerbaïdjanais, Moscou aurait ainsi assuré que des « mesures intensives étaient prises pour identifier les coupables et les amener à répondre de leurs actes ». Une enquête approfondie serait en cours, en collaboration avec les autorités du Kazakhstan où s’est écrasé l’avion, celles d’Azerbaïdjan et du Brésil, pays constructeur de l’appareil.
Le président russe Vladimir Poutine a présenté ses excuses à son homologue azerbaïdjanais Ilham Aliev. Il a reconnu que des tirs de défense antiaérienne avaient eu lieu le jour du drame, en raison d’une attaque de drones ukrainiens, sans pour autant admettre explicitement qu’ils étaient à l’origine du crash.
Des preuves accablantes
Pourtant, plusieurs éléments semblent accréditer la thèse d’un tir russe. D’après des sources proches de l’enquête, l’analyse des boîtes noires, envoyées au Brésil, aurait révélé des traces d’impact de missile sur la carlingue. De plus, la trajectoire erratique de l’avion juste avant le crash, avec des tentatives d’atterrissage d’urgence avortées en Tchétchénie, suggère de sérieux dommages en vol.
Jamais je n’aurais pensé que c’était la dernière fois que je la voyais.
– Un proche d’une victime
Pour les familles des victimes, qui réclament justice et indemnisation, la priorité est d’abord au rapatriement et à l’inhumation des corps. Comme en témoignent les funérailles poignantes de l’hôtesse de l’air Hokuma Aliyeva à Bakou.
Un accident sans précédent
Si la responsabilité de la Russie était avérée, il s’agirait d’un des plus graves incidents aériens causés par un tir « ami » en temps de paix. Des précédents existent en période de conflit, comme le vol MH17 de la Malaysia Airlines abattu par un missile russe au-dessus de l’Ukraine en 2014. Mais la destruction par erreur d’un avion civil d’un pays tiers est extrêmement rare.
Au-delà du drame humain, ce crash révèle la dégradation des relations entre Moscou et Bakou, sur fond de guerre en Ukraine et de différends régionaux. L’Azerbaïdjan, pays turcophone proche de la Turquie, s’est rapproché ces dernières années des Occidentaux, au grand dam de la Russie. Des tensions ravivées par le conflit au Haut-Karabakh entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, où Moscou joue un rôle d’arbitre de plus en plus contesté.
Des conséquences géopolitiques
Au-delà de l’enquête technique, ce crash pourrait donc avoir d’importantes répercussions géopolitiques dans le Caucase. Il risque d’accélérer le désamour entre la Russie et certains de ses voisins et alliés traditionnels, déjà ébranlés par son invasion de l’Ukraine. Plusieurs compagnies aériennes ont d’ores et déjà annoncé la suspension de leurs vols vers la Russie, comme la compagnie israélienne El Al.
Moscou joue donc gros dans la gestion des suites de ce drame. Au-delà des promesses, la transparence et la coopération seront de mise pour apaiser les tensions avec Bakou. Mais aussi pour rassurer sur la sécurité du ciel russe, sillonné chaque jour par des centaines de vols internationaux. L’espace aérien, nouveau terrain de la guerre hybride entre la Russie et l’Ukraine ?