Société

Crainte d’Expulsion dans le Bidonville de Stains

Dans le bidonville de Stains, des familles roms vivent dans l’angoisse d’une expulsion. Quelles solutions pour leur avenir ? Découvrez leur combat...

Imaginez un lieu où des coqs chantent au milieu de baraques faites de tôles et de planches, où des enfants rient malgré la précarité, et où l’ombre d’une expulsion plane comme une menace constante. Bienvenue dans le bidonville de Stains, en Seine-Saint-Denis, l’un des plus grands de France métropolitaine. Ce lieu, niché entre des jardins ouvriers et des parcelles de verdure, abrite plus d’un millier de personnes, majoritairement des familles roms, vivant dans des conditions difficiles mais avec une résilience qui force l’admiration. Cet article plonge dans leur quotidien, leurs craintes, et les défis auxquels ils font face, tout en explorant les efforts pour un avenir meilleur.

Une vie entre précarité et espoir

Le bidonville de Stains, situé en région parisienne, est un paradoxe visuel. À première vue, les lieux pourraient presque sembler charmants, avec des allées de terre bordées de végétation. Mais cette apparence bucolique cache une réalité bien plus rude. Les habitants, souvent des familles roms originaires de Roumanie, vivent dans des abris de fortune où la chaleur étouffante de l’été atteint des températures extrêmes, parfois proches de 50 degrés. Les installations sanitaires, réduites à des « toilettes de campagne », favorisent la propagation de maladies, rendant la vie quotidienne particulièrement éprouvante.

Pourtant, au milieu de ces défis, une communauté s’organise. Les enfants jouent dans les allées, des mères veillent sur leurs familles, et des travailleurs sociaux, comme ceux de l’ONG Médecins du Monde, apportent un soutien vital. Ces bénévoles, reconnaissables à leurs chasubles blanches, sillonnent le bidonville pour offrir des soins médicaux et un accompagnement administratif, tentant d’apporter un peu de stabilité dans un environnement marqué par l’incertitude.

La menace constante de l’expulsion

Pour les habitants de Stains, la peur d’être expulsé est omniprésente. Ioana, une femme d’une cinquantaine d’années, vit dans une caravane depuis cinq ans. Brocanteuse, elle rêve d’un logement stable, d’une maison où sa famille pourrait enfin poser ses valises. « Je ne sais pas où nous irons si nous devons partir », confie-t-elle, la voix teintée d’inquiétude. Comme elle, beaucoup d’habitants ont déposé des demandes de logement social, mais les démarches sont longues et complexes, surtout pour une population souvent confrontée à des discriminations.

« Je ne sais pas où nous irons si nous devons partir. »

Ioana, habitante du bidonville de Stains

Vasile, 58 ans, partage cette angoisse. Installé depuis huit ans dans le bidonville, il craint de se retrouver à la rue avec sa famille. « Mes enfants vont à l’école, explique-t-il. Si nous sommes expulsés, tout ce que nous avons construit ici s’effondrera. » La scolarisation des enfants roms est un défi majeur : les démarches administratives, les préjugés et les expulsions fréquentes compliquent leur accès à l’éducation, un droit pourtant fondamental.

Un bidonville sous surveillance

Les autorités locales reconnaissent que le bidonville de Stains ne peut rester en l’état. Selon le préfet de Seine-Saint-Denis, des problèmes sanitaires, des tensions avec le voisinage et des troubles à l’ordre public justifient une intervention. Une association a été mandatée pour réaliser un diagnostic social auprès des familles, afin d’évaluer leurs besoins et de préparer un éventuel relogement. Cependant, aucune expulsion n’est prévue avant le printemps prochain, ce qui laisse un répit temporaire aux habitants.

Médecins du Monde, tout en soutenant l’idée d’une résorption des bidonvilles, insiste sur l’importance d’offrir des solutions de relogement pérennes. « Ce ne sont pas juste des baraques à démolir, ce sont des vies à reconstruire », souligne Clément Etienne, coordinateur du programme Bidonvilles de l’ONG. Cette perspective est essentielle pour éviter que les familles ne se retrouvent dans une situation encore plus précaire.

Les défis sanitaires et sociaux

La santé est un enjeu majeur dans le bidonville. Les conditions de vie, marquées par l’absence d’eau courante et d’infrastructures adaptées, aggravent les problèmes médicaux. Gheorghe, un ancien pompier roumain, illustre cette réalité. Souffrant de problèmes de santé, il a été expulsé d’un autre bidonville cet été. « J’ai l’impression d’être un oiseau, toujours en mouvement », confie-t-il, amer. Chaque expulsion interrompt les soins médicaux, brisant la continuité des traitements pour des personnes souvent vulnérables.

