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CPI : Ali Kosheib Condamné à 20 Ans pour Crimes au Darfour

Il était surnommé « le tueur à la hache ». Hier, à La Haye, Ali Kosheib, l’un des pires bourreaux du Darfour, a été condamné à 20 ans de prison. Mais cette peine suffira-t-elle à panser les plaies d’un conflit qui a fait 300 000 morts ? L’histoire est loin d’être terminée…

Imaginez un homme de 76 ans, costume bleu impeccable, cravate bien nouée, qui écoute sans broncher qu’on le condamne à passer le reste de sa vie derrière les barreaux. Hier, à La Haye, ce n’est pas un simple retraité qui se tenait devant les juges de la Cour pénale internationale. C’était Ali Mohamed Ali Abd-Al-Rahman, plus connu sous son nom de guerre : Ali Kosheib. L’un des visages les plus terrifiants de la tragédie du Darfour.

Vingt ans de prison pour des crimes qui hantent encore le Soudan

Le verdict est tombé mardi. Vingt ans d’emprisonnement. Ni plus, ni moins. Pour certains, cela peut paraître dérisoire face à l’ampleur des atrocités commises entre 2003 et 2004. Pour d’autres, c’est déjà un signal fort : même vingt ans après, la justice internationale peut rattraper ceux qui pensaient avoir échappé à tout.

Ali Kosheib a été reconnu coupable en octobre dernier de 31 chefs d’accusation : crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Viols, meurtres, tortures, persécutions. Des actes qu’il a, selon les juges, « activement » orchestrés et parfois personnellement commis.

Un bourreau au visage ordinaire

Lorsque la juge Joanna Korner a prononcé la sentence, l’accusé est resté de marbre. Pas un battement de cil. Pourtant, les mots étaient lourds. Elle a rappelé qu’il avait « personnellement » frappé des victimes avec une hache, qu’il avait donné l’ordre d’exécutions sommaires, qu’il avait mené ce que les survivants décrivent comme une « campagne d’extermination, d’humiliation et de déplacement ».

Le procureur Julian Nicholls avait été beaucoup plus direct lors de ses réquisitions en novembre : « Un tueur à la hache se tient littéralement devant vous ». Il avait requis la perpétuité. Les récits des témoins, avait-il dit, étaient « tout droit sortis d’un cauchemar ».

« Les victimes ont décrit des scènes où des villages entiers étaient rasés, des femmes violées sous les yeux de leurs familles des hommes attachés et battus jusqu’à la mort. »

Extrait du dossier d’accusation

Qui est vraiment Ali Kosheib ?

Ali Kosheib était l’un des principaux commandants des Janjawids, cette milice à majorité arabe armée par le régime de l’époque pour écraser la rébellion au Darfour. Des nomades recrutés, équipés, parfois payés pour terroriser les populations civiles issues de groupes ethniques africains (Fours, Masalit, Zaghawa).

Son surnom, « Kosheib », signifie d’ailleurs « le fouet » en arabe local. Un nom qui en disait long sur ses méthodes. Pendant des années, il a semé la terreur dans l’ouest du Soudan, à la tête de milliers d’hommes à cheval ou en pick-up, attaquant villages après villages.

Il a toujours nié être un haut responsable. Il a prétendu n’être qu’un simple chef tribal. Les juges ont balayé cette défense d’un revers de main. Les preuves étaient accablantes : ordres écrits, témoignages concordants, vidéos même.

Une reddition surprenante en 2020

Ce qui rend cette affaire encore plus particulière, c’est la façon dont Ali Kosheib s’est retrouvé à La Haye. En février 2020, quand le nouveau gouvernement soudanais a annoncé qu’il coopérerait avec la CPI, il a pris peur et s’est enfui en République centrafricaine.

Puis, quelques mois plus tard, il s’est rendu de lui-même aux autorités. Il a expliqué être « désespéré », craignant d’être exécuté au Soudan. La Cour n’a pas cru un mot de cette version. Pour les juges, c’était une tentative désespérée d’échapper à une justice locale bien plus expéditive.

Le Darfour, vingt ans après : les mêmes fantômes

Le conflit du Darfour a officiellement pris fin en 2020, mais ses cicatrices sont encore béantes. L’ONU estime à 300 000 le nombre de morts et à 2,5 millions le nombre de déplacés. Des villages entiers n’ont jamais été reconstruits. Des familles entières vivent encore dans des camps.

Et le pire, c’est que l’histoire se répète. Depuis avril 2023, le Soudan est à nouveau plongé dans une guerre terrible, cette fois entre l’armée régulière et les Forces de soutien rapide (FSR), issues… des anciennes Janjawids. Des milliers de civils tués, des millions de déplacés à nouveau. Et début novembre, la CPI a averti que les exactions à El-Facher pourraient constituer de nouveaux crimes de guerre et contre l’humanité.

Le cycle de la violence semble sans fin.

Que signifie vraiment cette condamnation ?

Vingt ans de prison pour Ali Kosheib, c’est historique : c’est la première condamnation prononcée par la CPI pour les crimes du Darfour. Mais c’est aussi une peine qui laisse un goût amer.

Beaucoup de victimes espéraient la perpétuité. Beaucoup se demandent aussi où sont les autres responsables. Omar el-Béchir, l’ancien président soudanais, visé par deux mandats d’arrêt de la CPI, vit toujours libre à Khartoum. D’autres chefs Janjawids occupent aujourd’hui des postes importants dans les FSR.

Cette condamnation est un pas. Mais un tout petit pas dans un désert de souffrances qui s’étend sur des décennies.

Et pendant ce temps, au Darfour, les survivants attendent toujours que justice soit vraiment rendue. Pas seulement dans une salle d’audience climatisée à La Haye. Mais chez eux. Dans leurs villages brûlés. Là où les fantômes d’Ali Kosheib rôdent encore.

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