« Chaque expulsion entraîne une rupture dans le parcours de soins. »

Clément Etienne, Médecins du Monde

Pour répondre à ces besoins, Médecins du Monde déploie des équipes médicales et sociales. Les bénévoles, comme Bogdan Pintea, accompagnent les habitants dans leurs démarches administratives, notamment pour accéder à l’aide médicale d’État, qui offre une couverture santé aux personnes à faibles revenus. Mais ces efforts, bien que précieux, ne suffisent pas à compenser l’instabilité liée aux menaces d’expulsion.

Discrimination et stigmatisation

Les populations roms, majoritaires dans le bidonville, font face à une discrimination systémique. Ionel, arrivé récemment en France après une longue peine de prison en Roumanie, ne mâche pas ses mots : « Nous, les Roms, sommes très discriminés. » Ce sentiment est corroboré par un rapport récent, qui souligne que les Roms restent la minorité la plus stigmatisée en France, malgré une légère amélioration en 2024. Cette stigmatisation complique leur intégration et leur accès aux droits fondamentaux, comme le logement ou l’éducation.

Chiffres clés sur les bidonvilles en France :

  • 10 000 personnes vivent dans 227 bidonvilles en France métropolitaine (fin 2024).
  • 1 500 personnes relogées en 2023.
  • Conditions sanitaires précaires favorisant les maladies.

Face à cette réalité, les habitants du bidonville de Stains continuent de se battre pour un avenir meilleur. Certains, comme Ioana, espèrent un logement stable. D’autres, comme Vasile, veulent offrir une éducation à leurs enfants. Mais tous partagent un même souhait : être traités avec dignité et avoir une chance de s’intégrer pleinement dans la société française.

Vers une solution durable ?

La résorption des bidonvilles est une priorité pour les autorités, mais elle doit s’accompagner de solutions concrètes. Le relogement des familles est un processus complexe, qui nécessite une coordination entre les associations, les collectivités locales et l’État. En 2023, environ 1 500 personnes ont été relogées, un chiffre encourageant mais encore insuffisant face à l’ampleur du problème. Les habitants de Stains, eux, attendent des garanties que leur départ du bidonville ne les conduira pas à une nouvelle errance.

Pour les travailleurs sociaux, la clé réside dans une approche humaine. « Il ne s’agit pas seulement de démolir des baraques, mais de reconstruire des vies », répète Clément Etienne. Cette vision, centrée sur la dignité et l’accompagnement, pourrait transformer la résorption des bidonvilles en une opportunité d’inclusion, plutôt qu’en une nouvelle source d’exclusion.

Un quotidien marqué par la résilience

Dans les allées du bidonville, la vie continue malgré les incertitudes. Les enfants jouent, les familles s’entraident, et les bénévoles de Médecins du Monde poursuivent leur travail. Ce lieu, bien que marqué par la précarité, est aussi un espace de solidarité et d’espoir. Les habitants, souvent marginalisés, montrent une résilience remarquable, s’accrochant à l’idée d’un avenir meilleur.

Pourtant, l’angoisse d’une expulsion imminente plane toujours. Les rumeurs, relayées entre voisins, alimentent la peur et l’incertitude. « On vit dans l’attente, sans savoir de quoi demain sera fait », confie Bogdan Pintea. Cette instabilité, couplée à des conditions de vie difficiles, rend le quotidien des habitants particulièrement éprouvant.

Un enjeu de société

Le bidonville de Stains n’est pas un cas isolé. En France, environ 10 000 personnes vivent dans des conditions similaires, dans des bidonvilles disséminés à travers le pays. Ces lieux, souvent invisibles aux yeux du grand public, posent des questions fondamentales sur l’inclusion, les droits humains et la lutte contre la précarité. Comment garantir un logement digne à tous ? Comment accompagner les populations marginalisées sans les stigmatiser davantage ?

Pour les habitants de Stains, l’avenir reste incertain. Mais leur combat, soutenu par des associations comme Médecins du Monde, rappelle l’importance de placer l’humain au centre des politiques publiques. La résorption des bidonvilles ne doit pas se limiter à des opérations d’évacuation, mais doit s’inscrire dans une démarche globale d’intégration et de justice sociale.

Pour aller plus loin :

  • Accompagnement des populations roms : un défi administratif et humain.
  • Relogement : une solution durable ou un simple déplacement du problème ?
  • La santé dans les bidonvilles : un enjeu sanitaire urgent.

Le bidonville de Stains, avec ses baraques précaires et ses habitants résilients, incarne les contradictions d’une société confrontée à la précarité et à l’exclusion. En attendant des solutions concrètes, les familles continuent de vivre, d’espérer et de se battre pour un avenir meilleur. Leur histoire nous rappelle que derrière chaque statistique, il y a des visages, des rêves et des combats qui méritent d’être entendus.

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